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Lyrique

"Les Mousquetaires au couvent", feu d'artifice final pour Jérôme Deschamps à l'Opéra Comique

Dernière production de Jérôme Deschamps comme directeur de l'Opéra Comique, ces "Mousquetaires au couvent" sont à découvrir absolument. Plus qu'une reprise de sa mise en scène de l'opérette de Louis Varney à Lausanne, son spectacle redonne vie avec un rare bonheur à ce bijou de "l'esprit gaulois" avec une pléiade de remarquables jeunes chanteurs dont Anne-Catherine Gillet et Sébastien Guèze.



© DR Pierre Grosbois.
© DR Pierre Grosbois.
Après huit saisons de bons et loyaux services Jérôme Deschamps tire sa révérence en beauté en cumulant les jobs d'acteur-chanteur (dans le rôle du gouverneur) et de metteur en scène dans un ouvrage qu'il a exhumé en 2013 à l'Opéra de Lausanne : "Les Mousquetaires au couvent". Le titre joyeusement insolent de cette opérette du compositeur Louis Varney en résume bien le programme : deux mousquetaires aux tempéraments bien opposés déguisés en moines mendiants infiltrent le couvent des Ursulines introduisant par là un réjouissant chahut parmi les pensionnaires.

Gontran de Solanges (le ténor divin Sébastien Guèze) est amoureux de l'une d'entre elles - Marie de Pontcourlay, nièce du cardinal de Richelieu chantée fort bien par la jeune soprano Anne-Marine Suire - quand Narcisse de Brissac (le talentueux baryton Marc Canturri) espère remplir son estomac et étancher son inextinguible soif à la table de Sœur Opportune. Heureux hasard : il trouvera aussi l'amour avec la sœur de Marie, Louise, grâce à un prêche désopilant sur les vertus de ce premier des préceptes chrétiens !

© DR Pierre Grosbois.
© DR Pierre Grosbois.
D'autres personnages irrésistibles viennent agrémenter cette œuvre, vrai apogée de l'opérette populaire créée en 1880, au livret sous influence d'un Alexandre Dumas qui serait pompette. Outre le Gouverneur auquel Jérôme Deschamps prête sa fantaisie et un zeste de folie façon Deschiens, l'abbé Bridaine du baryton Franck Leguérinel se taille un joli succès en apportant sa vis comica délirante et sa maestria à cet éloge de l'ivresse et de la bonne humeur. La servante Simone superbement enlevée d'Anne-Catherine Gillet domine avec conviction toutes ses scènes (j'allais dire comme toujours) alors même que tous les ingrédients d'un spectacle ultra réussi entraînent rires et sourires en cascade. Tous les chanteurs mériteraient d'être cités.

Si les costumes inspirés de Vanessa Sannino font penser à l'univers d'"Alice au pays des merveilles", les décors de Laurent Peduzzi servent les tableaux poétiques naïfs et colorés de cette mise en scène pleine de trouvailles burlesques et fonctionnent comme autant de gags visuels. Les chorégraphies déchaînent aussi la joie tel ce pas de deux de nos deux mousquetaires chaussés de ballerines pendant l'entracte musical avant le deuxième acte, le drolatique "Ballet des Moines".

© DR Pierre Grosbois.
© DR Pierre Grosbois.
La direction de Laurent Campellone n'est pas en reste qui sert avec nuance et justesse une partition allègre à souhait. Bref, Jérôme Deschamps avec l'aide de tous ses camarades touche au but une fois de plus et remplit le programme qu'il s'était fixé en redonnant une belle identité à la Salle Favart : donner du plaisir à un public renouvelé avec des œuvres légères très populaires dans le passé. Ciao Maestro ! Ah ! un mot encore : on nous promet à Paris en 2017 Sébastien Guèze dans "Werther". Espérons que sa prestation parfaite entre drôlerie et émotion et sa voix d'or vivant l'imposent définitivement dans notre belle capitale dès aujourd'hui.

Du 13 au 23 juin 2015.
Retransmission en direct le 17 juin 2015 à 19h30 sur France Musique et sur concert.arte.tv

© DR Pierre Grosbois.
© DR Pierre Grosbois.
Opéra Comique, 0 825 01 01 23.
1 place Boieldieu 75002.
>> opera-comique.com

"Les Mousquetaires au couvent" (1880).
Opérette en trois actes.
Musique : Louis Varney (1844-1908).
Livret : Paul Ferrier et Jules Prével.
Durée : 2 h 20 avec entracte.

Laurent Campellone, direction musicale.

© DR Pierre Grosbois.
© DR Pierre Grosbois.
Jérôme Deschamps, mise en scène.
Laurent Peduzzi, décors.
Vanessa Sannino, costumes.
Marie-Christine Soma, lumières.
Glyslein Lefever, chorégraphie.

Marc Canturri, Narcisse de Brissac.
Sébastien Guèze, Gontran de Solanges.
Franck Leguérinel, l'abbé Bridaine.
Anne-Catherine Gillet, Simone.
Anne-Marine Suire, Marie de Pontcourlay.
Antoinette Dennefeld, Louise de Pontcourlay.
Nicole Monestier, La mère supérieure.
Doris Lamprecht, Mme Pichard, Sœur Opportune.

© DR Pierre Grosbois.
© DR Pierre Grosbois.
Jérôme Deschamps, Le gouverneur.
Ronan Debois, Rigobert.
Safir Behloul, Pichard.
Jodie Devos, Claudine, Isabelle.
Valentine Martinez, Jacqueline, Agathe.
Eleonore Pancrazi, Jeanneton.
Mathilde Opinel, Margot.
Emmanuelle Monier, Blanche.

Les Cris de Paris.
L'Orchestre symphonique de l'Opéra de Toulon.
Geoffroy Jourdain, chef de chœur.

Christine Ducq
Mercredi 17 Juin 2015

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Concerts | Lyrique







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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

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© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

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© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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Bruno Fougniès
15/10/2023