La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Humour

Mon fils, ma bataille… amour, humour...

"Le Bal des Pompiers", Théâtre Dejazet, Paris

J’ai connu Laurent Savard au milieu des années quatre-vingt-dix. Il jouait au Movies, un café-théâtre dans lequel ont débuté Dany Boon, Jean-Luc Lemoine, Stéphane Guillon (avec qui il démarre alors), Djamel et bien d’autres encore et qui, malheureusement, n’existe plus. Son spectacle s’appelait "Une certaine envie de frapper". Son style était déjà affirmé : écriture léchée et humour noir pour dénoncer ce qui ne lui plaisait pas. Puis Laurent a écrit "Y a-t-il un facho dans le frigo ?" qui resta plusieurs mois à l’affiche du Splendid.



© Jeanne Ton.
© Jeanne Ton.
Ensuite, la vie a fait qu’il est devenu papa - le soir du Bal des Pompiers, d’où le titre - d’un petit Gabin qui a changé sa vie. Gabin, qui a aujourd’hui dix ans, est en effet un enfant "différent", diagnostiqué autiste et hyperactif. Il y a deux ans, son papa artiste a décidé de lui consacrer un spectacle. Présenté d’abord au Splendid, ce solo théâtral a, lui aussi, une vie incroyable : mairies, centres culturels et théâtres ont appelé d’un peu partout pour l’accueillir, en France et même à Montréal, et jusqu’à plus de 600 personnes sont venues l’applaudir chaque soir.

Aujourd’hui, ce spectacle se pose quelques jours au Déjazet dont le directeur, Jean Bouquin, m’a confié qu’il l’accueillait gratuitement.

© Jeanne Ton.
© Jeanne Ton.
Laurent Savard nous y invite à partager la vie qu’il mène avec son petit garçon différent. Des scènes courtes, aussi concises qu’explicites, se succèdent : premières inquiétudes du pédiatre quant à l’évolution de Gabin, diagnostic formel, annonce aux grands-parents, pressurisation du couple "Avoir un enfant handicapé est un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre"… Nombreuses batailles menées avec (ou plutôt contre) une psy "Et chez vous, il y a forcément un nœud quelque part !", une directrice d’école "Déjà qu’on est obligés d’accepter votre enfant !", des promeneurs lambda "Quand on a un enfant comme ça, on ne le sort pas !" et, heureusement, belles rencontres humanistes dans le quartier de Montmartre où habitait la petite famille… sont autant de pépites étincelantes.

Si vous avez dévoré "Où on va Papa ?" de Jean-Louis Fournier, vous allez adorer "Le Bal des Pompiers" ! Car, Laurent Savard a une propension à un humour noir entièrement salvateur. Rebelle depuis toujours, il n’accepte aucune fatalité, combat au quotidien les diktats de cette société si prompte à rejeter la différence, se heurtant ainsi au manque d’humanité de certains avec une bonne dose de provocation, son autre bouée de sauvetage. Cela donne des scènes à la fois tragiquement drôles et drôlement tragiques d’où est exclu tout pathos.

L’auteur y interprète une bonne quinzaine de rôles, dont le sien, sans excès, avec une justesse éblouissante et une sincérité percutante. Aussi, que vous soyez ou non directement concernés par l’autisme, assisterez vous à un spectacle rare mêlant magnifiquement sens, amour, humour et intelligence. Ne passez pas à côté !!!

"Le Bal des Pompiers"

© Jeanne Ton.
© Jeanne Ton.
Texte : Laurent Savard.
Mise en scène : Bruno Delahaye.
Piano : Anaïs Blin.
Régisseur : Matthieu Mercier.
Spectacle par la Compagnie Au Pied de la Lettre (et Jade Lanza).

Spectacle du 2 au 19 mai 2012.
Du mardi au samedi à 20 h 30.
Théâtre Dejazet, Paris 3e, 01 48 87 52 55.
>> dejazet.com

N.B. : Mardi, mercredi et jeudi (sauf le jeudi de l'Ascension), le spectacle est traduit en langue des signes. Des troupes composées d’artistes sans pathologie et d’autres différentes assurent une première partie : Percujam (musique), le vendredi ; et Woody Bigoudis (humour), le samedi.

Caroline Fabre
Lundi 14 Mai 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024