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Danse

"An Immigrant's Story" Une histoire de l'humanité, vibrante et dérangeante…

S'il était une raison à avancer pour dire combien cette forme singulière bouleverse, il faudrait la trouver du côté de l'implication de son interprète et conceptrice, Wanjiru Kamuyu, "faisant corps" avec son projet. Marqué définitivement à vif par les cultures du Kenya où elle est née, des États-Unis où elle a étudié, de la France où elle réside, son corps se fait le "porte-parole" des stigmates migratoires. De ces expériences fondatrices enrichies des rencontres avec d'autres migrants, s'est imposée une nécessité : celle de cette chorégraphie inspirée.



© Pierre Planchenault.
© Pierre Planchenault.
Au commencement étaient des conversations vives, échos de multiples langues chantantes confondues dans le même brouhaha qu'un cri va venir déchirer. Émergeant alors de la nuit du plateau, une forme humaine traversée par des spasmes et privée de parole se tord en tous sens, bras tendus vers le public. Un poing dans la bouche (le sien pour tenter d'étouffer sa révolte ou celui de l'oppresseur lui intimant silence ?), le corps malmené se recroqueville, s'agite furieusement, tourne en rond, ainsi qu'une bête traquée.

Débarrassée de ses pelures, elle va tenter un équilibre incertain. Le choc du traumatisme du déracinement surmonté, le souffle retrouvé, elle trouve les mots pour dire le chagrin des départs forcés, la tragédie d'avoir eu à renoncer aux parfums de sa terre… mais aussi l'accueil dévastateur des territoires "civilisés", ces sempiternelles remarques entendues en boucle sur sa sauvagerie supposée, prononcées sur le ton goguenard de la plaisanterie badine.

© Pierre Planchenault.
© Pierre Planchenault.
Alors, comment "se délivrer" d'une telle emprise doucereuse ? Seul le corps peut avoir la puissance de faire entendre l'indicible. Se lançant dans une danse "sauvage", le sourire éclatant exhibant la blancheur de ses dents, elle singe dans des gestes attendus surjoués les a priori que les blancs contents d'eux-mêmes lui ont généreusement attribué, à elle et à tous les Africains et autres migrants basanés ou pas.

Rendant présente cette propension à mépriser le migrant, sous-classe du genre humain, elle échappe au plateau, lieu circonscrit de la représentation, pour s'élancer dans les gradins incluant ainsi les spectateurs dans son propos acéré. C'est qui ce "nous" qui parle avec suffisance, donnant de l'Histoire sa version qu'il veut universelle ? interroge-t-elle les yeux dans les yeux. La réponse vient, cinglante : "Le nous de mâles blancs hétérosexuels, des êtres propres à rapporter la vérité".

S'échappant alors des haut-parleurs, la voix des invisibles tonitrue. "Notre nous à nous, c'est celui des immigrés, des précaires de couleur… Je suis une masse que l'on ne distingue pas". Voix relayée par Wanjiru Kamuyu s'exclamant dans une adresse directe au spectateur bâillonné, massé dans les travées : "Moi femme immigrée je ne dis rien quand je ne perçois pas. Je danse et tu ne comprends pas tout. C'est un bon début je crois, enfin il me semble…"

© Pierre Planchenault.
© Pierre Planchenault.
Comment ne pas être conquis par tant d'intelligence prospective projetée avec autant de conviction et de sincérité ? Revêtant non sans fierté les tenues du continent qui l'a vue naître, elle se lance dans des danses libres accompagnées de la parole recouvrée. La notion d'identité figée battue en brèche, celle du doute et du trouble qui en résulte mise sur l'avant-scène, la chorégraphe-interprète fait feu de tout bois pour faire résonner la petite musique de la différence ne pouvant s'accorder avec l'acculturation à relent d'ethnocide.

"Je garde mon accent, j'essaie d'articuler pour que l'on me comprenne". Assumant avec fierté son origine africaine mais/et refusant d'être réduite à la couleur noire de sa peau et encore plus aux clichés rebattus qui s'y attachent, elle égrène les noms de villes des trois continents traversés dans ce trajet migratoire suivi par beaucoup d'autres. Intégrant les vécus de migrants anonymes qu'elle a pris soin d'accueillir - certains sont invités dans la salle -, ses gestes déliés et sa voix ample et profonde nous disent in fine l'essentiel de ce qui la définit : "Je suis femme ; chez moi c'est là où je crée". Silence. Tout commentaire serait dérisoire.

Création 2020 de la chorégraphe Wanjiru Kamuyu, donné le vendredi 16 octobre 2020 à La Manufacture CDCN de Bordeaux dans le cadre du FAB (2 au 17 octobre 2020).

"An Immigrant's Story"

© Pierre Planchenault.
© Pierre Planchenault.
Langues du spectacle : français, anglais, kiswahili.
Chorégraphie et interprétation : Wanjiru Kamuyu.
Dramaturgie et direction de production : Dirk Korell.
Auteure : Laetitia Ajanohun.
Musique originale : Lacrymoboy.
Avec les voix de : Laetitia Ajanohun, Jean-François Auguste, Jean-Philippe Barrios, Wanjiru Kamuyu, Dirk Korell, Pascal Beugre Tellier, Smaïl Kanouté, Crystal Petit, Sibille Planques et les témoignages de Tout-Monde.
Création lumière : Cyril Mulon.
Costume : Birgit Neppl.
Durée : 45 minutes.

Tournée
5 novembre : La Manékine - Scène intermédiaire des Hauts-de-France, Pont-Saint-Maxence (60).
24 novembre : Espace 1789, Saint-Ouen (93).
Du 4 au 6 décembre : Musée National de l'Histoire de l'Immigration, Paris (12e).
11 décembre : L'Échangeur - CDCN Hauts-de-France, Château-Thierry (02).

Yves Kafka
Vendredi 23 Octobre 2020

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© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

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© Pierre Gondard.
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© DR.
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