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Concerts

Une Folle Journée toujours plus folle

Au soir de cette cinquième journée de La Folle Journée de Nantes, c’est l’heure du bilan et il est excellent. Avec plus de 350 concerts donnés dans les Pays de la Loire et à Nantes, un public toujours plus nombreux a fait honneur aux "Passions de l’âme et du cœur", thème de cette 21e édition.



© DR.
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La Folle Journée est bien un des plus importants festivals français. Plus de 170 000 billets disponibles aux prix les plus serrés - dont 154 000 délivrés c'est-à-dire 10 000 de plus que l'an dernier - pour 350 concerts payants et trente-et-un concerts gratuits font de la manifestation un rendez-vous populaire réussi autour de la musique classique. Plus de 57 000 spectateurs ont accouru pour la douzième édition en région. Ce qui fait un bien fou en ces temps où force est de constater que le public du classique vieillit allègrement (l'âge moyen du spectateur est passé depuis les années quatre-vingt de trente-cinq à plus de soixante ans !).

Mais La Folle Journée ne connaît pas la crise et son esprit généreux a fait accourir des foules impressionnantes - faisant la queue devant les salles avec une discipline et une patience qui forcent le respect - composées de jeunes, de moins jeunes et d'une diversité sociale qui fait plaisir. Parmi les mille huit cents artistes invités, nombreux seront ceux qui vous loueront l'esprit humaniste de son directeur artistique René Martin. Vingt concerts hors les murs - en prison, à l'hôpital, en maisons de quartier - ont donc logiquement été organisés.

© DR.
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De grands noms venus d'Europe et d'Asie côtoient de jeunes artistes et des révélations pour une série de concerts à géométrie variable : symphonique, chambriste ou soliste. On se souviendra de la bouleversante prestation du Sinfonia Varsovia de la Symphonie n°3 de Gorecki - un hommage aux victimes de la Shoah - avec la superbe soprano norvégienne Marita Solberg. Mais aussi de la Simphonie du Marais emmenée par le flûtiste Hugo Reyne encourageant avec simplicité les applaudissements entre les mouvements des Concertos brandebourgeois de Bach - une hérésie dans les salles ordinairement plus compassées de la musique classique.

Le trio formé par le violoniste Viktor Tretiakov, le violoncelliste Henri Demarquette et le pianiste Boris Berezovsky a emporté le public en pleine tourmente de l'opus 50 de Tchaïkovsky. Impossible de tout voir et tout entendre : les concerts au format resserré (moins d'une heure) se succèdent à un rythme effréné entre 9 et 23 heures. Choc artistique : le Quatuor Modigliani a bouleversé le festival (une interview dans ces mêmes colonnes est à suivre).

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Les cinq jours de festival, et particulièrement le week-end, le Lieu Unique et la Cité des Congrès se transforment en une véritable ruche : des bataillons de bénévoles accueillent les spectateurs - et tiennent gentiment en respect la presse qui une fois n'est pas coutume ne rentrera que s'il reste de la place ! Des techniciens s'affairent non moins nombreux en accomplissant en un rien de temps de véritables exploits : ce sont les déménageurs, les accordeurs et autres personnels qualifiés. Les médias ont encore massivement répondu à l'appel. Bref, des folles journées comme celles-là, on en redemande. Justement le thème de la prochaine Folle Journée est connu pour 2016 : ce sera "La Nature".

Prochaine édition : La Folle Journée 2016 du 3 au 7 février 2016.

La Folle Journée à Bilbao : 6 - 8 mars 2015.
La Folle Journée au Japon : 1er - 10 mai 2015.
La Folle Journée à Varsovie : 25 - 27 septembre 2015.

>> follejournee.fr

Christine Ducq
Mardi 3 Février 2015

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023