La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Du bonheur musical tout en "Contraste"

L'ensemble Contraste est un collectif d'artistes qui entend exploser les cadres et abolir les frontières, tant pour les formats de concerts que pour les répertoires abordés. Cette "bande de copains prêts à toutes les aventures", selon les mots de son directeur artistique Arnaud Thorette, se pose à Paris quelques semaines, l'occasion pour le public de goûter cet éclectisme joyeux.



© Amélie Baudry Tcherniak.
© Amélie Baudry Tcherniak.
Musique savante ou populaire, ce distinguo embarrasse peu les musiciens qui forment le noyau dur de l'ensemble Contraste, fondé il y a dix ans par l'altiste (et violoniste) Arnaud Thorette et le pianiste-arrangeur Johan Farjot (tous deux se partageant sa direction artistique). Alors que nous rencontrons le premier, aussi grand de taille que souriant et affable, nous ne tarderons pas à comprendre que certains mots ont une singulière importance dans la philosophie de l'ensemble : les mots "collectif", "amitié", "fidélité", "surprises" et "humour".

Un collectif pour Arnaud Thorette et ses amis, c'est la possibilité depuis dix ans de créer des projets pour et avec des personnalités venues d'horizons différents. On trouve naturellement chez Contraste des artistes réunis au-delà de leurs territoires habituels avec les saxophonistes jazz Raphaël Imbert et Vincent le Quang ou le contrebassiste Stéphane Logerot et ceux qui viennent du classique tels Jean-Luc Votano ou Antoine Pierlot (respectivement clarinettiste et violoncelliste). Un même souci de réunir au-delà des frontières habituelles préside aux invitations lancées aux chanteurs et musiciens, dans leur vaste discographie et leurs spectacles.

Le spectre est large en effet : du CD et des concerts conçus avec la mezzo Karine Deshayes (1) au spectacle musical "Georgia, tous mes rêves chantent" (2) imaginé avec le chanteur pop Albin de la Simone - sans oublier la collaboration avec une chanteuse venue des musiques du monde, Noémi Waysfeld, pour "Besame mucho" (un programme "Classic Tango & Jazz" donné ce 25 mars pour l'inauguration du Bal de la rue Blomet à Paris), sans se priver des "Lieder" de Schubert (la prochaine création de Contraste avec K. Deshayes), du répertoire baroque italien - avec le "Stabat Mater" de Pergolese et la chanson française ("Joséphine Baker, Paris mon amour" avec la chanteuse Magali Léger). Ce collectif veut donc jouer large, très large, et son désir d'ouverture n'a d'égal que son culte de l'amitié : les projets existent parce que ce qui réunit ces artistes est plus fort que le simple désir de mener sa propre carrière.

© Amélie Baudry Tcherniak.
© Amélie Baudry Tcherniak.
"Décomplexer le classique", concevoir son travail en antithèse "du nœud papillon et de la queue-de-pie", mélanger les genres et provoquer sans cesse la surprise pour des spectacles déjantés et humoristiques, voilà bien la nature profonde de l'ensemble. Ce fut le cas avec "The Fairy Queen" créé au Château d'Hardelot dans le Pas-de-Calais (où l'ensemble est en résidence), "un opéra tout terrain" réunissant acteurs d'une compagnie de théâtre de rue (la Compagnie Deracinemoa), chanteurs baroques et musiciens. Joué il y a peu à Florange devant huit cents personnes, ce semi-opéra (3) baroque a permis de satisfaire aux ambitions de l'ensemble : s'adresser au public le plus large possible, en ayant éclaté les formes non sans rester fidèle à l'esprit de Shakespeare et Purcell.

Car à entendre Arnaud Thorette, un artiste se doit d'être engagé et solidaire : un citoyen qui s'attache à renouer les fils du lien social grâce à la culture. Une culture exigeante et pourtant accessible à tous, c'est rappelle-t-il "un besoin fondamental" de notre société - et de la vie de Contraste. Un bel engagement à vérifier en ce moment dans leurs concerts parisiens.

(1) "Après un rêve" chez Aparté, un des succès parmi les nombreux enregistrements de Contraste - qui est aussi devenu un label depuis quelque années.
(2) Spectacle musical écrit par Timothée de Fombelle sur des musiques de J. Farjot, A. de la Simone, R. Lannadère, G. Poncelet, M. Herzog. En tournée actuellement.
(3) Un semi-opéra alterne passages chantés et parlés ainsi que des masques.

© Amélie Baudry Tcherniak.
© Amélie Baudry Tcherniak.
Dans le cadre du Festival Paris Sciences et Lettres :
Samedi 25 mars à 20 h 30 : "Besame mucho", classic tango, Bal de la rue Blomet (ex-Bal Nègre), Paris 15e.
Jeudi 30 mars à 19 h 30 : "Stabat Mater - Pergolese, Vivaldi", Chapelle des Petits-Augustins, Paris 6e.
Vendredi 31 mars à 20 h 30 : "Joséphine Baker, Paris mon amour", École Normale Supérieure, Salle des Actes, Paris 5e.

Mardi 28 mars à 20 h 30 : "La Passion selon Saint-Jean", Église Saint-Étienne-du-Mont, Paris 5e.
14 et 15 juillet 2017 : "Roméo et Juliette à la West Side Story" (création), Château d'Hardelot (62).
24 au 28 juillet 2017 : "Besame mucho" au Festival Radio France de Montpellier (34).

Toutes les autres dates à consulter ici :
>> ensemblecontraste.com

Christine Ducq
Jeudi 23 Mars 2017

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024