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11/05 au 29/05/2011, Théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas, Grenoble, "Il suffit de peu"

"J’avais une famille, comme toi. J’avais tout comme tout le monde. J’ai tout laissé d’un coup…" Après des années d’errance, Georgette passe ses journées dans une petite gare. Elle connaît tout : les horaires, les trains régulièrement en retard, elle observe le contrôleur, la femme de ménage, elle arpente les moindres recoins…



11/05 au 29/05/2011, Théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas, Grenoble, "Il suffit de peu"
Entre deux trains elle apostrophe les voyageurs. Elle ne veut pas d’argent, elle veut que quelqu’un l’écoute, pour ne pas parler seule. Elle fait des remarques sur l’empressement des passants, l’absurdité de leur mode de vie tout en déroulant le fil de son propre parcours.

Petite main dans une maison de couture, elle a mené "toute une vie de pauvre gourde", quarante et un ans de sa vie "penchée sur des oripeaux de luxe. Pour les rombières."

Jusqu’à l’instant où toute sa vie chavire : un manteau gris qui devient l’incarnation de sa brusque prise de conscience, une réflexion désobligeante de la première d’atelier… et c’est le départ précipité pour la liberté absolue.
Valise en mains, Georgette taille la route : d’abord l’hôtel, le temps de claquer ses économies, et puis la cloche, les parkings de supermarché et les quais de gare. Et aussi ce froid qui l’ habille désormais, la lâche le temps d’une gorgée de whisky, les beaux cheveux en ruine et les dents gâtées et puis plus rien à porter que ce manteau gris lavé de pluie sur des trottoirs écartés, l’alcool comme roue de secours, la rencontre délirante d’un dernier amour.

Sauvée par sa capacité à rire d’elle-même, à se raconter aux passants qu’elle apostrophe avec humour et autodérision, elle ne tombe jamais dans le misérabilisme ou la démonstration appuyée.

Elle évoque sa dernière rencontre avec un homme avec une verve irrésistible, une distance finement ironique. Cet Anglais trop beau pour être vrai, ce tennisman à l’égocentrisme pathétique, ne renvoyant les balles qu’à lui-même, elle ne manque pas de souffle pour en faire le portrait : à coup de formules bien balancées, genre fond du court, elle savoure sa petite revanche de sans toit ni loi du haut de l’échelle d’arbitre qui la rapproche du ciel.

Dans ce texte, il est peu probable que Martine Drai a voulu créer un type, celui de la vagabonde des temps modernes et faire ainsi une peinture sociale de la misère actuelle. Le texte est certes très ancré sur des réalités sociales mais c’est, avant tout, le portrait d’une personnalité ambiguë et la découverte de sa grandeur sous son apparente décrépitude.

Personnage libre parce qu'elle n'a plus rien à perdre, elle est de ceux qui vont jusqu'au bout des expériences, des provocations. Tendue entre grotesque et tragique, espiègle, délurée, tendrement féroce, émouvante d'humanité, Georgette est une héroïne en rupture, fantasque, vivante.

Une femme aux semelles de vent. En marche.

Récit pour une voix de Martine Drai.
Mise en scène et interprétation : Diden Berramdane.
Création lumières, vidéo et son, costumes et accessoires : Diden Berramdane.
Production : Compagnie Diden Berramdane.

Du 11 au 29 mai 2011.
Du mercredi au samedi à 20 h 30.
Les dimanches 15, 22 et 29 mai à 17 h.
Relâche le lundi et le mardi.
Théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas, Grenoble, 04 76 42 01 50.

Annonce
Lundi 2 Mai 2011

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© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

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06/03/2024
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Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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Bruno Fougniès
15/10/2023