La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Au Banquet de Gargantua", suivre les cycles naturels du désir, de la jouissance, de la satiété

"Au Banquet de Gargantua", en tournée

C'est à Brioux, un festival au village, par le village, pour le village. Un village heureux d'accueillir des artistes qui s'y trouvent bien et des visiteurs venant de l'extérieur. Pour la trentième édition, un long prologue a été comme une joyeuse mise en abyme du festival lui-même.



© Didier Goudal.
© Didier Goudal.
Aymeri Suarez-Pazos (avec sa Compagnie des Puys) entend partager le goût des mots, le goût des mets, le goût des êtres, et rend hommage à François Rabelais, grand médecin, écrivain philosophe, et propose la tenue d'un banquet en l'honneur de Gargantua héros célèbre et méconnu.

Pantagruel, le père, préside avec toute sa faconde et invite à sa table un récitant, des musiciens, des chanteurs, des comédiens, des convives venus pour l'art, avec, au service de ses hôtes d'un soir, son panetier, ses échansons, le ballet des serviteurs et, en vis-à-vis, le traiteur du village muni de ses tranchoirs qui attaque son jambon au bouillon.

L'ordonnancement séquence la prise de victuailles et le récit. Le repas avance par le menu. Comme en entremets des intermèdes musicaux, des récits, des saynètes alternent qui illustrent des épisodes de la vie de Gargantua.

De sa naissance tumultueuse, de nourrisson jouisseur, de l'étudiant farceur à Paris, de guerrier valeureux et vainqueur de la guerre des fouaces picrocholines, du prince élégant tolérant et humaniste qu'il devient.

© Didier Goudal.
© Didier Goudal.
Et tout cela à suffisance, sans excès, ni goinfrerie dans le grand respect des principes de son auteur.

Rabelais a le sens du bien-être et de la bonne chère. Et les mots plaident la liberté. La tolérance. Avec ferveur. Goulûment. Dans la créativité, la crudité, l'opulence. L'auteur ne rechigne pas au merveilleux, au scabreux, au picaresque, aux envolées chevaleresques, à la gravité. Les mots ont l'esprit joyeux. À suffisance pour une pensée heureuse. L'œuvre, suivant en cela des cycles naturels du désir, de la jouissance, de la satiété, de la f(a)in(m), n'est pas exempte de mélancolie.

Ce banquet est vraiment délicieux.

Vu lors du Festival au village, à Brioux-sur-Boutonne (Deux-Sèvres), qui s'est déroulé du 6 au 13 juillet 2018.

"Au Banquet de Gargantua"

© Didier Goudal.
© Didier Goudal.
Écriture originale d'après l'œuvre de François Rabelais.
Écriture, mise en scène : Aymeri Suarez-Pazos.
Musique : Charlène Martin.
Avec : Aymeri Suarez-Pazos, Jacques Tresse, Eric Chaussebourg et Jean-François
Lapalus (ancien Pensionnaire de la Comédie Française).
Chanteuses : Charlène Martin, Bérengère Suarez-Pazos.
Musicien : Emmanuel Gaydon.
Chef gastronomique : André Point avec les artisans de bouches de la commune.
Création lumières : Philippe Quillet.
Création costumes : Alexandrine Brisson.
Botanique : Monique Curtat.
Compagnie des Puys.
Durée : 4 h.

Tournée
19, 20 , 21, 26, 27, 28 juillet 2018 : Au Jardin Public/Théâtre Charles Trenet, Chauvigny (86).
2 août 2018 : Festival d'été, Association Ah !, Parthenay (79).
4 août 2018 : Festival d'été, Association Ah !, Saint-Loup (79)
2 novembre 2018 : Festival de l'Escabeau, Briare (42).
5 février 2019 : Université de Poitiers (86).
8 février 2019 : Espace Tartalin/La Maison pour tous, Aiffres (79).
5 mai 2019 : Cap cavale, Penmar'ch (29).

Jean Grapin
Mardi 17 Juillet 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024