La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Carte blanche à Sirba Octet pour L'Autre Saison des Dissonances

Pour le 52e concert de L'Autre Saison des Dissonances, l'ensemble Sirba Octet a offert dans l'Église Saint-Leu-Saint-Gilles à Paris un florilège de son répertoire plongeant "Au cœur de l'âme yiddish", au profit des sans-abris. Un moment de convivialité et de fraternité bercé par la joie et la nostalgie des traditions klezmer et tsigane de l'Europe orientale, revisitées par des musiciens classiques.



Sirba Octet © Bernard Martinez.
Sirba Octet © Bernard Martinez.
Rompre l'exclusion sociale et culturelle des sans-abris, c'est le projet de L'Autre Saison des Dissonances, cet orchestre sans chef - dont nous avions interviewé dans cette même rubrique le directeur artistique et violoniste David Grimal (1). Chaque mois depuis 2003, Les Dissonances et l'association Les Margéniaux (2) donnent carte blanche à des artistes et ensembles, partageant les mêmes valeurs de solidarité et de fraternité, pour jouer (gracieusement) devant un public varié. La participation est libre, les sommes ainsi récoltées permettant de financer des projets de réinsertion.

Dans l'Église Saint-Leu-Saint-Gilles, connue pour ses nombreuses actions sociales en faveur d'une population en très grande précarité, Sirba Octet était l'invité de ce mois de novembre. L'ensemble, créé en 2003 (lui aussi) par le violoniste Richard Schmoucler avec quelques amis de l'Orchestre de Paris, nous invitait à la danse en reprenant largement le programme de son dernier CD "Tantz !", paru en 2015.

Un concert tout aussi vivifiant que leur cinquième enregistrement, témoignant d'un projet aussi original que détonant pour ces musiciens presque tous issus de nos conservatoires et orchestres classiques : proposer de nouveaux arrangements propres à la musique dite savante des répertoires yiddish et tsigane - dont une large partie animait les réunions familiales de son fondateur. Rien moins que l'invention d'un genre, le "Classic World", selon Richard Schmoucler, qui a sélectionné quatorze morceaux, après en avoir écouté plus de huit mille issus des traditions tsigane, roumaine, hongroise et russe.

Renaud Guy-Rousseau, clarinette © Christine Ducq.
Renaud Guy-Rousseau, clarinette © Christine Ducq.
Rien de tel pour réchauffer cette soirée maussade et pluvieuse d'automne que l'énergie débordante de vie de ces danses, inspirées des làutari roumains ou moldaves et des klezmorim des shetls d'Europe de l'Est, entre rires et larmes, nostalgie de l'errance et joie des fêtes de la communauté. Si le violon était l'instrument par excellence du ghetto, facile à emporter pour fuir les pogroms (nous rappelait le grand Ivry Gitlis - qui dédicace le CD "Tantz !" - dans un "Grand Échiquier" de Jacques Chancel il y a longtemps) - les deux de l'ensemble (avec celui de Christian Brière) se marient depuis plus de dix ans à six autres instruments pour créer l'identité de Sirba Octet (3), avec ses mélodies souvent familières, ses couleurs évoquant le voyage et ses rythmes diaboliques ou déchirants.

Avec l'alto vif-argent de David Gaillard, le violoncelle de Claude Giron, la contrebasse de Bernard Cazauran, les sonorités piquantes du cymbalum de Iurie Morar, se joignent pour ce concert le piano de Christophe Henry (à la place de Yann Ollivo, un des arrangeurs du groupe avec Cyrille Lehn) et la clarinette épatante de Renaud Guy-Rousseau (4). Alors qu'ils jouent depuis une heure avec un bonheur collectif communicatif, quelques sans-abris s'approchent presque timidement, restés jusque-là un peu à l'écart. On se dit alors que certaines soirées sont plus précieuses que tout.

Sirba Octet © Bernard Martinez.
Sirba Octet © Bernard Martinez.
(1) Articles des 9 et 25 mai 2016.
(2) Les Margéniaux fonctionnent avec des bénévoles et des personnes en réinsertion en faveur de personnes marginalisées.
(3) Le "sirba" est une danse traditionnelle roumaine.
(4) Pour quelques concerts, le jeune clarinettiste de l'Orchestre national de France (et du groupe manouche "Les Tzingarelli") remplace Philippe Berrod.


● "Tantz ! Klezmer & Gipsy music".
Sirba Octet.
Label : La dolce Volta.
Distribution : harmonia mundi.
Sortie : septembre 2015.

Prochains concerts :
>> sirbaoctet.com

Richard Schmoucler, Christian Brière © Christine Ducq.
Richard Schmoucler, Christian Brière © Christine Ducq.
L'Autre Saison des Dissonances :
Église Saint-Leu-Saint-Gilles.
92 rue Saint-Denis, Paris (1er).

Prochain concert "Off de l'Orchestre de Paris, Concert de Noël",
16 décembre 2016 à 20 h.
Programme complet :
Tél. : 01 43 15 34 71.
>> les-dissonances.eu

Christine Ducq
Mardi 8 Novembre 2016

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024