La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Festivals

Festival Trente Trente Deuxième semaine, trois lieux originaux, pas moins de dix propositions "renversantes"…

Sur l'esplanade des Terres Neuves de Bègles où "Un Chapiteau en hiver" dresse son imposante bâche, dans le bâtiment futuriste en pierre blonde de "La Méca" (abritant, depuis juin 2019, le prodigieux laboratoire de la Création Artistique en Nouvelle-Aquitaine) de Bordeaux, et enfin dans le très beau théâtre des Quatre Saisons de Gradignan doté d'une acoustique exceptionnelle, pas moins de dix performances à découvrir toutes aussi singulières que les lieux qui les accueillent.



"Pesadilla"

"Pesadilla" © Pierre Planchenault.
"Pesadilla" © Pierre Planchenault.
La soirée du 28 janvier, sous le grand chapiteau voué aux acrobaties, voit se succéder trois formes. Si ce qui les relie est incontestablement à chercher du côté des prouesses techniques des artistes circassiens qui les portent haut, les scénarios mis en jeu les distinguent avec, à la réception, des impressions différentes.

"Pesadilla", ou cauchemar en espagnol, exhibe les errements burlesques d'un être en quête d'une assise se dérobant à lui avec une application quasi obsessionnelle. Les séries des jetés au sol et reptations désarticulées, répétées à l'envi, font que ce cauchemar… laisse "rêveur".

Danse acrobatique somnambule.
Chorégraphie, concept, interprétation : Piergiorgio Milano.
Création lumière : Simone Fini.
Création sonore : Florent Hamon et Piergiorgio Milano.
Durée : 25 minutes.

"Zoog"

"Zoog" © Pierre Planchenault.
"Zoog" © Pierre Planchenault.
Signifiant couple en Hébreu, "Zoog"recrée sur piste les tensions, rapprochements, rejets, d'un couple à la ville où "l'amour et la haine" (titre de la psychanalyste Melanie Klein) ne sont que les deux versants du même défi amoureux. Avec complicité et naturel (pouvant paraître parfois un zeste construit), prenant appui sur leurs corps respectifs, ils enchaînent des acrobaties de haute voltige - de nature à susciter notre empathie tant leurs liens trouvent échos.

Danse acrobaties.
Chorégraphie et interprétation : Amir et Hemda.
Durée : 30 minutes.

"La mécanique des ombres"

"La mécanique des ombres" © Pierre Planchenault.
"La mécanique des ombres" © Pierre Planchenault.
"La mécanique des ombres"
En français dans le texte, elle se présente comme un laboratoire "aveugle" de l'altérité. En effet, trois danseurs, le visage dissimulé sous un bas noir, se lancent dans des explorations tous azimuts de l'autre, à la fois forme distincte et semblable à soi. La grande énergie développée les confronte, les sépare, les rassemble, pour construire un objet (certes) ambitieux.

Danse acrobaties.
Chorégraphie, mise en scène et interprétation : Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès.
Dramaturgie : Sara Vanderieck.
Création sonore : Christophe Ruetsch.
Création lumière : Pauline Guyonnet.
Costumes : Natacha Costechareire.
Durée : 25 minutes.

"L.A."

"L.A." © Pierre Planchenault.
"L.A." © Pierre Planchenault.
Les quatre propositions du 30 janvier au soir, accueillies dans le cadre à nul autre pareil de La Méca, convoquent les arts circassiens mais aussi ceux du cinéma revisité et de la musique chorégraphiée.

"L.A.", deux initiales magiques pour, sur les ailes du désir, être transportés au temple du cinéma qu'est Los Angeles. Hollywood et ses lettres géantes, le souvenir mythique de scènes cultes du septième art et de ses actrices et acteurs phares éblouissant nos nuits. Plongés dans la pénombre protectrice d'une salle obscure, nous laissons notre imaginaire flotter au gré des images colorées recomposées par Sonia Mikowsky, et projetées en live sur grand écran. Accompagnés de la voix chaude de François Sabourin soutenue par une musique créée à l'unisson, nous dérivons vers un ailleurs à la fois lointain et familier. Trip assuré…

Performance Concert.
Les Ateliers du Panorama/François Sabourin.
D'après "Flip-Book" et autres textes inédits de Jérôme Game.
Voix : François Sabourin.
Son : C_C.
Image : Sonia Mikowsky.
Durée : 30 minutes.

"Je pars demain"

"Je pars demain" © Pierre Planchenault.
"Je pars demain" © Pierre Planchenault.
Un beau titre pour un jeune circassien plein d'envies… "Rêver un impossible rêve Porter le chagrin des départs Brûler d'une possible fièvre Partir où personne ne part…", hurlait merveilleusement Jacques Brel dans "La Quête de l'Homme de la Mancha", tant la brûlure du désir, pour lui, était nécessité palpable. Ici, accroché au mât (chinois) de son bateau ancré lourdement au sol, le circassien s'épuise en jetés dynamiques… qui tombent in fine à plat. Certes la générosité existe, mais l'objet de la quête mériterait d'être plus audible.

Création Mât chinois.
Textes originaux : Samuel Rodrigues.
Accompagnement artistique : Jean-Luc Terrade.
Construction structure : Sylvain Rizzello - Cie Main de bois.
Production déléguée : Cie les Marches de l’Été.
Durée : 25 minutes.

