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Lyrique

Une rentrée qui a de la classe pour les jeunes artistes de l'Académie de l'Opéra de Paris

Rentrée des classes pour les 23 jeunes artistes et les 13 artisans d'art de l'Académie. Avec un premier concert très prometteur d'une équipe presque entièrement renouvelée, la saison s'ouvre sous de bons auspices.



"La Chauve-souris" (2018-2019) © Elizabeth Carecchio/OnP.
"La Chauve-souris" (2018-2019) © Elizabeth Carecchio/OnP.
Transmission, formation et création sont les maîtres mots de la mission que s'est donnée l'Académie de l'Opéra de Paris depuis 2015 - poursuivant celle de l'Atelier Lyrique - en empruntant d'autres chemins (pour notre époque). Il s'agit avant tout de transmettre aux jeunes générations de spectateurs l'amour du spectacle, du concert, de la danse et de l'opéra ; de former les artisans et les artistes en début de carrière en leur donnant de surcroît l'opportunité de participer aux nouvelles productions mais aussi de spectacles créés spécialement pour eux.

Après leur résidence, ils sont invités pendant plusieurs années à participer aux productions de l'Opéra de Paris ; ils ont aussi souvent l'opportunité d'intégrer des institutions prestigieuses. Récemment d'anciens résidents, le violoniste Marc Desjardins et la violoncelliste Hsing-Han Tsai, viennent d'être recrutés par l'orchestre de l'Opéra. Tandis que la violoniste Louise Grindel et l'altiste Élodie Laurent sont partis respectivement au Philharmonique de Radio France et à l'Orchestre national de France.

Pour les 350 ans de la Grande Boutique, le public retrouvera ainsi dans les productions phares de la saison d'anciens académiciens qui se sont fait un nom depuis leurs années de résidence : Stanislas de Barbeyrac, Florian Sempey, Alexandre Duhamel ou encore Aude Extrémo - pour ne citer que ces chanteurs français de grand talent. Mais aussi ces jeunes pousses nouvellement reçues à Paris. Il s'agit en effet de permettre à une quarantaine de jeunes de moins de trente ans (parfois à peine âgés de vingt ans) de fourbir leurs armes en concert, dans une masterclasse avec le baryton Ludovic Tézier, mais aussi en ateliers d'apprentissage aux disciplines décloisonnées.

Concerts d'ouverture de la saison 2019-2020 © Studio J’adore ce que vous faites.
Concerts d'ouverture de la saison 2019-2020 © Studio J’adore ce que vous faites.
Les artisans ne sont donc pas en reste. Ayant appris des savoir-faire traditionnels pendant leur résidence tels que la fabrication de décors, de costumes, de perruques, etc., ils voient facilitée leur entrée dans la vie professionnelle. Quatre d'entre eux (Maxime Darwich, Astrid Noël au bureau d'études ; Gautier Dragna, menuiserie ; Céline Picavet à l'atelier perruques-maquillage) n'ont-ils pas été récemment recrutés par l'Opéra de Paris ? Le metteur en scène choisi cette année pour une carte blanche est Pascal Neyron. Il pilotera un workshop de mise en scène autour des grandes séductrices du répertoire. Ce travail se mesurera le 27 juin 2020 à l'Amphithéâtre Bastille.

L'équipe des chanteurs de l'Académie a donc changé en cette rentrée de septembre. Cependant trois artistes de la saison précédente sont encore là. Au concert d'ouverture du 19 septembre, le public a été ravi de retrouver le baryton Timothée Varon, excellent Gabriel von Eisenstein dans "La Chauve-Souris" de J. Strauss Fils (opérette donnée la saison dernière à la MC93). Le baryton breton s'est encore révélé dans toute sa faconde et son sens inné de la scène en Figaro (rossinien) avec un métier déjà sûr - dans son duo avec la Rosina de la mezzo Ramya Roy. Cette dernière est une brillante chanteuse indienne qui a fait forte impression aussi dans le duo de l'Air des Clochettes (de "Lakmé") avec la - déjà remarquable - soprano Ilanah Lobel-Torres, par ailleurs une piquante Susanna mozartienne.

Artistes et artisans d'art en résidence, saison 2019-2020 © Studio J’adore ce que vous faites
Artistes et artisans d'art en résidence, saison 2019-2020 © Studio J’adore ce que vous faites
En plus de la très jeune soprano russe Liubov Medvedeva, le public a retrouvé le baryton américain Alexander York (déjà remarqué l'an dernier) incarnant un Papageno de belle facture tant dans "Der Vogelfänger bin ich ja" que dans son duo avec la Pamina de Ksenia Proshina - une soprano russe nouvellement arrivée au beau timbre rond et chaleureux. Une chanteuse par ailleurs très émouvante dans le fameux air déplorant la perte de l'amour de Tamino à l'acte II de "La Flûte enchantée". Parmi les jeunes chanteurs sélectionnés cette saison, notons l'arrivée pour la première fois d'un contre-ténor dans l'équipe, le vénézuélien Fernando Escalona, formé par El Sistema d’Orchestras et par le Centre de Musique Baroque de Versailles.

Outre les ténors Ki Up Lee et Tobias Westman, la Comtesse (des "Noces de Figaro") d'Andrea Cueva Molnar et la "Reine de Saba" de Gounod incarnée par la mezzo française Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (impressionnante Balkis dans "Me voilà seule enfin !") ont joliment aimanté l'intérêt et le plaisir de l'auditoire. Tous ont été accompagnés par de jeunes musiciens et pianistes non moins engagés. Nous a été donné d'entendre en tout cas de jeunes talents à suivre assurément, qui s'envoleront pour une tournée en Chine en novembre.

Prochains spectacles de l'Académie
À l'Amphithéâtre Bastille :

8 octobre 2019 : Masterclasse de Ludovic Tézier.
5 novembre 2019 : Concert Mahler, Strauss, Britten.
À partir du 29 novembre 2019 : "Bastien, Bastienne" (Mozart).
30 janvier 2020 : Récital d'Angélique Boudeville (ancienne académicienne).
18 mars 2020 : Concert Monteverdi, Rossi, Haendel.
29 avril 2020 : Concert de musique de chambre.
28 mai 2020 : Récital augmenté.
Théâtre de Suresnes Jean Vilar :
17 mai 2020 : Concert Offenbach, Messager, Hahn.
Palais Garnier :
28 février 2020 : Concert de Gala.
À partir du 20 janvier 2020 : "L'Après-midi d'une faune - L'Enfant et les sortilèges" (Debussy, Ravel).
Résidence de l'Académie de l'Opéra de Paris à Evian, dans le cadre du Festival Voix d'Automne de la Grange au Lac :
19 octobre 2019 : "Don Quichotte".
20 octobre 2019 : Récital "Un Siècle de tragédie lyrique".
>> operadeparis.fr

Christine Ducq
Vendredi 27 Septembre 2019

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Concerts | Lyrique







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023