La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Sérénade pour des Héros aux Champs-Élysées

En prélude au Festival de Prades, créé par Pablo Casals, et pour sa dix-neuvième saison parisienne au Théâtre des Champs-Élysées, la qualité était au rendez-vous, tant du côté des solistes que du programme dont les compositeurs - trônant tous au "Walhalla", ce séjour des Héros voulu par Louis Ier de Bavière - étaient L. van Beethoven, W. A. Mozart et J. Brahms. Sans oublier le clou de la soirée : la création française d’un Duo pour violon et contrebasse de K. Penderecki... Un compositeur polonais qui mériterait de rejoindre ses illustres aînés.



Michel Lethiec, clarinette © Josep Molina.
Michel Lethiec, clarinette © Josep Molina.
Une belle soirée consacrée à la musique de chambre qui commença avec le Trio avec piano n°5 de L. van Beethoven, appelé aussi le "Trio des Esprits". Le thème du largo était initialement destiné à une scène de sorcières pour un opéra que L. van Beethoven projetait d’écrire - et qui ne vit pas le jour.

Écrite à l’âge de trente-sept ans, cette œuvre est contemporaine de la 5e symphonie et de la Pastorale. Expression intime de tourments inconnus, son Largo ed espressivo déchire l’âme, sur les rivages prochains du Romantisme. C’est bien ce "langage sublime" venu d’un monde inconnu dont a parlé E. T. W. Hoffmann.

Quelques années après la dépression de 1802, le Trio en ré majeur pour piano, violon et violoncelle exprime toute l’orgueilleuse solitude dans laquelle s’est réfugié le Titan. Et c’est le prestige de cette musique que de nous faire entrevoir ces régions ineffables.

Plus léger, charmant, épanoui, le Quintette pour piano et vents de W. A. Mozart luit des derniers feux des Lumières plutôt que des premiers assauts du "Sturm und Drang". Il nous a semblé être transportée, ces après-midi lointains en Allemagne, dans ces concerts destinés aux émigrés français d’après 1791.

L'écrivant en 1784, "le plus prodigieux génie" (selon R. Wagner) invente la forme du quintette et compose beaucoup pour éblouir Vienne. C’est que la liberté de l’Enfant prodige a un prix depuis qu’il a échappé au régime des laquais chez l’infâme archevêque de Salzbourg !

Comme W. A. Mozart en 1791 et L. van Beethoven en 1827, J. Brahms meurt à Vienne en 1897. C’est cependant à Detmold en 1861 qu’il a composé cette impressionnante Sérénade n°1 opus 113 (ou opus 11) pour neuf musiciens (cordes et vents), et qu’il a adaptée ensuite pour un orchestre.

Le Quatuor Talich, invité du prochain concert du 16 février © DR.
Le Quatuor Talich, invité du prochain concert du 16 février © DR.
Ce soir-là, ce sont neuf solistes de Prades qui ont parfaitement rendu justice aux six mouvements à l’ampleur toute symphonique de cette pastorale. Entre allegro et menuetto, l’adagio a délivré l’entêtante formule de la mélancolie d’un jeune compositeur romantique de vingt-cinq ans, amoureux sans espoir de la belle pianiste Clara Schumann.

Mais le public attendait également avec curiosité la création du Duo concertante pour violon et contrebasse du musicien K. Penderecki, par le violoniste Olivier Charlier - qui nous a impressionnée tout au long de cette soirée - et le contrebassiste Jurek Dybal. Les solistes se sont particulièrement distingué dans l’exécution d’une œuvre aux larges tonalités affectives, et par le feu de leur jeu dans les passages scherzando.

L’ensemble des musiciens de cette soirée a charmé l’auditoire. Leur interprétation n’a pas failli pour rendre les subtiles couleurs et les phrasés délicats de ce très bon programme. À noter que Bruno Pasquier a remplacé, à l'alto, Vladimir Mendelssohn initialement prévu.

Le prochain concert du Festival de Prades au Théâtre des Champs-Élysées aura lieu le 16 février 2012 à 20 h, avec un programme consacré à J. Haydn, R. Schumann et F. Mendelssohn. À ne pas manquer.

Prades aux Champs-Élysées – Concert du 12 janvier 2012

Beethoven - Trio avec piano n° 5 en ré majeur (op. 70 n° 1) ;
Mozart - Quintette pour piano et vents en mi bémom majeur (K. 452) ;
Penderecki - Hore Duo pour violon et contrebasse (création française) ;
Brahms - Sérénade pour cordes et vents n° 1 en ré majeur (op. 113).

Stefan Vladar : piano,
Olivier Charlier : violon,
Bruno Pasquier : alto,
François Salque : violoncelle,
Jurek Dybal : contrebasse,
Jacques Zoon : flûte,
Jean-Louis Capezzali : hautbois,
Philippe Berrod, Michel Lethiec : clarinette,
André Cazalet : cor,
Giorgio Mandolesi : basson.

Coproduction Festival Pablo Casals de Prades / Théâtre des Champs-Élysées.
>> theatrechampselysees.fr
>> prades-festival-casals.com

Christine Ducq
Vendredi 20 Janvier 2012

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024