"Le jour de la nuit"

"Le jour de la nuit" © Pierre Planchenault.
"Le jour de la nuit" © Pierre Planchenault.
Une invitation à un parcours chorégraphié entre ombres et lumières. Si le mystère du cheminement suivi peut parfois déconcerter, on saisit aux traits du visage et aux mouvements parfois heurtés du corps du danseur, qu'il y a là traces d'un passé… ayant du mal à passer en lui. La composition musicale, portée par une drôle de guitare à deux manches aux cordes pincées par un virtuose inspiré, distille… une "musique de rêves".

Création Danse.
Production artistique : Compagnie Hara.
Chorégraphie et danse : Patrick Haradjabu.
Composition musicale : Rodriguez Vangama.
Création lumière : Fabrice Barbotin.
Durée : 30 minutes.

"Équilibre Précaire"

"Équilibre Précaire" © Pierre Planchenault.
"Équilibre Précaire" © Pierre Planchenault.
Réinventer le temps… pour tenter de mieux le maîtriser. Si dans ses "montres molles", le peintre Salvador Dali créait des images mentales propres à liquéfier la suprématie de Chronos dévorant les existences, le circassien Floris Bosser s'emploie, lui, avec une application d'horloger dont rien ne semble pouvoir enrayer le cours, à se mesurer grandeur nature à la gigantesque pendule du Temps. Au centre d'un cadran marqué par douze balles lumineuses, il arpente, monte et remonte un mât chinois, une balle suspendue en équilibre improbable sur sa tête, poses statiques défiant les lois de l'équilibre élémentaire. Et s'il n'arrive pas à suspendre le temps, unique angoisse de l'Homme, son corps ne faisant qu'un avec sa petite balle transcende superbement les lois de la gravité terrestre.

Jonglage Mât chinois.
De et avec : Floris Bosser (Collectif Tarabiscoté).
Musique : Benjamin Ducroq.
Lumière et accompagnement artistique : Jean-Luc Terrade.
Durée : 15 minutes.

"Les gens assis par terre"

"Les gens assis par terre" © Pierre Planchenault.
"Les gens assis par terre" © Pierre Planchenault.
Enfin, pour clore dans l'originalité absolue un festival peu commun, la soirée du 31 s'offre la scène labellisée musique du Théâtre des Quatre Saisons pour trois prestations "uniques".

"Les gens assis par terre" nous laissent nous aussi un peu "sur notre cul"… non pas que cette installation sonore et visuelle qui se donne à entendre et à voir dans la semi-pénombre ne crée pas une atmosphère propice à déclencher les rêves lucides chers à Alejandro Jodorowsky, mais parce que, à force d'allusions réitérées, la gratuité des propositions sonores et écrites frôle une certaine vacuité peu propice au déclenchement du "dé-lire" recherché.

Installation sonore et visuelle.
Pièce sonore et musique de Dominique Petitgand.
Avec la participation de Dominique Ané (voix) et de Marc Sens (guitare électrique).
Durée : 35 minutes.

"Wherever the music takes you II"

"Wherever the music takes you II" © Pierre Planchenault.
"Wherever the music takes you II" © Pierre Planchenault.
"Wherever the music takes you II" est sans doute l'une des propositions les plus "borderlines" de ce festival - qui en compte un certain nombre - tant la richesse explosive de ce duo, constitué d'une créature Bibendum danseuse marionnette enfarinée mue par des fils invisibles la reliant aux touches d'une pianiste déchaînée utilisant son instrument de manière pour le moins iconoclaste (douces caresses alternant avec des percussions violentes), a de quoi… "dé-concerter". Ce concert chorégraphié impromptu donné dans un décor baroque projetant à l'envi de l'"inouï", du "non vu", et pulsant du classique, du punk, avec la même énergie, ne peut laisser de marbre. On en sort étourdis, éblouis, voire pour certains excédés… ce qui confirmerait tout l'intérêt de cette performance génialement dérangeante.

Performance.
Chorégraphie et interprétation : Ayelen Parolin.
Création musicale et interprétation : Lea Petra.
Assistant chorégraphe : Marc Iglesias.
Lumière et conception de l'espace : Laurence Halloy.
Dramaturgie : Olivier Hespel.
Costumes : Marie Artamonoff et Ayelen Parolin.
Durée : 25 minutes.

"Accordéologie"

"Accordéologie" © Pierre Planchenault.
"Accordéologie" © Pierre Planchenault.
À prendre comme le bouquet final du festival. Faisant corps avec son accordéon dont il tire à peu près tout ce qu'il veut, ce troubadour des temps modernes, arrivé miraculeusement d'Ajaccio (!) jusqu'à nous - juché sur un vélo retardé par les neiges… -, transcende les genres musicaux pour en offrir la quintessence ô combien énergisante. Ce doux rêveur qui annonce son nom - Arnaud Méthivier dit Nano - sait d'emblée créer l'empathie avec son public se laissant avec envie embarquer par les rythmes fous de l'électro, du rock, du classique ou du jazz, du tango ou de la valse, peu importe pourvu qu'on ait l'ivresse… Quant à sa voix, elle n'a rien à envier à celle d'un chanteur d'opéra. Une fin… enchanteresse.

Concert.
Conception et interprétation : Arnaud NANO Méthivier.
Durée : 30 minutes.

La deuxième semaine du Festival Trentre Trente s'est déroulé sur trois lieux :
"Un Chapiteau en hiver", esplanade des Terres Neuves à Bègles, le 28 janvier 2020 ;
La Méca, Bordeaux, le 30 janvier 2020 ;
Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan, le 31 janvier 2020.

>> Plus d'infos sur Trente Trente

Yves Kafka
Dimanche 9 Février 2020

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024