La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Valer Sabadus, l'ange consolateur au festival Terpsichore

Depuis le 5 et jusqu'au 30 novembre, le Festival Terpsichore programme douze concerts, pour sa deuxième édition, avec un choix d'œuvres du répertoire baroque autour de Bach et de ses prédécesseurs. Entendu le 17, en l'Église Saint-Louis-en-l'Île, le contre-ténor Valer Sabadus nous a singulièrement permis d'échapper un moment à l'horreur du monde. Son deuxième CD consacré à Antonio Caldara vient de sortir chez Sony Classical.



© Jean-Baptiste Millot.
© Jean-Baptiste Millot.
Le claveciniste et chef d'orchestre américain Skip Sempé, directeur artistique du festival Terpsichore depuis sa création l'an dernier, a invité pour cette édition 2015 des ensembles européens et américains, et quelques artistes d'envergure tels Pierre Hantaï, Jean Rondeau ou encore Olivier Fortin et son Ensemble Masques (entre autres) dans trois des plus jolis lieux de la capitale : la Salle Erard, le Temple de Templemont et cette Église Saint-Louis-en-l'Île - seule église parisienne possédant un orgue baroque allemand - sise dans un antique quartier préservé du vacarme du monde.

En cette soirée du 17 novembre, le chef américain dirigeait le Helsinki Baroque Orchestra - qui faisait ses débuts en France - dans un programme Purcell, Haendel, Bach et avec le tout jeune contre-ténor d'origine roumaine Valer Sabadus. La prestation de l'ensemble finlandais déçoit quelque peu sous la direction de Skip Sempé dans certains passages instrumentaux (comme ce 9e Concerto Brandebourgeois, une version "reconstruite" par Bruce Haynes à partir de BWV 11/1 et 34/5), manquant dramatiquement d'éclat voire présentant parfois de véritables décrochages de certains solistes (dans le Largo en si bémol de Haendel). La recherche de l'expressivité dans une version qui se veut historiquement informée ne rachète pas toujours un certain brouillage des architectures sonores - pour un jeu vraiment peu incisif. Seuls les cuivres (derrière le public et près de l'orgue) nous sauvent d'une certaine torpeur.

© Jean-Baptiste Millot.
© Jean-Baptiste Millot.
Mais dans des arias extraites d'opéras de Purcell ("The Fairy Queen", "King Arthur"), de Haendel ("Imeneo") et Vivaldi ("Andromeda liberata"), le sopraniste Valer Sabatus, par la grâce aérienne d'une voix au timbre adamantin, nous soustrait à nos soucis et chagrins. L'engagement de l'artiste, qui accompagne son chant de gestes dansants, n'a d'égal que l'envoûtante émotion produite par une voix flexible, sensuelle, aisée dans les aigus et un phrasé varié et élégant. Sa virtuosité toujours au service de l'expression fait mouche - malgré quelques limites dans le registre plus grave.

Des qualités précieuses qu'on retrouvera dans son dernier enregistrement de "l'Arie concertate" du compositeur vénitien Antonio Caldara sorti très récemment. Le contre-ténor, révélé par l'Académie lyrique du Festival d'Aix-en-Provence en 2013, rend pleine justice à ce musicien célèbre de son vivant et tombé depuis dans l'oubli - éclipsé par ceux-là mêmes que le chanteur a si bien servis en cette soirée du festival Terpsichore. Le CD offre par ailleurs six pièces inédites au disque de ce second maître de chapelle à la cour de Vienne au XVIIIe siècle. Une redécouverte à ne pas manquer.

Prochain concert Festival Terpsichore :
30 novembre 2015 à 20 h 30.
Église Saint-Louis-en-l'Île.
Rue Saint-Louis-en-l'Île, Paris 4e.
>> terpsichore-festival.com

Prochain concert de Valer Sabadus,
"Duetti d'amore" avec Emöke Barath et Il Pomo d'Oro :

13 février 2016 à 20 h.
Salle Gaveau, 45-47 rue La Boétie, Paris 8e.
Tél. : 01 49 53 05 07.

● "Caldara (1670-1736)".
Valer Sabadus, contre-ténor.
Ensemble Nuovo Aspetto.
Michael Dücker, direction.
Label : Sony Classical.
Sortie : 13 novembre 2015.

Christine Ducq
Mardi 24 Novembre 2015

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023