La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Sonate" ou comment un botaniste sauva toute l'œuvre de Mozart

Seule en scène ? Camille de Leobardy ne l'est pourtant pas vraiment dans "Sonate". Il y a d'abord un joli piano demi-queue qu'elle fera chanter sous ses doigts tout au long du concert en interprétant différentes compositions de Mozart. Une musique qui est, elle aussi, acteur implicite du spectacle puisqu'il y est essentiellement question d'elle. Et puis il y a les personnages qui la traversent, la pénètrent, la transforment, dont deux principaux : Wolfgang Amadeus Mozart et Ludwig Alois Ferdinand Ritter von Köchel.



© Les Sérieuses Fantaisies.
© Les Sérieuses Fantaisies.
Pour le profane, le premier de ces personnages est connu, le second… pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir étudier la musique, quel que soit l'instrument classique qu'ils ont pratiqué, ce dernier est connu ou, du moins, la première lettre de son nom, le K de Köchel. Ce K qui orne chacun des morceaux de l'illustre compositeur, un K suivi d'un numéro qui étiquette et authentifie chaque partition de cette œuvre pléthorique. Ainsi, le Menuet en sol majeur que Mozart composa à 5 ans porte le numéro K 1.

Camille de Leobardy, dans "Sonate", imagine la rencontre entre Mozart et Köchel. Un dialogue s'installe entre eux, en courtes scènes que la comédienne figure avec dextérité en passant d'un personnage à l'autre, en jouant de son corps et de sa voix. Une histoire imaginaire se tresse qui donne à voir la complexité du travail de Köchel, une tâche qui lui prit près de dix ans de sa vie, mais qui reste aujourd'hui encore la référence mozartienne. C'est un lien passionnel, fait de colère et de fascination qui relie ainsi les deux personnages.

© Les Sérieuses Fantaisies.
© Les Sérieuses Fantaisies.
Dans la réalité, les deux hommes ne se sont jamais croisés. Köchel ne naît qu'après la mort de Mozart et ce n'est que soixante ans après la mort de ce dernier que le "Catalogue Köchel" est édité en Autriche. Il contient près de 600 compositions répertoriées chronologiquement. Une somme considérable qui représente des années de recherches et de compilation pour cet homme, musicien, mais avant tout botaniste, que l'amour de la musique qu'il portait poussa à réaliser son ouvrage dans le but de protéger l'œuvre de Mozart.

Camille de Leobardy possède tous les atouts pour interpréter ce spectacle qu'elle a également écrit. Elle est comédienne, mais aussi pianiste, ce qui double le plaisir du spectacle qui passe tantôt du répertoire théâtral au concert. La sonate pour piano numéro 11 sert de guide musical à la pièce qui ne reste pas cantonnée à la biographie de son personnage principal, mais fait des incursions dans la modernité en s'amusant à interpréter la sonate non pas au piano, mais au djembé et à l'harmonica. Car l'humour sertit de manière franche ce spectacle, source autant de mélodie, de rire que de révélations.

"Sonate - Une fiction Mozartienne"

© Les Sérieuses Fantaisies.
© Les Sérieuses Fantaisies.
Texte : Camille de Leobardy.
Mise en scène : Pierre Ficheux.
Avec : Camille de Leobardy.
Costumes : Amanda Raybaud.
Musique : Mozart/Camille de Leobardy.
Production : Les Sérieuses Fantaisies.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h 15.

Du 3 octobre au 8 novembre 2022.
Lundi à 21 h et mardi à 19 h.
Studio Hébertot, Paris 17e, 01 42 93 13 04.
>> studiohebertot.com

Bruno Fougniès
Vendredi 14 Octobre 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024