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Festivals

Chant de marin et musiques du monde à Paimpol… Les cocos(pains) paimpolais ont répondu présent !

Il n'a lieu que tous les deux ans mais il n'en est pas moins devenu une référence… et il a connu une nouvelle fois une fréquentation record grâce à une programmation variée et de grande qualité. Pour ses trente ans, le festival du chant de marin et des musiques des mers du monde de Paimpol avait misé sur les retrouvailles (Tri Yann, Denez Prigent, Goran Bregovic, Les Ours du Scorff, etc.) et sur de belles découvertes, connues ou inconnues pour marquer d'une pierre blanche cet anniversaire…



Bernard Lavilliers, dimanche 4 août © Dominique Debeauvais.
Bernard Lavilliers, dimanche 4 août © Dominique Debeauvais.
Sur les trois journées de festivités, près de 165 000 spectateurs (première estimation) ont assisté, devant sept scènes et sur les quais, à des centaines de concerts et de récitals. Chants de Marin - venus des quatre coins de la planète -, bien sûr, bagadou, fanfares et musiciens de rue, évidemment, mais aussi chansons marinées bretonnes et françaises, musiques du monde et, sur le grand plateau Stan Hugill, quelques grands artistes - qui marquent, par leur engagement, leurs spécificités artistiques et leur arc-en-ciel musical, la scène internationale actuelle - étaient au programme.

Pour sa 14e édition, l'événement paimpolais assumait avec panache son statut de quatrième plus important festival de la Bretagne historique. Même le port de Paimpol affichait complet avec deux cents vieux gréements à l'anneau (à quai ou sur pontons flottants). Venant majoritairement de France ou de Grande-Bretagne, ces bateaux datant du temps de la "marine en bois", trois ou deux mâts pour les plus gros (La Recouvrance, Le Français, Le Marité, L'Étoile Molène, Le Lys Noir, etc.), ont fait le bonheur des visiteurs la journée - dont beaucoup de familles - avec la possibilité de monter à bord pour certains (L'Étoile du Roy, La Granvillaise, Le Phoenix ou Le Biche), ou d'assister à des concerts sur le bateau scène Le Galland, par exemple.

Vendredi 2 août

Le public devant la scène Pempoull © Gil Chauveau.
Le public devant la scène Pempoull © Gil Chauveau.
Compte tenu du nombre d'artistes programmés, représentant environ 160 groupes, il est impossible de rendre compte de tous les concerts, tous de qualité au vu de la mine réjouie de l'ensemble du public, qui a assisté en très grand nombre à tous les sets quels que soient les lieux et les horaires (début officiel 14 h, fin 2, 3 h du matin). Mais quelques noms sont à retenir si on ne peut les nommer tous, venant parfois de loin tant la diversité géographique du festival est l'un des points d'excellence renouvelés à chaque édition.

Avant de parler des artistes à l'affiche de la grande scène du champ de foire, nous retiendrons, présents sur les autres plateaux, l'énergique Flavia Coelho (Brésil) au groove construit sur la musique roots du Nordeste et le baile funk de Rio ; les Biches Cocottes (Bretagne) qui interprètent un répertoire habituellement masculin et qui soufflent un vent marin drôle, frais et pétillant, souvent a capella ; Bounding Main (USA), groupe costumé vocal à l'humeur joviale et aux harmonies riches ; Fortunes de Mer (Bretagne), une des formations de référence du chant de marin breton qui entretiennent leur répertoire en poursuivant le travail de collectage auprès des anciens…

Flavia Coelho sur la scène du Cabaret Michel Tonnerre, vendredi 2 août © Gil Chauveau.
Flavia Coelho sur la scène du Cabaret Michel Tonnerre, vendredi 2 août © Gil Chauveau.
… Les Souillés de Fond de Cale (Bretagne), groupe iodé et gai à la stature internationale - et quasi-stars au niveau régional - qui écument les grands festivals maritimes et folks d'Islande en Estonie, en passant par la Pologne, le Québec ou l'Angleterre ; l'Ooz Band (Bretagne) repérable par son look vestimentaire original, tout comme sa musique éminemment festive qui puisent dans le rockréol, le jazz et le swing musette ; Orkiestra Samanta (Pologne), du folk rock sur des histoires épiques de mer, modernes et sans frontières ; La Gamik vocale, vingt choristes de Québec et de Lévis, sous la direction d’Andréanne Gallichant, chantant sans partition mais avec un talent certain ; The Trongate Rum Riots (Écosse), formation atypique, joyeuse et talentueuse, originaire de Glasgow, jouant un mix improbable de riffs punk, de mélodies bluesy et de rythmes puissants des Balkans, etc. À noter que beaucoup de formations se produisaient sur les trois jours mais dans des lieux différents.

