La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2017

•Avignon Off 2017• Un concentré civique auquel les événements récents donnent une saveur certaine

"Quand j’étais petit je voterai", 11 • Gilgamesh Belleville, Avignon

En route vers le pouvoir ! "Quand je serai grand j'aurai voté" de Boris Le Roy montre des enfants qui, à la rentrée des classes, sont candidats à l'élection des délégués. Élection. Mot magique. Que le professeur des écoles, "l'instit", organise avec une lucide réticence.



© Guillaume Durieux.
© Guillaume Durieux.
C'est que la campagne électorale vire vite. De l'émulation à la compétition, puis à l'affrontement. L'un surnommé "Cachot" est partisan de l'Ordre, l'autre "Anard" l'est de la Liberté. Tous les deux à égalité de puissance et d'ivresse du pouvoir. (D'ubris disaient les Anciens Grecs). Dans la cour de récréation, le trouble monte et c'est un tiers, une fille, qui, à la surprise générale, est élue et qu' Anard aime bien.

Le spectacle est plein de verve et d'enseignement. Sous la simplification des caractères et les couleurs acidulées des costumes, c'est bien une satire corrosive du monde des Adultes qui est présentée aux spectateurs. Un miroir des plus parlants qui pointe le dévoiement des processus électifs qui font que le vote tourne au plébiscite au détriment de l'intérêt général.

Dans "Quand je serai grand, j'aurai voté", il est démontré avec beaucoup de gaîté et de tendresse que, fondamentalement, les enfants sont des enfants d'hommes. L'auteur et la metteure en scène aident à découvrir ce petit rien, ce pas grand-chose, discret mais publié, rendu public qui appartient au peuple, suffisamment important pour que l'on prenne fait et cause pour le défendre. Une Cause. Une petite chose si nécessaire. République*. Dont le professeur des écoles feint de n'en pas connaître le sens et le laisse découvrir aux enfants (et aux adultes présents).

© Sonia Barcet.
© Sonia Barcet.
Ce spectacle est un concentré civique auquel les événements récents donnent une saveur certaine. Et le public applaudit avec joie ce petit rien, ce pas grand chose qui lui est offert. Une petite chose si nécessaire. Le théâtre comme une petite république.

* En latin : res publica dont l'accusatif (le complément d'objet) est rem publicam.
... Un ange passe...

"Quand j’étais petit je voterai"

© Sonia Barcet.
© Sonia Barcet.
Spectacle à partir de 8 ans.
Texte : Boris Le Roy.
Mise en scène : Émilie Capliez.
Avec : Simon Pineau, Itto Mehdaoui et Elsa Verdon (en alternance).
Scénographie : Jacques Mollon.
Illustrateur : Franck Van Leeuwen.
Lumière : Thomas Chazalon.
Son : Yannick Vérot.
Costumes : Ouria Dahmani-Khouhli.
Durée : 50 min.

•Avignon Off 2017•
Du 6 au 28 juillet 2017.
Tous les jours à 12 h 25 (relâche le mardi).
11 • Gilgamesh Belleville, Salle 2,
11 boulevard Raspail (près du cloître St Louis), Avignon.
Réservations : 04 90 89 82 63.
>> 11avignon.com

Jean Grapin
Mercredi 28 Juin 2017

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024