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Festivals

Eldorado, un festival pour et par les adolescents de Lorient

C'est la sixième édition de ce festival organisé par le Centre Dramatique National de Lorient. Après deux années d'absence pour la raison que vous connaissez, le rendez-vous annuel a pu avoir lieu du 26 au 30 avril. Un rendez-vous entièrement tourné à ce vaste âge qu'est le passage de l'enfant à l'adulte qui propose une programmation dédiée, mais qui est aussi l'occasion de présenter la restitution de spectacles impliquant directement la jeunesse Lorientaise.



"Errance" © Enzo Berthier Klapp.
"Errance" © Enzo Berthier Klapp.
Une participation artistique, encadrée par des professionnels et des associations donc, mais aussi une participation logistique, un engagement dans l'organisation même des événements où les jeunes prennent une part importante. L'occasion pour eux de s'immerger dans les rouages de la production d'événements, la gestion de spectacles et la mise en œuvre de différents forums qui forment le fond du festival Eldorado. Rencontres professionnelles, débats, mises à disposition de structures pour les associations de toutes sortes s'ajoutent à la programmation d'une dizaine d'événements théâtre, danse ou musique.

Le Théâtre de Lorient, dirigé par Rodolphe Dana, accueille ainsi tout au long de la journée des discussions, stages, rencontres autour des métiers du spectacle en plus d'une programmation artistique qui mêle spectacles professionnels invités et spectacles créés pour l'occasion par les jeunes comédiens amateurs Lorientais. Nous avons vu deux de ces créations. L'une sous l'égide du Stage Ado a été menée par Marie-Hélène Roig, artiste du Collectif Artistique : "Errance" en est la restitution. Le second, "Et nos enfants seront des philosophes rois", mis en scène par Antoine Kahan, fait appel à neuf enfants et adolescents de 11 à 18 ans.

"Errance" se déroule sur la vaste mezzanine qui entoure, comme une large coursive, le hall du Théâtre de Lorient. Dans un angle, un comptoir de buvette, des fauteuils clubs et des tables basses au premier plan et, au lointain, des fenêtres, donnant sur l'extérieur et aussi, invisible, un escalier descendant, un décor d'espace vide que les onze comédiennes et comédiens du Stage Ado vont transformer en coin de hall d'aéroport. C'est là que leur imagination nous transporte vite. Lieu de rencontres improbables, de transit, où la contemplation devient un sport de combat, lieu où se croisent indifféremment employées des compagnies, langages énigmatiques, rituels étranges, voire phantasmes égarés.

Visuel Festival Eldorado © Aglaé Bory pour le Théâtre de Lorient.
Visuel Festival Eldorado © Aglaé Bory pour le Théâtre de Lorient.
C'est à partir d'improvisations faites lors de quelques ateliers que ce spectacle a été conçu, inventé et écrit par ces jeunes comédiens en herbe sous la supervision de Marie-Hélène Roig, et le résultat est bluffant. Fait de courtes scénettes parlées, mais aussi de passages muets, voire chorégraphiés, théâtralement chorégraphiés, "Errance" développe une sorte d'impossibles échanges, d'impossibles dialogues, sur fond d'absurde, de dérision et d'humour profond. Une belle performance que de présenter une douzaine de personnages à la fois baroque, touchant, un peu fou, d'où émerge une solitude comique étonnante.

"Et nos enfants seront des philosophes rois" est d'une tout autre facture. Présentée sur la grande scène du CDN de Lorient, avec toute la technique possible de décors, de mise en lumière, de son, de vidéo, cette pièce a l'allure des grandes productions théâtrales. Douze interprètes au plateau pour cette pièce librement inspirée du film "Captain Fantastic" de Matt Ross dont neuf jeunes dont l'âge va de 11 à 22 ans pour incarner les enfants présents dans cette histoire de retour à la nature.

C'est le récit d'un couple qui décide d'élever leurs six enfants dans la forêt, totalement éloigné de toute vie sociale mais enrichie de la proximité avec la nature et de l'étude des grands philosophes, des grands textes, des grandes sciences. La pièce commence juste après le décès de la mère, lorsque la famille de celle-ci cherche à faire réintégrer ces enfants dans la société. Elle raconte la lutte entre ces deux choix, ces deux univers.

Dirigé par Antoine Kahan, ce spectacle très ambitieux nous fait découvrir les belles énergies et la belle rigueur de tous ces enfants comédiens. Mais le rythme pâtit souvent de longueurs un peu inutiles et de répétitions qui auraient pu être coupées à l'adaptation.

Dans les autres spectacles programmés lors de cette édition, à noter "Robins - Expérience Sherwood" par Le Grand Cerf Bleu, vu au théâtre 13 Bibliothèque, "Ne pas finir comme Roméo et Juliette" de Métilde Weyergans et Samuel Hercule, et "La chanson [reboot]", mise en scène de Tiphaine Raffier.

>> Lire aussi "Robins - Expérience Sherwood" Une lecture écologiste de la figure de Robin des Bois

"Et nos enfants seront des philosophes rois" © Agathe Poupeney.
"Et nos enfants seront des philosophes rois" © Agathe Poupeney.
Festival Eldorado 6e édition
Un festival par et pour la jeunesse. Temps fort du Théâtre de Lorient.
Il s'est déroulé du 26 au 30 avril 2022.


"Errance"
Mise en scène Marie-Hélène Roig.
Écriture collective et jeu : Marie Le Guellec, Bertille du Boucher, Lucie Lebas, Lola Goapper, Cyann Volson, Eduart Doda, Ivan Duval, Ewen Averty Le Bloa, Romane Togni, Anaëlle Brossard, Valentin Jezequel, Léah Menard.
Chorégraphie : Fabrice Dasse.
Scénographie : 404 - Collectif d'artistes plasticiennes lorientaises (Léa Vitally, Aurore Le Saux, Maïwenn Bouffos, Lorène Rouleau).

"Et nos enfants seront des philosophes rois"
Mise en scène : Antoine Kahan.
Adaptation : Antoine Kahan et Valérie Sigward.
Collaboration artistique : Valérie Sigward.
Avec : Mélan Auffret, Cécile Bikoï, Léonard Blais, Charlotte Bonnaffons, Jeanne Chavrial, Julien Chavrial, Camille Coatrieux, Rodolphe Dana, Elio Kerijaouen, Axel Lemaire, Yann Pompidou, Gustave Rivoallon Rose.
Composition et accompagnement musical : Yann Pompidou.
Scénographie : Karine Litchman.
Lumières : Jérôme Le Dimet.
Son : Yannick Auffret.

Bruno Fougniès
Mercredi 4 Mai 2022

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023