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Festivals

Découvertes sur une partition jazz 'n' gospel au Festi'Val du Sauzay

La quatrième édition du Festi'Val du Sauzay (dans la Nièvre), événement rural musical aux sons du blues, du jazz manouche et du gospel, a été l'occasion de découvrir quelques formations talentueuses dans le cadre sonore idéal de deux des plus belles églises du Val de Sauzay.



Bayina Tribe © Laurence Navarro.
Bayina Tribe © Laurence Navarro.
Cette nouvelle édition, qui se déroulait du 9 au 12 août, a tenu ses promesses, malgré un volant budgétaire restreint - en nette diminution par rapport à l'an dernier -, grâce notamment à un président volontaire et dynamique, une équipe de bénévoles efficace, des lieux de concerts adaptés et une réelle qualité de la programmation musicale.

L'une des particularités de cette manifestation est son "imprégnation" dans le monde rural... Le val du Sauzay, c'est onze communes rurales de la Nièvre, dans le canton de Varzy, soit environ 3 500 habitants (17 habitants au km²). L'autre singularité est sa proposition artistique très jazzy programmée dans l'un des lieux fédérateurs d'un petit village : l'église ! Cette année, les deux premiers concerts se sont déroulés dans l'église Saint-Vincent de Corvol-l'Orgueilleux et dans l'église Saint-Pierre de Varzy pour les deux suivants... Lieux "illuminés" pour la circonstance !

Le festival s'est ouvert le vendredi 9 août avec un groupe de négro-spiritual de pure tradition. Dans le jeu des 7 familles du gospel, je voudrais la famille Bayina... Bayina Tribe. Ce groupe nantais travaille en famille d'où le mot Tribe. On y retrouve donc Dahlia Bayina (la fille), Edwige Bayina (la mère), Hamez-Sébastien Bayina (le père) ainsi que trois musiciens-choristes. Dans un style afro-américain, le groupe se réclame de l'école de Chicago et des traditions zoulou et bantou d’Afrique, Bayina Tribe a plongé le public au cœur d'une musique chargée d'Histoire. Une ambiance énergique, dynamique et dansante, avec des mélodies et des rythmes qui ne laissèrent pas insensibles le public... enclins à reprendre sans effort les standards du répertoire gospel.

Catfish Blues © Laurence Navarro.
Catfish Blues © Laurence Navarro.
Pour la deuxième soirée sur la scène de l'église de Corvol-l'Orgueilleux, c'est la note bleue qui donne le "la" avec le retour de Catfish Blues (déjà présent en 2011), un autre groupe venu de l'ouest, de Rennes précisément. Crée en 2008, cette formation est composée de trois grands passionnés de blues : Loïg Hellec (guitare, dobro, slide et chant), Christian Tézenas (harmonica, chant et guitare) et Loïc Rosmade à la batterie.

Le trio revisite les grands classiques du blues et forme ainsi leur répertoire avec, entre autres, "Hoochie Coochie Man", un standard écrit et composé par Willie Dixon et interprété la première fois par Muddy Waters, "Walking Blues" de Robert Johnson, "Good Morning Little Schoolgirl" rendu célèbre par John Lee Hooker et bien d'autres moins connus du grand public comme "Pony Blues" de Charley Patton. Un beau voyage sur la portée des notes bleues où Loïc Hellec imprime à sa guitare un jeu très "Talking Blues" à la John Lee Hooker ou plus jazzy et choral à la "JJ Cale", toujours bien relayé par le style très expressif de l'harmonica de Christian Tézenas et la rythmique bien chaloupée de Loïc Rosmade.

Istebna © Laurence Navarro.
Istebna © Laurence Navarro.
Changement de décor, et donc d'église, pour une troisième soirée consacrée cette fois au jazz. C'est dans le très gothique monument religieux de Varzy que le quartet à cordes Istebna a distillé son "remuant" jazz manouche. Composé de jeunes musiciens - Mathias Carlier et Thomas Revenu aux guitares, Antoine Carlier à l'alto et au violon, Frank Menegazzi à la contrebasse -, cette formation bourguignonne reprend, dans la tradition du swing des années trente-cinquante, les titres composés par Django Reinhardt et/ou Stéphane Grappelli, à la grande époque du Quintette du Hot Club de France, et qui sont devenus des standards du jazz manouche comme "Swing 39", "Minor Swing", "Montagne Sainte-Geneviève", ou d'autres ayant connu le succès avec le fameux quintette "gitan" comme "All of me" (S. Simons/G. Marks) ou "Sweet Georgia Brown" (Bernie, Pinkard, Casey).

Fidèle à leurs aînés, Istebna développe avec dextérité les thèmes des compositions choisies. Si celles-ci sont souvent d'une structure harmonique simple, elles laissent beaucoup de liberté aux musiciens et notre quartet s'en donne à cœur joie pour offrir un swing endiablé et une rythmique efficace, marquée par la contrebasse, et des accords de guitare glissés dans des enchaînements extrêmement fluides, le tout dans un esprit bon enfant et festif.

Soul Voice Choir © Laurence Navarro.
Soul Voice Choir © Laurence Navarro.
Final très féminin et retour au gospel avec Soul Voice Choir... pour le dernier spectacle ayant lieu dans l'église Saint-Pierre de Varzy. Fort de ses douze années de scène et de ses sept superbes voix féminines, la formation Soul Voices est une chorale fidèle à la tradition du genre avec un répertoire composé de classiques du Gospel et du Négro Spiritual. Ces derniers - "Elijah Rock", "Freedom", "Mary don’t you weep" et les incontournables "When the Saints go marching in", "Glory, Glory Halleluijah" ou "Happy Day" - sont souvent devenus célèbres grâce à Mahalia Jackson ou le Golden Gate Quartet.

La chorale Soul Voice, créée et dirigée par Loreney, donne à ces standards une chaleureuse interprétation personnelle, très expressive émotionnellement tout en restant très "soul" et étonnamment swinguante. Les sept choristes, soutenues par Jean-Jacques Cigolini à la guitare et Steven Daviet à la batterie, ont offert une apothéose enchanteresse et énergique à cette quatrième édition du Festi'Val du Sauzay et leur groove communicatif a sans doute convaincu les derniers réticents au gospel !

Gil Chauveau et Laurence Navarro
Mardi 27 Août 2013

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

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© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

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La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023