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Théâtre

Xavier Gallais, comédien non apprivoisé (2e partie - Fin)

"Faim", Le Lucernaire, Paris

Deuxième partie de notre entretien avec Xavier Gallais qui incarne, jusqu’au 25 septembre au Lucernaire, le narrateur-personnage de "Faim", dans un spectacle adapté du roman de Knut Hamsun. Le comédien nous confie son désir d’ouvrir de nouveaux horizons dans sa relation avec le spectateur.



© Fabien Pio.
© Fabien Pio.
Quand je vous ai vu lors de la première, le 26 août, deux mots se sont imposés à moi : intelligence avec le spectateur et grande précision du jeu dans ce dispositif.

Xavier Gallais - Précision et Interaction ? Oui. La précision, c'est ma quête du détail. Je suis quelqu'un de très précis, je crois, dans le travail en amont du spectacle. Et je joue souvent dans de grands espaces où il faut élargir. Au Lucernaire, avec ce désir de proximité avec le spectateur, j'avais envie de ciseler là où je sculpte peut-être d'habitude plus au burin.

Cela fait un moment que j'expérimente tous les soirs la faculté de rendre le spectateur le plus actif possible, d'activer son imaginaire et qu'il ne soit pas seulement dans la position de celui qui reçoit. Avec "Faim", j'essaie donc d'être à l'écoute pour l'accompagner chaque soir et qu'on fasse le voyage ensemble. Il faut ouvrir les sens tout le temps et c'est un vrai travail, quoique moins visible.

© Isabelle Nègre.
© Isabelle Nègre.
Est-ce dans cet esprit que vous avez choisi de bouleverser la structure du roman dans votre adaptation ?

Xavier Gallais - Oui. Avec Florient Azoulay nous souhaitions rendre le texte plus théâtral, plus efficace scéniquement. Nous avons réduit la chronologie des événements en un jour et un nuit pour précipiter la chute du personnage puis réécrit quelques épisodes dans un ordre différent. Nous avons dû effectuer des coupes franches aussi et avons donc créé une autre œuvre inspirée de nos rêves sur le roman.

Comment avez-vous construit le personnage ?

Xavier Gallais - J'ai axé mes recherches sur un jeu d'acteur qu'on pourrait rapprocher d'un mouvement pictural. Pour moi ce jeu serait proche du travail de Francis Bacon ou peut-être cubiste. J'ai fait du personnage un portrait explosé comme l'est sa conscience. Il s'agit de s'attarder là encore sur des détails : l'œil, la joue, puis coller à son instinct animal de survie, voir ses réactions dans la société, son mal physique et métaphysique. Notre adaptation est forcément resserrée, concentrée sur l'expérience de la faim par un jeune artiste qui doit trouver sa place dans le monde et réussir à écrire. Fuir la réalité pour développer son imaginaire : c'est la métaphore pour moi de l'acte théâtral et artistique.

J'ai trouvé que vous aviez fait le choix pour ce spectacle de l'économie de moyens, de la sobriété, de la douceur.

Xavier Gallais - Oui, de la tendresse.

Même l'utilisation de votre voix - si musicale - est différente. Vous jouez moins sur l'étendue de sa tessiture.

Xavier Gallais - Pour moi une pièce est un voyage. Tout ce que je peux utiliser comme instruments - le corps, la voix, l'espace - sert à embarquer le spectateur. C'est vrai qu'ici je suis physiquement contraint dans un espace réduit.

Cette contrainte, ce jeu intériorisé dans "Faim" permettent d'autant plus le surgissement d'une émotion très forte.

Xavier Gallais - Oui. Il était hors de question pour Arthur Nauzyciel et moi de présenter un personnage en haillons devant un mur décrépi. Pas de cris non plus ni des chuchotements qui sont dans le roman. Le spectateur ne doit pas être en position agréable de voyeur mais être dans le mouvement. Pour moi, il s'agit d'assumer cette parole de poète. Celui qui sait avant les autres et qu'on considère comme fou alors que c'est le clairvoyant.

En ce moment, j'ai envie de la douceur, de la sérénité pour un théâtre, un art qui a des choses à dire que la télévision, le monde du travail, le monde de la politique et la société ne peuvent plus nous dire aujourd'hui. Oui je ressens le besoin de consoler.

Entretien réalisé le 4 septembre 2015.

"Faim"

© Isabelle Nègre.
© Isabelle Nègre.
Texte : Knut Hamsun.
Mise en scène : Arthur Nauzyciel.
Adaptation théâtrale : Florient Azoulay et Xavier Gallais.
Traductions : Régis Boyer et Georges Sautreau.
Avec : Xavier Gallais.
Collaboration artistique : Florient Azoulay.
Scénographie : Giulio Lichtner.
Mouvements : Damien Jalet.
Son : Xavier Jacquot.
Costume : Gaspard Yurkievich.
Durée : 1 h 20.

Du 26 août au 25 septembre 2015.
Du mardi au samedi à 21 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

"Étude de fesses"
Tetxtes : Xavier Gallais et le Projet Bloom.
Conception : Florient Azoulay.
Collaboration artistique : Colin Roche.
Avec : Xavier Gallais.
Soprano : Raquel Camarinha.
Guitare : Christelle Séry et Margot Fontana.
Durée : 1 h 40.

Du 30 septembre au 16 octobre 2015.
Du mardi au samedi à 21 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34

"Splendid's"
Spectacle anglais surtitré en français.
Texte : Jean Genet.
Traduction anglaise : Neil Bartlett.
Mise en scène : Arthur Nauzyciel.

Du 20 au 26 mars 2016.
Théâtre de la Colline, Paris, 20e, 01 44 62 52 52.

Christine Ducq
Samedi 12 Septembre 2015

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© Jean-François Delon.
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Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

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