À la fin du roman, Emma Bovary se suicide et meurt sous l'effet de l'arsenic volé dans la pharmacie du village, mais pas ici. Dans ce spectacle, Emma s'est ratée, elle a fui le scandale de sa vie dans la cambrousse, elle y a rencontré un cirque qui l'a aussitôt embauchée pour faire de ce scandale le sujet de leurs numéros et de sa présence au centre de la piste, une attraction pour badauds comme on exhibait jadis les monstres et les bêtes fauves. C'est du scénario de Max Ophuls, pour "Lola Montès" dont Christophe Honoré s'inspire. Un film auquel il rend hommage en créant notamment Madame Loyale et sa cravache, inspirée par Peter Ustinov et son fouet, ainsi qu'en insérant des images saturées de rouge et de bleu dans un écran dominant la scène, technique qu'utilise Ophuls dans son film.
Devenue animal de foire, Emma va être contrainte de revivre les moments importants de son existence, sous les injonctions menaçantes de Madame Loyale qui, en latex et satin noir, est plus dans le registre d'une meneuse de cabaret que de harangueuse de cirque, et entourée par la troupe exclusivement masculine de circassiens qui seront les interprètes des personnages du roman. Ainsi, entre l'espace scénique représentant la piste en terre battue d'un chapiteau à l'ancienne et un couloir en coulisses, tout blanc, immaculé du sol au plafond, qui semble comme le couloir de la mort décrit par certains comateux revenus de l'au-delà, elle va devenir la comédienne de son propre rôle et éprouver à nouveau les violences, les désirs, les trahisons qu'elle subit dans le roman.
Devenue animal de foire, Emma va être contrainte de revivre les moments importants de son existence, sous les injonctions menaçantes de Madame Loyale qui, en latex et satin noir, est plus dans le registre d'une meneuse de cabaret que de harangueuse de cirque, et entourée par la troupe exclusivement masculine de circassiens qui seront les interprètes des personnages du roman. Ainsi, entre l'espace scénique représentant la piste en terre battue d'un chapiteau à l'ancienne et un couloir en coulisses, tout blanc, immaculé du sol au plafond, qui semble comme le couloir de la mort décrit par certains comateux revenus de l'au-delà, elle va devenir la comédienne de son propre rôle et éprouver à nouveau les violences, les désirs, les trahisons qu'elle subit dans le roman.
De cette manière, le metteur en scène-cinéaste Christophe Honoré crée des distances successives et des abîmes entre la fiction romanesque et la fiction théâtrale. Les scènes filmées dans le couloir immaculé, scènes intimes de solitude ou de sensualité, retransmises en direct sur l'écran qui domine la piste, se succèdent à des vidéos saturées en rouge et bleu, donnant une impression de souvenirs exacerbés, et à des scènes plus cosy qui se déroulent dans la maison des Bovary, en direct également, dans une sorte d'excavation dans le décor de chapiteau créé par Thibaut Fack.
Une scénographie qui rejoint le morcellement des moyens narratifs employés, qui semble vouloir brouiller les cartes, mais cherche surtout à assembler au plateau tous les paysages de la vie d'Emma, au même titre que la vidéo, les captations/retransmissions directes, la musique live, les chants, les interventions au micro, la chorégraphie font totalement partie de la mise en scène.
Christophe Honoré, dans l'adaptation qu'il en fait, met l'accent sur les tourments vécus par Emma Bovary, prise entre ses origines paysannes, son éducation religieuse qui lui apprend la solitude et ses rêves d'amour de midinette nés de la lecture de romans de gare. La terrible violence de la société masculine de cette province apparaît alors sans pitié pour la rêveuse. Sur cette piste de cirque, Emma, la rescapée, est enfermée au centre de cette ronde d'hommes qui détiennent tous les pouvoirs : celui de l'argent, celui des belles choses, celui de la loi, celui de la séduction, et celui de la vindicte populaire et de la liberté de jouissance qu'ils se réservent absolument. Pourtant, le script du spectacle ne nous révèle pas vraiment les pensées du personnage face au monstrueux pouvoir masculin à l'œuvre, ni les raisons de l'ennui qui ronge heure après heure la vie de la jeune femme.
