La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Tabarnak"… humour et acrobaties, entre poésie et divin !

Depuis quelques années, le cirque revient en force dans les théâtres parisiens avec, pour fer de lance, le Québec. Le cirque Alfonse, en digne représentant de la Belle Province, offre une variété artistique de grande qualité qui fait découvrir, de l'univers circassien, différentes disciplines coexistant avec délice.



© DR.
© DR.
Ils sont neuf et viennent du Québec, pays où le cirque ne compte plus ses talents. Certains de la troupe sont à la musique, d'autres au chant et d'autres encore aux acrobaties. Peu restent cantonnés dans un seul domaine. On est loin ici des animaux avec leur dressage et des annonces de monsieur Loyal. Depuis de nombreuses années, l'art circassien a redéfini son approche autour de numéros jonglant avec, entre autres, la comédie et la musique. Le cirque Alfonse a choisi aussi le chant et des sketchs humoristiques pour sa dernière création.

Autour de percussions, guitare, violon, clavier et contrebasse s'enchaînent la banquine et les différentes performances acrobatiques. Tout tient autour d'un même filon, celui de l'amusement, au sens noble du terme, comme si le propos, chantonné ou joué, se devait d'être décalé. Et il l'est.

La musique a une place essentielle avec des percussions qui donnent le rythme, insufflent la pulsation du spectacle. Les numéros de voltige sont composés de deux, de trois, voire de quatre artistes, sur lesquels un ou plusieurs autres viennent se greffer pour former une cathédrale humaine. Escaladant des mâts chinois, ceux-ci défient également la gravité, à quelques mètres du sol. Exercice des plus classiques mais qui est fait là avec une réelle légèreté de mouvements.

© Audric Gagnon.
© Audric Gagnon.
La poésie corporelle vient accompagner une chorégraphie où la gestuelle est au ralenti dans un rapport à l'espace gracieux presque lyrique. Les artistes semblent raconter charnellement une fable. Un numéro de poutre est aussi présent avec ses sauts périlleux ainsi que celui des sangles tenues à la tête pour accomplir des tours circulaires autour d'un axe central. Même si le "dressage d'animaux" est inexistant, un numéro de fouet, pas des plus affriolants, peut y faire référence.

La chanson est également un élément important. Elle a un côté humoristique même si son but premier est d'imprimer le tempo, et ce dès le début, au spectacle. Les sketchs sont pleins d'humour par leur côté absurde et décalé. C'est une véritable représentation comique.

La troupe est un ensemble hétéroclite, un puzzle de différents savoir-faire artistiques qui fait cohabiter la parole, le geste, le rire, les notes dans une même gamme. C'est aussi une scénographie habillée d'originalité qui fait du décor, un élément à part entière de la représentation. Il y a du théâtre dans l'approche, dans cette façon de faire tenir chaque séquence comme des découpages d'une même pièce. Il y a cette façon de se préparer, avant que ne débute le premier saut ou le premier chant, dans des exercices de couture où les interprètes confectionnent leurs costumes. Nous sommes dans un rapport global à la scène car tout se joue autour de l'oreille, de l'ouïe et de l'esprit du spectateur. Tout est convoqué.

Car de l'esprit, il y en a dans ces scènes où ce qui est mis en exergue est ce rapport au mot, seul avec son contexte, sans qu'aucune "cabriole" ne vienne l'étayer. Il existe pour ce qu'il est autant dans la chanson qui entraîne le public que dans les sketchs, pour surprendre ou détourner la signification d'un terme. Nous sommes autant dans le théâtre que dans le cirque et le chant. Ce qui est proposé est souvent poétique, dans sa gestuelle ou dans son propos, mais aussi dans son contexte scénique où la parole est en rapport toujours constant avec un élément de scène et une situation.

C'est gai, joyeux, drôle, enthousiaste. Un vrai régal !

"Tabarnak"

© Audric Gagnon.
© Audric Gagnon.
Cirque Alfonse.
Mise en scène : Alain Francœur.
Composition de la musique originale : David Simard.
Acrobates : Avec : Antoine Carabinier, Geneviève Gauthier, Julie carabinier, Nicolas Pulka, Jonathan Casaubon, Jean-Philippe Cuerrier, Alain Carabinier.
Musiciens : Josianne Laporte, David Simard, Guillaume Turcotte.
Lumières : Nicolas Descôteaux.
Scénographie : Francis Farley.
Costumes : Sarah Balleux.
Direction artistique : Antoine et Julie Carabinier Lépine.
Direction technique : Hugo Hamel et Nicolas Descôteaux.
Support à la création : Alain Carabinier et Louise Lépine.
Construction des éléments scénographiques : Alain Carabinier et Sylvain Lafrenière.
Conception de la balançoire acrobatique : Renaud Blais.

© Guillaume Morin.
© Guillaume Morin.
Du 16 ami 9 juin 2018.
Du mercredi au vendredi à 20 h 30, samedi à 16 h et 20 h 30
.
Bobino, Paris 14e, 01 43 27 24 24.
>> bobino.fr

Tournée
Du 12 au 17 juin 2018 : Festival TRI.P, Triennale de Milan (Italie).
23 et 24 juillet 2018 : Théâtre Grec, Barcelone (Espagne).
Du 4 au 25 août 2018 : Edimbourg (Écosse).

© Nicolas Descoteaux.
© Nicolas Descoteaux.

Safidin Alouache
Jeudi 31 Mai 2018

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024