La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Bronx"… Entre crime et droiture, il lui faudra choisir…

"Bronx", Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris

Dans un magnifique seul en scène, Francis Huster évoque un quartier du Bronx avec ses personnages et ses intrigues. Le metteur en scène Steve Suissa s'appuie sur le talent du comédien pour faire vivre l'intimité d'un réseau de relations où le crime se dispute à la droiture.



© Brigitte Enguerand.
© Brigitte Enguerand.
Il est sur le plateau avec, pour décor, une porte qui mène, face au public, à un rideau où se réalise derrière parfois un jeu d'ombres et de lumières. L'entame du spectacle, dès les premières secondes peut laisser perplexe car Francis Huster attaque frontalement un personnage avec une voix marquée, presque enveloppée de roublardise.

Mais cette rapide mise en route est nécessaire pour planter le décor, celui du quartier peu recommandable de Fordham. Un nid à pègres où la présence humaine, malicieuse et en dehors de toute vertu, est avant tout physique. Ce rapport au corps est primordial pour installer une atmosphère où la franchise, le cynisme, la violence et le contact, rugueux, tiennent lieux de boussoles.

L'approche corporelle et la voix sont ainsi des aiguillons délimitant un périmètre scénique à chaque protagoniste. Ils existent car ils sont incarnés par celles-ci ainsi que par une attitude et une gestique. Il s'agit de marquer un territoire où une rue et un ensemble de pavés peuvent être sous l'autorité d'une bande ou d'un chef. Sur les planches, cet univers est transposé dans des ruptures de jeu où l'acteur déploie avec talent un monde où les personnages, dix-huit au total, défilent. Celles-ci deviennent un axe fondamental dans la mise en scène de Steve Suissa.

© Brigitte Enguerand.
© Brigitte Enguerand.
La performance reste exceptionnelle, basculant d'un caractère à un autre en une fraction de seconde, avec un organe vocal et l'ensemble du corps qui nous fait voyager dans un espace de jeu, autre car toujours changeant, et un espace-temps qui s'étire sur une durée où seuls les événements tiennent lieu d'horloge. Il y a une confrontation entre les protagonistes, teintée parfois d'amitié. Les attitudes font écho à un propos, une réplique qui répond à un événement ou des gestes qui font office d'accord ou de refus.

Les ruptures donnent du rythme, du relief à une représentation où les déplacements restent rares, délimités à un espace réduit. Francis Huster a ainsi un rapport intime avec le public même si celui-ci peut être, à dessein, brutal parfois. Les discussions, voire la confidence, sont tout autant de la partie.

"Bronx" a été la source d'inspiration du premier film réalisé par Robert de Niro, "Il était une fois le Bronx" ("A Bronx Tale", sortie en 1993), dont Chazz Palminteri était le scénariste (l'histoire était l'adaptation d'une des pièces de ce dernier qui retraçait sa vie). En 2012, Francis Huster et Steve Suissa avaient déjà créé "Bronx" et c'est dans ce superbe remake qu'est contée la vie, entre autres, de Sunny et Cologio. Que va choisir ce dernier ? Une vie de malfrats où on se parfume au crime, ou une vie familiale faite de droiture ?

"Bronx"

© Brigitte Enguerand.
© Brigitte Enguerand.
Texte : Chazz Palminteri.
Adaptation : Alexia Perimony.
Mise en scène : Steve Suissa.
Assistante à la mise en scène : Stéphanie Froeliger.
Avec : Francis Huster.
Décor : Jean Haas.
Son et musique : Maxime Richelme.
Lumières : Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos.
Vidéo : Antoine Manichon.
Images : Gad Bensimon.
Durée : 1 h 15.

Du 16 avril au 7 juillet 2019.
Du mardi au samedi à 21 h, dimanche à 15 h.
Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris 6e, 01 45 44 50 21.
>> theatredepoche-montparnasse.com

Safidin Alouache
Lundi 6 Mai 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024