Une scénographie qui rejoint le morcellement des moyens narratifs employés, qui semble vouloir brouiller les cartes, mais cherche surtout à assembler au plateau tous les paysages de la vie d'Emma, au même titre que la vidéo, les captations/retransmissions directes, la musique live, les chants, les interventions au micro, la chorégraphie font totalement partie de la mise en scène.
Christophe Honoré, dans l'adaptation qu'il en fait, met l'accent sur les tourments vécus par Emma Bovary, prise entre ses origines paysannes, son éducation religieuse qui lui apprend la solitude et ses rêves d'amour de midinette nés de la lecture de romans de gare. La terrible violence de la société masculine de cette province apparaît alors sans pitié pour la rêveuse. Sur cette piste de cirque, Emma, la rescapée, est enfermée au centre de cette ronde d'hommes qui détiennent tous les pouvoirs : celui de l'argent, celui des belles choses, celui de la loi, celui de la séduction, et celui de la vindicte populaire et de la liberté de jouissance qu'ils se réservent absolument. Pourtant, le script du spectacle ne nous révèle pas vraiment les pensées du personnage face au monstrueux pouvoir masculin à l'œuvre, ni les raisons de l'ennui qui ronge heure après heure la vie de la jeune femme.
Ludivine Sagnier donne à cette Emma une belle ampleur d'émotions qu'elle parvient à teinter d'une lassitude qui transparaît chaque fois qu'elle doit revivre un épisode de sa vie passée et lui donne de fait une humanité touchante. Elle oscille entre l'aspiration à revivre l'exaltation et la fatigue de renouveler la déception de ses amours déçus et donne, par son jeu, à ressentir le poids de ces amours réels bien différents des amours qu'Emma lisait dans sa chambre ou dans son couvent.
Elle est entourée par cette horde de comédiens capable de se vêtir de plusieurs rôles à la suite avec crédibilité. Une horde de loups trop heureux de saigner leur victime pour la donner en pâture au public. Une horde menée par Madame Loyale qui porte si mal son nom, mais qui est si complètement incarnée par Marlène Saldana, meneuse sado-maso d'une belle exubérance, qui agit plus en directrice de cirque sans scrupules qu'en belle-parleuse pro de la retape.
Le kaléidoscope des moyens visuels, sonores, scénographiques et la vivacité de la mise en scène et du jeu virevoltant des interprètes attisent en permanence l'attention, usant de l'humour, de la sensualité, de la provocation gouaille également, ce qui fait que le spectacle, qui dure près de deux heures et demie, passe en un éclair sans une minute d'ennui. Et ce malgré le fait que la grande majorité des scènes soient jouées avec distance, le plus souvent via un micro ou une captation, les comédiens étant plus narrateurs de leur rôle que les incarnant. Une distance qui empêche souvent l'émotion de nous atteindre.
C'est bien le rythme cinématographique que Christophe Honoré parvient à imposer sur scène, qui emporte le spectacle dans une course sarabande, faisant fuir les silences et les temps morts comme des petits animaux nuisibles, sous les gradins.
◙ Bruno Fougniès
Elle est entourée par cette horde de comédiens capable de se vêtir de plusieurs rôles à la suite avec crédibilité. Une horde de loups trop heureux de saigner leur victime pour la donner en pâture au public. Une horde menée par Madame Loyale qui porte si mal son nom, mais qui est si complètement incarnée par Marlène Saldana, meneuse sado-maso d'une belle exubérance, qui agit plus en directrice de cirque sans scrupules qu'en belle-parleuse pro de la retape.
Le kaléidoscope des moyens visuels, sonores, scénographiques et la vivacité de la mise en scène et du jeu virevoltant des interprètes attisent en permanence l'attention, usant de l'humour, de la sensualité, de la provocation gouaille également, ce qui fait que le spectacle, qui dure près de deux heures et demie, passe en un éclair sans une minute d'ennui. Et ce malgré le fait que la grande majorité des scènes soient jouées avec distance, le plus souvent via un micro ou une captation, les comédiens étant plus narrateurs de leur rôle que les incarnant. Une distance qui empêche souvent l'émotion de nous atteindre.
