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Théâtre

Une grande clameur, comme une pulsation... un théâtre du réel

"La Grande clameur", Maison des Métallos, Paris

En 1992, la manufacture de tabacs de Pantin était dynamitée et, d’une certaine manière, avec elle partait en fumée tout une mythologie ouvrière qui anima la politique, la littérature et le cinéma.



© Antonin Étard.
© Antonin Étard.
Dans "La Grande clameur", Jean-Louis Heckel décrit la journée particulière d’un ouvrier retraité de 68 ans, François Colonge. C’est le jour de la démolition de cette ancienne usine, son usine de laquelle il se sent totalement étonnamment dépris. Cet ouvrier, qui avait eu à cœur la belle ouvrage et l’avait clamé fort, avait quitté la scène depuis longtemps. Comme s’il s’était dissous et son histoire avec lui dans l’indifférence de la rue.

La marionnette qui représente François Colonge est hyper réaliste et apparemment inexpressive. Portée par l’art théâtral déployé, elle échappe à l’artifice et vit une étrange trajectoire. Au fur et à mesure que le personnage fond dans l’oubli, le spectateur entre dans une forme d’empathie, ressent la montée d’une intimité, jusqu’à éprouver comme une hallucination. Celle que le spectateur éprouve dans la vraie vie en retrouvant un ami, anonyme dans la ville. Interpellation du cœur.

Cet effet témoigne de la part de Jean-Louis Heckel et de ses compagnons d’un bien belle maîtrise de leur art marionnettique.

Car le dispositif de jeu avec son castelet tournant, sa table de bruitage, ses projections vidéo met tout à nu. Ses acteurs qui, tout en portant la parole et ses affects, jouent les utilités et les transitions. Ils sont comédiens, musiciens, manipulateurs...

"La Grande clameur" dans une manière gigogne pose les termes de l’effacement insensible des repères et de leur réactivation. Par cette proposition de théâtre de marionnettes attentive au personnage et au public, Jean-Louis Heckel invente une forme de théâtre du réel. Ni lyrique ni poétique, ce réel se situe à cet instant précis où s’évaporent les événements et se concentre le récit. Une pulsation.

"La Grande clameur"

© Antonin Étard.
© Antonin Étard.
Création pour comédiens, marionnettes et théâtre d’objets.
Dans le cadre de "(be)au boulot ! : un mois pour questionner le travail !"
Texte et mise en scène : Jean-Louis Heckel.
Jeu et écriture scénique : Pierre Bernert, Baptiste Étard, Claire Perraudeau.
Scénographie : Baptiste Étard.
Construction décor : Antonin Étard, assisté d’Alexandre Vincent.
Création et régie lumière : Julien Paulhiac.
Création sonore : Pierre Bernert.
Construction marionnettes : Carole Allemand, Éric Deniaud, Sébastien Puech.
Durée : 1 h 05.
Remerciements à Bertrand Page pour son témoignage.
Production La Nef – Manufacture d’utopies, avec le soutien de la Maison du Geste et de l’Image à Paris.

Spectacle du 29 mars au 8 avril 2012.
Du mardi au vendredi à 20 h, samedi à 19 h, dimanche à 16 h.
Tous publics à partir de 12 ans.
Maison des métallos, Paris 11e, 01 48 05 88 27.
>> maisondesmetallos.org
>> la-nef.org

Jean Grapin
Lundi 2 Avril 2012

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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© Philippe Hanula.
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