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Lyrique

"C'era una Volta" avec l'Académie de l'Opéra de Paris

Les artistes de l'Académie ont brillé dans un emballant atelier de création scénique de Simon Valastro.



© Studio J'adore ce que vous faites.
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Simon Valastro, un artiste milanais familier de l'Opéra de Paris depuis son intégration au Corps de Ballet en 1989, a patiemment gravi toutes les marches ; comme chorégraphe d'abord dès 2008 avec "Opus", puis beaucoup d'autres spectacles jusqu'à cette commande en 2015 de Benjamin Millepied, "Tissues" pour Garnier, année où il rejoint aussi l'Académie chorégraphique de l'ONP avec le soutien de William Forsythe.

Bien lancé, Simon Valastro ne s'arrête pas là et, en 2020, il confirme ses talents de scénographe, dramaturge et metteur en scène en rejoignant l'Académie pour une nouvelle résidence (de mise en scène cette fois) qui s'achève en cette fin de saison. "C'era una Volta" est donc le résultat de l'expérience et du travail de l'artiste à l'Opéra avec les chanteurs, musiciens et techniciens académiciens comme lui. Une totale réussite, et ce, malgré les conditions très particulières vécues lors de ces deux dernières saisons - évidemment dues à la crise sanitaire.

© Studio J'adore ce que vous faites.
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Chorégraphe pour plusieurs étoiles de l'Opéra depuis quelques années, Simon Valastro nous a convaincus mercredi dernier de son talent à collaborer également avec des chanteurs et musiciens avec "C'era una Volta" (Il était une fois), sa réécriture très personnelle de plusieurs contes opératiques (cinq exactement) - ou plutôt de sa faculté à "extirper de leurs intrigues respectives, des personnages de contes de fées" qui se retrouvent en début de spectacle autour d'une table pour un dîner de famille. Avec peu de moyens, le metteur en scène nous livre un spectacle drôle, intelligent et même percutant. Il faut dire qu'il est secondé par une troupe de jeunes artistes de première force, aussi dynamiques que bourrés de talents, jouant avec gourmandise avec le public.

Une femme de ménage (l'extraordinaire Cenerentola de la mezzo indienne Ramya Roy) nettoie les traces d'un curieux cadavre tiré hors de l'eau (peut-être le Mizgir d'Alexandre Ivanov, personnage tiré de "Snégourotchka" de Rimski-Korsakov qui passera plus tard). On verra aussi Judith et le Duc Barbe-Bleue (les très impressionnants Marie-Andrée Bouchard-Lesieur et Aaron Pendleton, duo doué de quels moyens vocaux !) croiser les Humperdinckiens Hänsel (la mezzo Marie-Andrée Bouchard-Lesieur encore) et Gretel (Kseniia Proshina délicieuse également en Fée dans la "Cendrillon" de Massenet), sans oublier leurs irrésistibles compagnons, dont un improbable cosmonaute peut-être échappé de "La Bohème" de Claus Guth.

© Studio J'adore ce que vous faites.
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Citons aussi l'incroyable Timothée Varon, toujours excellent en père des enfants du délicieux opéra de Humperdick, Alexander York (beau baryton américain plein de verve), Fernando Escalona (un contre-ténor qui promet) entre autres. Les musiciens (et bons chambristes) font merveille, ainsi que les pianistes Okga Dubynska et Edward Liddell (ce dernier partageant la direction musicale avec Felix Ramos, talentueux auteur des arrangements).

Sous les belles lumières de Madjid Hakimi, le conte inventif et délicieux de Simon Valastro nous embarque sans peine. L'artiste milanais, par ses trouvailles constantes et ses idées frappantes, sait créer un espace mental, suggérer un climat et écrire pour la scène mille histoires en un conte plein d'autodérision, parfois émouvant et pourtant poreux aux accidents comme aux cauchemars. Belle idée : faire intervenir sur scène les techniciens de l'Académie : la costumière-habilleuse Marion Gautier et les maquilleurs-perruquiers Amélie Lorchel, Pacôme Malary. Tout juste regrettera-t-on les pieds nus (vrai cliché désormais sur scène) imposés aux personnages. Simon Valastro peut partir la tête haute vers de nouvelles aventures : il y aura d'autres fois.

© Studio J'adore ce que vous faites.
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C'era una volta
Opéra - Production de l'Académie
Donné le 30 juin 2021 à 20 h.
À l'Amphithéâtre Olivier Messiaen - Opéra Bastille, Paris 12e.

Simon Valastro, mise en scène, scénographie, dramaturgie et chorégraphie.
Chanteurs : Kseniia Proshina, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Ramya Roy, Fernando Escalona, Kiup Lee, Tobias Westman, Alexander Ivanov, Timothée Varon, Alexander York, Niall Anderson, Aaron Pendleton.
Musiciens : Yon Brakha, Roxanne Rabatti, Madeleine Rey, Johann Causse, Zi An Wu, Olga Dubynska, Edward Liddall, Félix Ramos.
Angelina Uliashova, costumes.
Madjid Hakimi, lumières.

>> operadeparis.fr

Christine Ducq
Samedi 3 Juillet 2021

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Concerts | Lyrique







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© Jean-François Delon.
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© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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Bruno Fougniès
15/10/2023