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Chuuuuuuuuut ! Un spectacle qui donne envie de tout, sauf de se taire

La chronique d'Isa-belle L

Il y a beaucoup d’expressions à la con ! Comme : "La nuit porte conseil" alors que la nuit, à part une voisine insomniaque qui nous refait l’intégrale de Véronique et Davina, "Chut !", on dort…



© David Rousseau.
© David Rousseau.
En revanche, celle-ci me plaît beaucoup : "Les petits ruisseaux font les grandes rivières.". Ne pas confondre avec la chanson de Justin, prononcé "Justine", Timberlake, "Pleure moi une rivière", dont le texte a probablement été puisé au fond dudit lac, dans un état secondaire.

Avant de déverser un torrent de mots à la terre entière, il est toujours plus aisé d’y mettre un peu de réflexion. "Justine" : le titre de ta chanson ne veut rien dire. Alors que "Les petits ruisseaux font les grandes rivières" signifie qu’en multipliant des tas de petites choses, on finit par en sortir quelque chose d’important.

Tu vois, par exemple, l’autre soir, je suis allée voir une comédienne au théâtre. Elle chante, comme toi, même si je préfère sa voix à la tienne. Plus nuancée, plus colorée, plus "timbrée" que toi. Tu as surfé sur le succès en bande, elle aussi, avec un même point commun : seuls des garçons vous entouraient. J’ai cru comprendre que comme elle - Emmanuelle, elle s’appelle - tu étais auteur-compositeur et interprète. C’est chouette !

© David Rousseau.
© David Rousseau.
Le soir dont je parle, affluant des quatre coins de Paname, le public s’est jeté sur les strapontins de cette petite salle du onzième. Très "collés serrés", les spectateurs parlaient ou se cognaient la tête sur le genou du voisin en ramassant leurs vestes qui, sur les cuisses, glissaient tout le temps.

Une première pour Emmanuelle, en solitaire. Le tout premier solo de notre grande "Rivière" qui, permettez-moi cette traduction dans une langue qui ne lui sera pas étrangère : "tiene bajo el capó". "En avoir sous le capot", version "espagnole", c’est jouer solo d’accord, mais en donnant beaucoup de couleurs. Nombreuses sont les comédiennes (et les chanteurs, je ne t’oublie pas Justin’E) qui s’essaient au seul en scène.

Souvent d’ailleurs reviennent les mêmes thèmes : amour, emmerde, rupture, horloge biologique, solitude, psy. C’est la vie. C’est celle qu’Emmanuelle nous raconte avec profondeur de textes, qu’ils soient joués ou chantés, sans oublier l’ingrédient épicé qui nous fait l’adorer : la danse enflammée. Espagnole, elle l’est, Olé !

Coule de cette jolie rivière, oui, car Emmanuelle est jolie, tambièn !, des morceaux de vie empreints de comédie. La scène de la discothèque, la soirée avec le type lourd qui ne va pas la lâcher, sa naissance folklo avec la grand-mère déjantée, autant de morceaux dans lesquels je vous promets une noyade d’éclats de rire. L’émotion gagne du terrain quand son grain de voix nous offre une chanson où s’entremêlent, l’air de rien, ses petits ruisseaux en devenir…inaugurés ce soir-là, avec brio !

Un solo, c’est du boulot ! Un solo, c’est beaucoup de pression, d’hésitation, de recul, de tergiversations… et puis soudain : on se jette à l’eau.

De ces "petits ruisseaux qui font de grandes rivières", il y a le parcours d’une artiste dont le nom vient d’entrer dans la lumière. La salle où chacun d’entre nous l’écoutait avec délice et attention, ne dira pas le contraire. Mes tympans aussi étaient grands ouverts.

Si de son nom, certains se sont moqués, c’est qu’ils ont omis d’y ajouter sa majuscule.
Rivière avec un R en grand, comme son talent qui, ce soir-là, sur un plateau, nous a été offert.

Je lui souhaite de voguer très longtemps sur les scènes de France et de Navarre… pour conclure ma chronique d’une autre expression.

"Chuuuuut"

© David Rousseau.
© David Rousseau.
Texte : Emmanuelle Rivière.
Mis en scène: Caroline Duffau, Frédéric Baptiste.
Avec : Emmanuelle Rivière.

Du 25 janvier au 29 mars 2017.
Mercredi à 19 h.
Comédie des 3 Bornes, Paris 11e, 01 43 57 68 29.
>> comediedes3bornes.com

Isabelle Lauriou
Jeudi 8 Décembre 2016


1.Posté par Hassan Alaoui le 06/01/2017 01:16
Fabuleux

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© Pics.
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© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

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Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

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La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023