La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Humour

Christelle Chollet, c’est "rires et chansons"... une transfusion de bonheur et d’humour

"Christelle Chollet, le nouveau spectacle", Théâtre de la Renaissance, Paris

On l'a connue jeune trentenaire célibataire, elle nous revient mariée, avec un enfant, et toujours sa gouaille, son œil aiguisé et ses vannes hilarantes sur la vie de couple, les tendances, les nouvelles technologies, etc. Et une invention qui fera date : le permis à points !



© Charlotte Spillemaecker.
© Charlotte Spillemaecker.
Christelle Chollet, "La" Chollet, est de retour… Un an tout juste après avoir arrêté de jouer "L’Empiafée", un spectacle avec lequel elle avait obtenu un succès aussi formidable que légitime, et qu’elle aura porté plus de cinq ans.

Le niveau avait alors été placé tellement haut que je demandais ce qu’elle allait pouvoir nous proposer cette fois et, surtout, si elle allait réussir à encore nous surprendre et nous épater… Et bien oui, mille fois oui ! Elle nous emmène une fois encore.

L’astuce a été de la part de l’auteur de ne pas nous déstabiliser. Nous retrouvons le même principe, nous avons nos repères ; mais si le concept est identique, le traitement a considérablement évolué. Le succès est passé par là. Le succès qui, non seulement rend encore plus beau, mais apporte un surcroît d’assurance et, en corollaire, plus de moyens aussi…

Or donc, Christelle Chollet travaille toujours pour "SOS Chanteuse". Elle semble même en être devenue la patronne. Elle se déplace certes toujours en scooter mais - nouveau statut oblige - son casque est plaqué or. Son short, toujours aussi mini, n’est plus en jean, mais il fait partie d’un ensemble fort seyant, genre smoking estival. Elle n’est plus accompagnée par un seul musicien, mais par deux ; qu’elle continue bien sûr à maltraiter allègrement !

© Charlotte Spillemaecker.
© Charlotte Spillemaecker.
Maintenant que le décor est planté, examinons de plus près le contenu de ce deuxième opus… Exit "L’Empiafée". La Môme moineau est désormais taxidermisée. Christelle Chollet est un véritable juke-box joliment customisé et très richement achalandé. Elle peut et sait tout chanter. Et comme elle n’est pas aux pièces, pas besoin de mettre deux thunes dans le bastringue. Sa folle générosité est telle qu’elle nous sort volontiers quelques uns des plus grands standards de la chanson française. Extraordinaire interprète, elle joue avec toutes les nuances de sa palette vocale incroyablement étendue. Si bien que ces chansons qui font partie de notre patrimoine, elle nous les fait redécouvrir. Elle les vit, les revisite, y apporte sa sensibilité et sa fantaisie. Elle fait vraiment ce qu’elle veut avec sa voix.

Chaque chanson donne lieu à un véritable sketch. Elle a une façon particulièrement subtile de les amener… M’interdisant de ne pas trop en dire pour vous laisser l’exquise saveur de la découverte et l’exaltation de la surprise, je ne donnerai qu’un exemple. Quand elle s’approprie "Les Copains d’abord" de Brassens, elle commence par lui donner une couleur jazzy, fait un détour par le rap, et termine sur un gospel endiablé. Devant cette version, le Georges, j’en suis certain, doit en frétiller d’aise dans son cimetière marin… Aussi respectueuse qu’iconoclaste, elle dénature les chansons pour les restructurer à sa façon. Elle ne s’attaque qu’à des produits de haute couture pour les parer de nouveaux habits qu’elle découpe et recoud avec une créativité insensée. Et nous, la mâchoire décrochée par une béatitude émerveillée, on est littéralement scotché.

À cela, il faut ajouter une mise en scène nerveuse et inventive, sublimée par quelques effets spéciaux et effets miroirs extrêmement réussis... et irrésistibles.

Christelle Chollet dans "l'emPIAFée", son précédent spectacle © Alice Simonard.
Christelle Chollet dans "l'emPIAFée", son précédent spectacle © Alice Simonard.
Christelle Chollet est un phénomène. Elle m’énerve prodigieusement car je ne sais plus quels superlatifs utiliser pour décrire sa prestation. Excellente comédienne, extraordinaire chanteuse-interprète et fantastique danseuse, elle nous offre un concentré, l’essence même du music-hall. Elle est ce que les Américains appellent une performeuse. Pour moi, quand elle chante avec la voix écorchée sans grimper dans les décibels comme dans sa version de "No, No, No !", c’est l’extase, le septième ciel. Et que dire quand elle se décide en toute fin d’aborder le registre de l’émotion ? C’est simple, la salle était debout, les applaudissements interminables. Seul le rappel a pu calmer provisoirement la ferveur.

Impossible de résumer un feu d’artifice qui part dans tous les sens, nous enchante les oreilles et nous ravit les yeux. Ce nouveau spectacle est rock’n’roll du début à la fin. C’est du haut débit. Sans aucun temps mort, Christelle s’amuse et ironise sur les travers de notre société. Sous la plume délicieusement acide de Rémy Caccia, elle explore différents thèmes. Avec énormément de bon sens et de drôlerie, elle parle des relations hommes-femmes, le féminisme, la télévision, la publicité (quel régal que ce commentaire d’un match de foot sponsorisé !), les réseaux sociaux, la vie de couple…

Si le titre n’était pas déjà pris, Christelle Chollet c’est "Rires et chansons". Son spectacle est total, rare, réjouissant. On s’offre pendant deux heures une transfusion de bonheur et d’humour d’une extrême qualité. Et on sort du théâtre de la Renaissance des paillettes et des étoiles plein les yeux et de la joie plein le cœur.

Je sens que j’ai écrit n’importe quoi et n’importe comment, mais tant pis. Je suis dépassé. C’était trop bien. J’ai déjà envie d’y retourner histoire de prendre un nouveau shoot. On devient vite addict à "La" Chollet.

"Christelle Chollet, le nouveau spectacle"

Spectacle écrit et mis en scène par Rémy Caccia.
Avec Christelle Chollet.
Accompagnée de : Brice Mirrione ("Jean-René") au piano et de Raphaël Alazraki ("Jean-Paul") au djembé et à la guitare.

Du 20 Septembre 2012 au 2 Janvier 2013.
Du mardi au samedi à 20 h 30, matinée le samedi à 17 h.
Théâtre de la Renaissance, Paris 10e, 01 42 08 18 50.
>> theatredelarenaissance.com

Article publié en partenariat avec >> critikator

Gilbert Jouin
Mercredi 10 Octobre 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024