La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

CNAC 2021 "Le Cycle de l'absurde"… Dare d'Art

Comme chaque année, le CNAC est à la Grande Halle de la Villette avec aujourd'hui sa trente-deuxième promotion et la compagnie "L'oublié(e)" composée de ses quinze étudiants, ses sept nationalités et ses douze disciplines circassiennes dans une mise en scène de Raphaëlle Boitel de grande allure.



© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
C'est beau, frais, tissé d'art et de poésie. Cette création est un puzzle où chaque pièce est un élément qui s'emboîte, s'imbrique dans un ensemble plus vaste. Tout s'ordonne autour du thème du cycle de l'absurde à travers les comportements, relations et caractères de chaque personnage. Ainsi on y découvre, entre autres types qui englobent un vaste panel d'émotions, un "romantique" avec sa balle, un suicidaire, une jalouse, un ami encombrant et une volée avec son voleur au détour de la fidélité, du désespoir, de l'amour, de l'amitié, de tensions, d'aide et de camaraderie.

Lumière sombre sur une scène circulaire autour de laquelle est disposé le public avec en cercle la trente-deuxième promotion du CNAC (Centre National des Arts du Cirque) et au centre une balle blanche éclairée. L'entame de la représentation est à l'image de la troupe, ensemble et jamais en solo dans des numéros où un clair-obscur dessine plus les artistes qu'il ne les éclaire. Presque sombres, jamais vives et frontales, les lumières donnent un vrai relief à la scénographie.

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
La difficulté technique, indéniable, peut être passée presque au second plan car la mise en scène de Raphaëlle Boitel nous emmène dans un espace-temps où chaque bout d'histoires est nourri de théâtre, d'humour et d'une gestuelle souvent courbe, aérienne, poétique en contradiction, parfois, avec les sentiments portés par les personnages. C'est ce rapport entre ces émotions et les mouvements les accompagnant qui font du spectacle une odyssée artistique où le public peut être autant séduit par la scénographie, la musique, les fables racontées que les acrobaties.

Le théâtre, toujours physique, souvent verbale, ne s'immisce pas, il fait partie intégrante de la représentation avec de très beaux tableaux autant aériens que terriens. Le mélange des deux est aussi au menu avec des ruptures de temps et de rythme qui oscillent entre des moments méditatifs et vifs. Ainsi, numéros de cordes lisse et volante, d'acro-danse, d'équilibre sur vélo, de trapèze Washington, d'acrobaties, de trapèze fixe, de roue allemande, de portés acrobatiques, de sangles, de jongleries, de fil et de sangles s'enchaînent. Non à tour de rôle, mais en appui, voire en imbrication avec des histoires qui se relient les unes aux autres. Une sortie alterne automatiquement par une entrée, une course à une autre, une tension à une retrouvaille comme dans un vaudeville.

La terre, le sable et la poussière nous emmènent parfois à mi-chemin entre vie et mort, éveil et enterrement, cache et découverte dans une sorte de pénombre dans laquelle se glissent les tumultes de la vie. La musique, entraînante à souhait, rythme le spectacle comme une course du temps qui bat la mesure avec entrain. Un vrai délice artistique.

"Le Cycle de l'absurde"

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
Mise en scène : Raphaëlle Boitel.
Avec : Tia Balacey, Guillaume Blanc, Andres Mateo Castelblanco Suarez, Aris Colangelo, Fleuriane Cornet, Alberto Diaz Gutierrez, Pablo Fraile Ruiz, Marin Garnier, Giuseppe Germini, Cannelle Maire, Maria Jesus Penjean Puig, Mohamed Rarhib, Vassiliki Rossillion, Ricardo Serrao Mendes, Erwan Tarlet.
Collaboration artistique, scénographie, lumières : Tristan Baudoin.
Musique originale : Arthur Bison.
Création costumes : Lilou Hérin.
Rigging, machinerie, complice à la scénographie : Nicolas Lourdelle.
Assistante : Alba Faivre.
Production Le CNAC.
Dès 8 ans.
Durée : 1 h 35.

Du 21 au 31 juillet 2021.
Du mardi au samedi à 20 h.
Grande Halle de la Villette, Paris 19e, 01 40 03 75 75.
>> lavillette.com

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.

Safidin Alouache
Lundi 26 Juillet 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024