La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Comment voulez-vous que nous sortions, le monde est bien trop dangereux !

"Taisez-vous ou je tire", Festival Ado, Le Préau à Vire et Bocage Normand

S'ouvrir à de nouveaux milieux, à de nouveaux publics, à de nouvelles formes artistiques, pouvant remettre en question les prérequis habituels d'un CDN ou d'un CDR, c'est le choix qu'on fait le NEST à Thionville et Le Préau à Vire en dédiant, dans la forme et dans le contenu, un festival aux ados. "Taisez-vous ou je tire" de Métie Navajo et Cécile Arthus est l'une des propositions phares de ces événements.



© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Aujourd'hui, c'est atelier théâtre… Obligatoire s'entend. Nous sommes au lycée où, comme il se doit, les classes ont des couleurs et des caractéristiques sociologiques mélangées, métissées, voire mondialisées mais pas mondialistes. La prétendue bonne réputation de l'établissement, dans sa banalité urbaine, ne laisse pas présager un basculement qui, par son excès, soufflera une tempête médiatique et la révélation des violents tourments adolescents.

À un moment dont personne ne soupçonne l'existence, la bascule se fait. Une arme trouvée dans le sac d'un élève, éclairant l'insupportable évidence d'une radicalisation émergente, va changer la donne et modifier la finalité du cours. Étudiants et professeur, avançant sur terrain miné, vont tomber les masques et initier une dramatisation du "Don Juan" de Molière que l'auteur n'aurait pu imaginer. La complexité des relations va aiguiser les dissemblances et les divergences, qui amèneront, pour certains, en conclusion, à réunir leurs similarités organiques ou sociales.

© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Ici le melting-pot se joue dans l'effervescence des échanges, parfois des confrontations, où peuvent s'imposer les religions, les dominations (familiales ou machistes) ou les dérives d'histoires d'immigrations anciennes ou récentes (dues à la guerre, aux extrémismes, aux famines, etc.).

Les tensions sont palpables, les agressivités/animosités pas toujours contenues, et disent le désarroi, la colère, la désespérance d'une jeunesse abandonnée à son sort, naufragée dans le labyrinthe des réalités sociales, que ni la cellule familiale, ni le cadre scolaire sont aptes à apaiser, n'ayant pas en sa possession les solutions adaptées.

La densité extraordinaire du jeu des jeunes comédiens qui, sans occulter une forme réaliste, instille petit à petit une tension dramatique mettant en exergue les enjeux de la tempête en cours et de la tragédie naissante. La mise en scène et la direction d'acteurs de Cécile Arthus posent avec précision et maîtrise les déplacements et placements, insufflant à la pièce le rythme nécessaire pour traduire l'impétuosité et la fureur d'une jeunesse en colère.

© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Et, à la sortie, une question se pose… Comment sédimenter aujourd'hui une forme théâtrale qui puisse faire écho à ce que ressentent les ados, à ce qu'ils vivent, non pas seulement en tant qu'individu à la conquête d'un avenir, récepteur involontaire d'un environnement subi… enduré non pas par inactivité, "non-réaction", mais subi par le simple fait que celui-ci a été créé par d'autres, adultes à la jeunesse oubliée, dont la seule préoccupation fut de zoner les différences ou les inadaptations récurrentes.

Ces adolescents, dont l'inappétence remet en question la tangibilité de nos existences, s'ils ne trouvent pas toujours les réponses, ont l'opportunité, grâce notamment à la Semaine Extra (Les Ados font leur festival | Édition #3) au NEST à Thionville (57) et au Festival ADO au Préau à Vire (14), d'en approcher quelques perspectives qu'ils seront, in fine, les seuls à pouvoir concrétiser.
Et c'est déjà un premier pas de fait !

"Taisez-vous ou je tire"

© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Diptyque "Jeunesses et Violences" Premier volet.
Commande d’écriture : Métie Navajo.
Mise en scène : Cécile Arthus.
Chorégraphie : Aurélie Gandit.
Avec : Hiba El Aflahi, Olivia Chatain (comédienne permanente au Préau), Timothée Doucet, Léonie Kerckaert, Chloé Sarrat, Mehdi Limam, Jackee Toto.
Avec les adolescents-comédiens : Rachel Arrivé, Camille Delaunay, Sharon Ndoumbe, Harouna Abou Ide, Kiara Ramazotti, Carla Thomas.
Scénographie : Estelle Gautier.
Costumes : Chantal Lallement.
Lumière : Maëlle Payonne.
Compositeur : Clément Bouvier.

© Arthur Pequin.
© Arthur Pequin.
Festival ADO#8
Du mardi 2 au samedi 20 mai 2017.
Le Préau ! - Centre Dramatique de Normandie, Vire (14), 02 31 66 66 26.
>> lepreaucdr.fr Ado, Le Préau, Vire (14).

2 mai à 20 h 30, 4 mai à 10 h, 5 mai à 10 h et 14 h, 6 mai à 20 h 30 : Le Préau !, Vire (14).

Festival Ado, Bocage Normand.
9 mai 2017 : 20 h 30, Salle André Rocton, Domfront (61).
11 mai 2017 : 14 h et 20 h 30, Salle Géricault, Mortain (50).
12 mai 2017 : 20 h 30, Salle des Fêtes Le Bourg, Giéville, Torigny-les-Villes (50).
18 mai 2017 : 20 h 30, Salle Multiculturelle, Passais-la-Conception, Passais-Villages (61).
19 mai 2017 : 20 h 30, Salle des Fêtes, Champ-du-Boult, Noue-de-Sienne (14).
20 mai 2017 : 20 h 30, Cinéma Le Royal, Condé-sur-Noireau, Condé-en-Normandie (14).

Gil Chauveau
Vendredi 5 Mai 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024