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Avignon 2018

•Avignon Off 2018• "Zwäi", jeu de séduction se déclinant en jeu d'équilibriste où les corps s'apparentent à des contrepoids amoureux

"Zwäi", Présence Pasteur, Avignon

Une corde, deux poulies, une table, une douzaine de bouteilles de champagne… vides, un diabolo et des poids de balance de marché à l'ancienne… éléments physiques autour desquels vont voltiger les deux interprètes pour nous raconter une brève histoire d'amour. C'est dans la verticalité que l'homme et la femme vont chercher à se rejoindre, comme si tous deux étaient en mal de légèreté. Avide de quitter l'écrasante attraction du sol.



© Anina Lehmann.
© Anina Lehmann.
Elle est, dès avant la rencontre, suspendue sur une boucle de corde un peu comme un oiseau sur son perchoir ou une araignée dans sa toile. Lui entre en déplaçant systématiquement sa douzaine de bouteilles, vague reptation convulsive, tel un bousier poussant sa boule devant lui ou une fourmi ouvrière. En fait, elle est plutôt la princesse perchée et lui le maladroit au cœur fêlé.

D'œillades en évitements, de rapprochements involontaires en fuites ratées, la gamme des désirs timides va servir de fil conducteur au spectacle. C'est ainsi qu'il a été conçu par Jonas Slanzi et Esther Slanzi.

C'est ce qu'ils racontent en intégrant à chaque nouveau chapitre des performances circassiennes de corde, d'équilibres de bouteilles, de contrepoids poétiques - tels une table qui s'envole, un tiroir qui voltige en cercle et oblige le maladroit à se serrer de plus en plus près de la belle désirée -, ou des numéros de diabolos partagés mains à mains…

© Anina Lehmann.
© Anina Lehmann.
Sur cette trame extrêmement classique de l'amoureux timide et de la belle attirée, Jonas Slanzi et Esther Slanzi créent un spectacle dont l'originalité tient dans l'intégration de ces numéros de cirque ou de cabaret. Quelques moments virtuosité et de voltige déclenchent le rêve.

Et la dextérité des deux interprètes donne un rythme juste au spectacle joli comme une comptine.

"Zwäi"

© Anina Lehmann.
© Anina Lehmann.
Idée, concept et création artistique : Jonas Slanzi, Esther Slanzi.
Mise en scène : Schang Meier.
Avec : Jonas Slanzi, Esther Slanzi.
Conseillers artistiques : Laura Tikka, Andreas Muntwyler, Maja Weiller.
Composition et arrangement musical : Robin Oswald.
Lumières : Stefan Falk
Costumes : Olivia Grandy.
Compagnie Cie e1nz.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2018•
Du 6 au 29 juillet 2018.
Tous les jours à 20 h 20, relâche le 16 juillet.
Présence Pasteur, Gymnase,
13, rue du Pont Trouca, Avignon.
Tél. : 04 32 74 18 54.
>> theatre-espoir.fr/presence-pasteur

Bruno Fougniès
Mardi 17 Juillet 2018

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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Brigitte Corrigou
08/09/2023
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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

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Brigitte Corrigou
20/09/2023
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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023