La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Denis et Aurélien Pascal, la passion en héritage

À quelques jours d'intervalle, en avril dernier, deux enregistrements du pianiste Denis Pascal et de son fils le violoncelliste Aurélien Pascal sont parus : "Ravel à Gaveau" et "All'Ungarese - Kodàly, Popper, Dohnànyi". Deux CD gravés sous le label La Musica témoignant d'une belle transmission familiale de la passion de la musique.



Premier Grand Prix au concours Feuermann à la philharmonie de Berlin à dix-neuf ans, Aurélien Pascal est aujourd'hui un des plus remarquables violoncellistes de la jeune génération. À seulement vingt-cinq ans, il est le jeune héritier d'une féconde école française formée depuis longtemps dans la classe de Philippe Muller au CNSMD de Paris.

D'autres récompenses prestigieuses, tel que son Prix au concours Reine Elisabeth à Bruxelles, viendront confirmer l'excellence de ses interprétations sur un violoncelle de 1850 de Charles-Adolphe Gand. Le jury du concours Paulo Cello d'Helsinki n'a-t-il pas loué son jeu "d'une rare puissance et d'une superbe élégance" dans le concerto de Henri Dutilleux, "Tout un monde lointain" ?

Puissance, élégance, engagement monstre et une virtuosité bluffante, des qualités bien présentes dans un dernier enregistrement paru au printemps 2019 avec un programme "All'Hungarese" consacré à deux compositeurs majeurs, Zoltàn Kodàly (1882-1967) et Erno Dohnànyi (1877-1960). Au cœur du CD, Aurélien Pascal livre une interprétation brillante de la "Sonate pour violoncelle seul" opus 8 du premier, découverte par le Français alors qu'il travaillait avec Jànos Starker, élève et thuriféraire du compositeur hongrois.

Œuvre charnière de la littérature du violoncelle, la sonate opus 8 propose un traitement inédit de l'instrument qui signale son entrée dans la modernité. Le jeune violoncelliste la sert admirablement révélant avec un naturel insolent les nouvelles possibilités accordées à son instrument en termes de modes de jeu, de rythmes et de sonorités. Du même Kodàly, il livre aussi un émouvant "Adagio pour violoncelle et piano" (composé en 1910) avec la complicité idéale de Paloma Kouider au clavier, fondatrice du désormais célèbre et excellent Trio Karénine.

Après un hommage rendu à David Popper (1843-1913), son illustre devancier formé à Prague, qu'on appela "le Paganini du violoncelle" ("Fantaisie sur une chanson de la Petite Russie opus 43), Aurélien Pascal propose enfin une version ébouriffante de sa transcription d'une œuvre destinée au piano par Dohnànyi, "Ruralia Hungarica" opus 32. Dohnànyi en avait déjà transcrit certaines pages pour le piano et le violon et l'Andante rubato pour le violoncelle et le piano.

Révisant radicalement toute l'œuvre, il ne reste au Français qu'à substituer, dans les deux autres mouvements, le violoncelle au violon. Un violoncelle qui se fait alors tzigane pour une virtuosité non moins éclatante ici dans un disque qui fera date.

C'est que le talent et la passion sont une affaire de famille chez les Pascal. Le père d'Aurélien, Denis est le pianiste français que tous connaissent dans Liszt mais aussi défenseur inlassable de compositeurs moins célèbres, tel Jean Wiener. C'est aussi un pédagogue et un partenaire privilégié de nombreux artistes comme Jànos Starker entre autres. La mère d'Aurélien est la violoncelliste (qu'elle enseigne) et chanteuse Marie-Paule Milone. Son frère Alexandre est violoniste et joue dans l'orchestre Secession Orchestra de Clément Mao-Tackacs. La musique comme ADN ? Certainement.

Denis Pascal a fondé, avec son épouse, le festival "Tons voisins" à Albi, ville dont ils sont originaires. 2019 a d'ailleurs vu la treizième édition de cette manifestation. En famille et avec des amis, on joue volontiers ensemble. Au sein du Trio Pascal, par exemple, mais aussi avec des partenaires privilégiés comme en témoigne le dernier enregistrement de Denis Pascal, "Ravel à Gaveau" paru quelques jours après celui de son fils. Un fils qu'on retrouve sur cet album avec le piano de David Lively et le violon de Sveltin Roussev.

Ce disque réunit quatre œuvres du compositeur français dont on sait qu'il créa quelques-unes de ses pièces majeures à la Salle Gaveau justement - après en avoir composé certaines sur un piano Gaveau. On y retrouve ainsi les "Valses nobles et sentimentales" interprétées par Denis Pascal, "Le Tombeau de Couperin" (David Lively), son "Trio avec piano" (célèbre grâce au film de Claude Sautet, "Un Cœur en hiver" joué ici par les Pascal et Roussev) et la "Tzigane" (Lively, Roussev) révélés au public dans les concerts de Maurice Ravel (1875-1937) donnés entre 1909 et 1932 (non sans huées parfois) à Gaveau - une salle ouverte le trois octobre 1907 qui fit tant pour la jeune musique française d'alors.

Les Pascal père et fils, David Lively et Svetlin Roussev nous replongent ici avec délectation dans l'atmosphère de ces créations avec un sens aigu de la technique et de la musicalité au service des couleurs et des climats, rendant pleine justice au génie de Maurice Ravel.

● "Ravel à Gaveau"
Denis Pascal (piano), David Lively (piano), Aurélien Pascal (violoncelle), Svetlin Roussev (violon).
Label : La Musica.
Distribution : [PIAS].
Sortie : avril 2019.

● "All'Ungarese - Kodàly, Popper, Dohnànyi"
Aurélien Pascal (violoncelle), Paloma Kouider (piano).
Label : La Musica.
Distribution : [PIAS].
Sortie : avril 2019.

>> denispascal.com
>> aurelien-pascal.com


Christine Ducq
Lundi 12 Août 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024