La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Pouic-Pouic, le gallinacé au beau costume... mais pas forcément bien ajusté !

"Pouic-Pouic", Théâtre des Bouffes Parisiens, Paris

Léonard Monestier, homme d’affaires avisé, cherche à se débarrasser d’une concession pétrolière sans valeur que son épouse, Jacqueline, a achetée à un escroc. Il jette alors son dévolu sur Antoine Brévin, un milliardaire courtisant sa fille Patricia, qui pourrait être le parfait pigeon…



© Karine Letellier/ATA.
© Karine Letellier/ATA.
Eh bien, je suis sorti plutôt circonspect des Bouffes Parisiens avec, à l’esprit, plus de négatif que de positif. Abordons déjà ce qui m’a plu… J’ai vraiment apprécié le jeu offert par Lionnel Astier et Valérie Mairesse. Cette dernière est épatante en gentille nunuche, qui ne sait pas quoi faire pour plaire à son mari et à sa famille. Foncièrement bonne, elle est en permanence à côté de la plaque et chacune de ses apparitions est un savoureux moment. Valérie Mairesse hérite là d’un rôle en or et elle fait preuve d’une belle fantaisie mâtinée d’autodérision…

Lui a su habilement éviter le piège de faire du "de Funès". Il est certes dans le survoltage et l’énergie mais sans le côté cartoonesque du grand Louis. Il campe un homme d’affaires à qui j’ai trouvé une certaine ressemblance physique avec… Bernard Tapie. C’est un homme sans scrupules (je ne parle plus de Tapie), dénué de sentiments y compris familiaux, c’est un manipulateur qui n’est motivé que par une chose : ne pas perdre d’argent ; même s’il faut, pour cela, imposer un mariage de raison à sa fille, escroquer son soupirant, mépriser son fils, narguer son épouse, et rendre chèvre ce pauvre Simon. Dans ce registre, Lionnel Astier est parfait.

© Karine Letellier/ATA.
© Karine Letellier/ATA.
Je n’ai pas détesté non plus la prestation de Rachel Arditi dans le rôle de Patricia, la fille de la maison. C’est une sorte de pimbêche acariâtre et vindicative qui affiche tout au long de la pièce un sacré caractère. Et j’ai trouvé plus qu’honnête le jeu de David Saada qui n’a pas hérité du rôle le plus facile avec le personnage de Simon, un garçon qui n’a rien demandé et qui se retrouve soudain le jouet plus ou moins volontaire d’un maelström financier et familial. Il s’en sort bien sans en rajouter… Enfin, si je fais abstraction de la façon ridicule de marcher qu’on lui a demandée, j’ai également souri avec le personnage de Charlotte, la domestique qui fait quasiment partie de la famille.

Mes principaux griefs vont donc à l’encontre des trois derniers protagonistes de ce vaudeville qui, à mon avis, sont les victimes directes d’un parti pris de mise en scène maladroit. On a fait d’Antoine, de Paul et de Palma trois personnages véritablement grotesques. Ce qui leur enlève beaucoup de crédibilité… Pourtant, Éric Berger (le comédien révélé au cinéma dans le rôle de Tanguy) a le profil idéal pour camper ce fils de famille, godelureau suffisant et amoureux transi. Pourquoi lui a-t-on demandé d’adopter cette gestuelle grotesque faite de poses théâtrales, d’entrechats saugrenus et de petits ricanements forcés. Il n’y avait vraiment pas besoin de ces scories superfétatoires. Avec sa seule dégaine d’échalas dégingandé, il était parfait. Il n’y avait pas besoin de charger autant son jeu. Il en perd tout réalisme… Paul, le fils, n’est pas très gâté non plus par la direction d’acteurs. On lui fait jouer un mec un peu con-con qui frôle le pathétique… Et puis il y a le personnage de Palma, celle qui est censée apporter une note d’exotisme à la pièce. Alors elle, elle en fait des tonnes avec un insupportable accent pseudo hispanique et des poses aguicheuses dont on se lasse très vite.

© Karine Letellier/ATA.
© Karine Letellier/ATA.
Résumons-nous. Au niveau des mauvais points, j’ai trouvé à cette pièce des accents vieillots et désuets, des rebondissements aussi fumeux que redondants, et une mise en scène qui oscille entre plusieurs genres ce qui la rend si inégale, surtout avec cette touche de burlesque qui amène un sur-jeu. Il faut donc faire quelques concessions !

Au niveau des bons points, les meilleurs dialogues (il y a effectivement d’excellentes saillies et de jolies formules) sont dans les bouches de Valérie Mairesse et de Lionnel Astier (j’ai aimé cette réflexion que Léonard adresse à Simon : "Qu’est-ce qui vous a pris de dire que vous étiez noir ?"). Le rythme est suffisamment soutenu pour qu’on ne s’ennuie jamais.

Enfin, mention spéciale au gallinacée qui justifie le titre de la pièce. Il est absolument magnifique. C’est indéniablement lui qui porte le plus beau costume.

"Pouic-Pouic"

© Karine Letellier/ATA.
© Karine Letellier/ATA.
Texte : Jacques Wilfrid, avec la collaboration de Jean Girault.
Adaptation : Lionnel Astier et Stéphane Pouplard.
Mise en scène : Lionnel Astier, assisté de Nathalie Grandhomme.
Décor : Sophie Jacob.
Costumes : Sandra Gutierrez et Marc Clément.
Avec : Valérie Mairesse (Jacqueline Monestier), Lionnel Astier (Léonard Monestier), Éric Berger (Antoine), Rachel Arditi ou Julie Jacovella (Patricia), David Saada (Simon), Bénédicte Dessombz (Palma), Alexandre Jazédé (Paul).


Spectacle du 30 mars au 30 juin 2012.
Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h.
Relâches exceptionnelles mardis 1er et 8 mai.
Théâtre des Bouffes Parisiens, Paris 2e, 01 42 96 92 42.
>> bouffesparisiens.com

Article publié en partenariat avec >> critikator

Gilbert Jouin
Vendredi 27 Avril 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024