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Théâtre

Am... Corps dansé, corps réconcilié, toile tissée sur le fil tendu de territoires reconquis

Avignon Off 2012, "am", Théâtre la Luna, Avignon

Entre fragilité et puissance, entre douceur et violence, une expression corps et âmes, une incarnation de l'âme dans le corps, un corps comme instrument du langage de l'âme, "Am" de MariA (l'une des quatre chorégraphes du spectacle "Sentires", coup de cœur du Festival Off d'Avignon 2004) est tout cela et bien plus à la fois... Un voyage initiatique... chamanique, une réconciliation, une danse "horizon" où se rejoigne enfin le ciel/âme et la terre/corps..



© DR.
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Territoires corporels reconstitués ré-apprivoisés au fil du temps, posé, graphique, géographique, comme une traversée des cultures chorégraphiées. Projection d'une sphère, virtualité astrale et filée, représentation numérique où l'ombre du corps de MariA, pansé, guéri, se colle, se fond dans des mouvements enchaînés, souple et apaisé, où l'âme, soulagée, réincarne l'être physique.

L'esprit, la mémoire de la danse reprend possession de la matière, de la chair, et le corps devient caisse de résonance, élément percussif... rythmes soutenus, maîtrisés du flamenco... mode allégorique du renouveau, magnifique langage... racines originelles du corps instrument. Le chant suit, superbe, d'une intense intériorité, donnant l'une des clefs de ce voyage... chorégraphie hommage à la vie... "Razon de Vivir"... "Raison de vivre, ma vie".

La réconciliation emprunte les chemins des territoires anatomiques, îles perdues à nouveau dévoilées... clarté exclusive illuminant les mouvements du ventre, du dos... des mains... manos alumbradas... On ne voit qu'elles, la complexité de leur expression, ce code gestuelle spécifique, si précis, si volubile (tout en aisance et rapidité) devient limpide.

© DR.
© DR.
Les chemins dansés, séquences vivantes, souvenirs des pays traversés, passent de solos "blancs" tout en douceur et gracilité - superbe avec les voiles, évanescents, aériens - à ceux plus "sang et noir" d'influences amérindiennes avec le tambourin en peau wapiti, très organique, symbole du battement du cœur de la Terre-Mère ; ou sud-américain (retour aux origines) avec les Boleadoras et le Malambo (initialement exclusivement masculin).

"Am" est une trame sensible tissée sur des images rêvées, réconciliées, sur les reflets d'un miroir intérieur - retrouver les sensations -, sur une représentation extérieur vidéo-projetée - retrouver sa gémellité artistique - ; "Am" est une ode à la vie, retrouvailles heureuses et pleines d'espérances où la danse, malgré une haute technicité (MariA, féline et gracieuse, entre férocité et élégance), touche au plus profond de l'âme - est l'expression de l'âme - tant la sincérité et l'énergie créatrice de MariA vous "prend aux tripes", vous bouscule...

"Am" est l'histoire d'un être en "renaissance", une redécouverte intérieure, une reprise de possession artistique en pleine évolution mais aussi l'histoire d'un parcours longuement construit au fil des années, sans frontières, sans barrières, avec pour seuls guides la curiosité et la soif d'apprendre, nomadisme du savoir, de la connaissance. Dans "Am", cela se traduit par la traversée dansée de pays, d'influences, mémorisées, "digérées", assimilée et retranscrites sur le canevas de sa sensibilité personnelle.

Un spectacle habité, construit comme un parcours émotionnel, en ondes fortes et énergiques, ou sensibles et sensuelles, qui se lit comme un parchemin du cœur. Une écriture chorégraphique qui se vit comme une aventure corporel incarnée où le ressenti, l'émotion prennent le dessus, naturellement, sur l'abstraction cérébral... Un voyage hors du commun au pays de la danse.

"am"

De MariA.
Avec : MariA.
Lumières : Stéphane Balny.
Costumes : Mathilde Baillet.
Vidéo : Stéphane Balny.
Graphisme : David Ducros.
Musique : James Sadras (musique de lien).
Durée : 1 h 15.

Avignon Off 2012
A été joué du 7 au 28 juillet 2012.
Tous les jours à 22 h 59.
Théâtre La Luna, 1, rue Séverine, Avignon, 04 90 86 96 28.
>> theatre-laluna.fr

Gil Chauveau
Vendredi 3 Août 2012

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© Frédéric Desmesure.
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