C'est bien le rythme cinématographique que Christophe Honoré parvient à imposer sur scène, qui emporte le spectacle dans une course sarabande, faisant fuir les silences et les temps morts comme des petits animaux nuisibles, sous les gradins.
◙ Bruno Fougniès
"Bovary Madame"
Création septembre 2025.
D'après le roman de Gustave Flaubert.
Texte et mise en scène : Christophe Honoré.
Collaboration à la mise en scène : Christèle Ortu.
Avec : Harrison Arévalo, Jean-Charles Clichet, Julien Honoré, Davide Rao, Stéphane Roger, Ludivine Sagnier, Marlène Saldana.
Et en vidéo : Vincent Breton, Nathan Prieur, Emilia Diacon, Salomé Gaillard.
Scénographie : Thibaut Fack.
Lumière : Dominique Bruguière, assistée de Pierre-Nicolas Moulin.
Costumière : Pascaline Chavanne, assistée de Zélie Henocq.
Costumes : participation de la maison Yohji Yamamoto.
Son : Janyves Coïc.
Collaboration à la vidéo : Jad Makki.
Assistant création vidéo et réalisation : Lucas Duport.
Habillage : Linda Krüttli.
Construction du décor : Ateliers du Théâtre Vidy-Lausanne.
À partir de 15 ans.
Durée : 2 h 25.
D'après le roman de Gustave Flaubert.
Texte et mise en scène : Christophe Honoré.
Collaboration à la mise en scène : Christèle Ortu.
Avec : Harrison Arévalo, Jean-Charles Clichet, Julien Honoré, Davide Rao, Stéphane Roger, Ludivine Sagnier, Marlène Saldana.
Et en vidéo : Vincent Breton, Nathan Prieur, Emilia Diacon, Salomé Gaillard.
Scénographie : Thibaut Fack.
Lumière : Dominique Bruguière, assistée de Pierre-Nicolas Moulin.
Costumière : Pascaline Chavanne, assistée de Zélie Henocq.
Costumes : participation de la maison Yohji Yamamoto.
Son : Janyves Coïc.
Collaboration à la vidéo : Jad Makki.
Assistant création vidéo et réalisation : Lucas Duport.
Habillage : Linda Krüttli.
Construction du décor : Ateliers du Théâtre Vidy-Lausanne.
À partir de 15 ans.
Durée : 2 h 25.
Tournée
17 au 19 décembre 2025 : Bonlieu - Scène nationale, Annecy (74).
7 au 15 janvier 2026 : Théâtre Les Célestins, Lyon (69).
21 au 24 janvier 2026 : Tandem - Scène nationale Arras-Douai, Douai (59).
30 et 31 janvier 2026 : Le Quai, CDN Angers Pays de la Loire, Angers (49).
6 au 11 février 2026 : Mixt - Terrain d'arts en Loire-Atlantique, Nantes (44).
26 et 27 février 2026 : Scène nationale du Sud-Aquitain, Anglet (64).
12 et 13 mars 2026 : Théâtre National de Nice - CDN Nice Côte d'Azur, Nice (06).
20 mars au 16 avril 2026 : Théâtre de la Ville - Sarah Bernhardt, Paris 4ᵉ.
17 au 19 décembre 2025 : Bonlieu - Scène nationale, Annecy (74).
7 au 15 janvier 2026 : Théâtre Les Célestins, Lyon (69).
21 au 24 janvier 2026 : Tandem - Scène nationale Arras-Douai, Douai (59).
30 et 31 janvier 2026 : Le Quai, CDN Angers Pays de la Loire, Angers (49).
6 au 11 février 2026 : Mixt - Terrain d'arts en Loire-Atlantique, Nantes (44).
26 et 27 février 2026 : Scène nationale du Sud-Aquitain, Anglet (64).
12 et 13 mars 2026 : Théâtre National de Nice - CDN Nice Côte d'Azur, Nice (06).
20 mars au 16 avril 2026 : Théâtre de la Ville - Sarah Bernhardt, Paris 4ᵉ.
























