La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Six personnages en quête d’auteur"... Entre création, grandeur et répétition

"Six personnages en quête d'auteur", Théâtre de la Ville, Paris

Deux esquisses de jeu se dessinent entre six personnages en quête d’auteur et des comédiens en pleine répétition. Au milieu se situe un metteur en scène, aussi directif avec les seconds qu’à l’écoute et à la recherche créative avec les premiers, un metteur en scène tout aussi créateur qu’un dramaturge.



© J.-L. Fernandez.
© J.-L. Fernandez.
Sur une large scène, des comédiens sont dispersés par petits groupes. La scène s’allonge vers le public en l’enjambant avec, à son extrémité, le bureau du metteur en scène. Nous sommes en pleine répétition. Puis, une lumière blanche blafarde délimite le périmètre de jeu de nos six personnages en quête d’auteur qui s’avancent côté cour sur scène.

Les mouvements se brisent, une attention et un silence se font alors. L’écoute du metteur en scène et des autres comédiens à l’égard des six personnages, après celles plus spontanées et bruyantes qu’ils avaient entre eux, devient flagrante.

La relation du metteur en scène à ces six personnages et à ses comédiens est différente. Autant, il est dur, un peu nerveux, directif avec ses comédiens, autant avec nos six personnages, le metteur en scène est à l’écoute, à la recherche d’une direction, d’un cheminement à opérer, comme s’il devenait créateur, accoucheur des six personnages.

© J.-L. Fernandez.
© J.-L. Fernandez.
Ceux-ci sont en noir avec une voix un peu d'outre-tombe, comme si l'encre et le papier leur donnaient une existence irréelle. Les autres comédiens sont habillés de couleur claire, sont beaucoup plus vivants même s'ils font peu de mouvements. Les six personnages sont regroupés au début puis au fil de la pièce, les écarts se creusent entre eux et chacun acquiert ainsi un espace de jeu, une mise en mouvement de leur corps.

Les lumières éclairent alternativement la scène de façon vive ou presque mate, voire obscure. La lumière est ainsi à deux niveaux et marque un double focus, inspiration et répétition, à cheval entre la création des personnages dans l'esprit du dramaturge et dans celui du metteur en scène.

L'espace est large, grand et laisse les comédiens se dépouiller de leurs personnages, les faire évoluer sur scène et opérer un cheminement constructif. Nos six personnages en quête d'auteur arrivent subrepticement, silencieusement sur scène. Cette entrée des personnages est finement présentée, telle une arrivée dans l'inspiration d'un dramaturge avec leurs couleurs sombres dans un clair-obscur où les voix sont un peu en écho, comme venant de l'extérieur, comme si n'étant pas tout à fait dans la pièce, pas tout à fait sur scène, encore dans l'imagination du dramaturge.

Nous sommes ainsi baignés entre l'esprit de jeu des répétitions et celui de la création de personnages qui acquièrent une liberté de jeu rendant ainsi la pièce dépendante, au début de son processus créateur, du dramaturge, puis du metteur en scène et enfin du comédien, seul maître à bord sur scène.

"Six personnages en quête d'auteur"

© J.-L. Fernandez.
© J.-L. Fernandez.
Texte : Luigi Pirandello.
Traduction : François Regnault.
Mise en scène : Emmanuel Demarcy-Mota.
Assistant à la mise en scène : Christophe Lemaire.
Avec : Hugues Quester, Alain Libolt, Valérie Dashwood, Sarah Karbasnikoff, Stéphane Krähenbühl, Walter N’Guyen, Céline Carrère, Charles-Roger Bour, Olivier Le Borgne, Sandra Faure, Gaëlle Guillou, Gérald Maillet, Pascal Vuillemot, Jauris Casanova.
Scénographie, lumière : Yves Collet.
Musique : Jefferson Lembeye.
Costumes : Corinne Baudelot.
Maquillages : Catherine Nicolas.
Construction décor : Espace et compagnie.
Durée : 1 h 40.

Du 14 au 31 janvier 2015.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h.
Représentations surtitrées en anglais : vendredi 23 et samedi 24 janvier à 20 h 30, dimanche 25 janvier à 15 h.
Théâtre de la Ville, Paris 4e, 01 42 74 22 77.
>> theatredelaville-paris.com

Safidin Alouache
Vendredi 23 Janvier 2015

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024