Sur la scène Stan Hugill, la première journée débuta avec le groupe vocal les Marins d'Iroise suivi de Tri Yann, plus vieux groupe français en activité qui fête ses cinquante ans de carrière dans une dernière tournée (jusqu'en mars 2020*). Pour leurs retrouvailles avec Paimpol, Jean Chocun, Jean-Paul Corbineau et Jean-Louis Jossic ont invité Louis Capart, local de l'étape, auteur de la magnifique chanson "Marie-Jeanne Gabrielle" que le trio nantais a reprise sur son album "Marines". Les Marins d'Iroise furent également de la partie et revinrent sur scène à l'invitation des trois Jean.

Storm Large, Pink Martini, vendredi 2 août © Gil Chauveau.
Storm Large, Pink Martini, vendredi 2 août © Gil Chauveau.
Suivirent, après Tri Yann, les frères palestiniens Samir, Wissam et Adnan - tous trois virtuoses du oud - formant le trio Joubran, remplaçant au pied levé Idir empêché pour raison de santé. Puis, ce fut le Mystère des Voix Bulgares, chorale de femmes découverte il y a trente ans au Printemps de Bourges. Après une traversée du désert liée à l'effondrement du système communiste, la légendaire troupe est de retour avec ses chemisiers brodés, ses coiffes fleuries, et surtout un nouvel album "BooCheeMish", sorti en septembre en France avec, comme invitée, l'Australienne Lisa Gerrard, chanteuse du duo Dead Can Dance.

Actuellement en tournée aux États-Unis et au Canada (en France au printemps 2020), Pink Martini faisait un détour par Paimpol pour offrir à la foule de spectateurs bretons un show impeccable et bourré d'énergie, mélangeant, comme à l'accoutumée, les styles musicaux et les références, de l'esprit français des années trente à la samba brésilienne, du club de jazz new-yorkais au bal nostalgique napolitain du dimanche après-midi, bref une géniale hétérogénéité culturelle. Le combo rétro sait aussi faire appel à différents intervenants vocaux mais c'est sans conteste (Susan) Storm Large qui se démarqua, habillée de sa gracieuse et élégante beauté, de sa voix remarquable dans tous les registres et sa gracile et exceptionnelle félinité de danseuse. Réellement bluffant !

Jeanne Added, récente double lauréate des "Victoires de la Musique" (artiste féminine de l'année et dans la catégorie "album rock"), ayant créé le buzz à la rentrée automnale avec "Mutate", l'un des titres phares de "Radiate", son deuxième album, a donné au public paimpolais un spectacle d'une grande maîtrise vocale, musicale, et d'une rare grâce, servi par un son précis et sans excès (chapeau aux ingés son). La voix de Jeanne Added dévoile sur scène une ampleur, une densité, une impressionnante profondeur complétées par une tessiture aux reliefs émotionnels puissants, sans doute dus, en partie, à une formation lyrique et jazz (et beaucoup de travail)… Une virtuosité qui n'est pas sans rappeler l'intensité vocale de la regrettée Dolores O'Riordan. Et malgré une certaine froideur (timidité ?), elle a révélé une grande générosité et a véritablement conquis les festivaliers.

À suivre…

Jeanne Added, vendredi 2 août © Gil Chauveau.
Jeanne Added, vendredi 2 août © Gil Chauveau.
* Olympia à Paris le 22 mars et fin de tournée le 28 mars à la cité des Congrès de Nantes.

Festival du chant de marin et des musiques des mers du monde de Paimpol
S'est déroulé du 2 au 4 août 2019.

Prochaine édition (la quinzième) les 13, 14 et 15 août 2021.
>> paimpol-festival.bzh

Gil Chauveau
Samedi 10 Août 2019

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© Pics.
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

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Bruno Fougniès
15/10/2023