La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

Récital Emphatique, un spectacle Fau, Fau, Formidable !

La chronique d'Isa-belle L

Misère ! Misère ! Je crie.
Mon cœur a mal, ma tête aussi. Quelle est cette météo pourrie ?
Un mois de juin. Et toujours pas de soleil ! Ouin, ouin ouin...
Me voici blottie devant mon écran d’ordi, à tenter quelques rimes et de la poésie.
Bonheur, bonheur ! Je revis.
Fau, Fau, Forrrrrrrrrrrrrrrrrrmidable soirée à Marigny.



© Marcel Hartmann.
© Marcel Hartmann.
Je revis, je chante, je me lève, je bouscule feuilles, crayon de mon bureau, je veux – comme ZAZ le chante si… si …. Fort - de la bonne humeur et surtout de la place pour écrire mon billet. Non mais !

Sarah Bernhardt a ressuscité. Sixième rang, milieu, personne à droite, une amie à gauche. Que ça tombe bien de sortir au théâtre avec une amie à ma gauche ! N’ayez crainte, je n’ai pas connu la grande Sarah. Seule la petite, la princesse du dessin animé japonais qui m’a tant fait pleurer enfant. Je lis Sarah Bernhardt en ce moment, je la dévore même. Il s’écrit partout qu’elle déclamait ses textes avec une intonation que seule, elle maîtrisait. Mais laquelle ?

Victoire, victoire, je suis face à Michel.
En regardant Michel, j’ai imaginé Sarah. La tragédienne. Faut dire que Michel Fau s’en donne à cœur joie en reprenant l’incontournable monologue de Phèdre face à Œnone. Well done ! Bravo en anglais. Sarah aussi a joué Phèdre. De nombreuses fois. En français et en anglais. Je l’ai lu, dans sa Bio. J’ai compris ce soir pourquoi la "Bernhardt" fut autant critiquée. Si elle jouait comme l’a fait Michel… Normal que le public soit remboursé ! Pour sûr qu’elle en a cassé des oreilles !

Des fleurs, des fleurs, pour notre serviteur.
Si Sarah pouvait briser les tympans, en déclamant ses rimes, Michel, lui nous fait marrer en forçant le trait. Enivrée de bonheur j’étais comme une gamine qui redécouvre son métier. M’en foutais de la pluie dehors. À Marigny il faisait chaud, l’été : "Summer time". Les strass de la robe de l’artiste, accompagnés du doigté impeccable du pianiste, ont réchauffé la salle en deux temps, et quelques déhanchés d’un des acteurs les plus déjantés de toutes ces dernières années. Ça riait aux éclats devant le récital de Michel Fau, véritable ovni théâtral. Mimiques, gestuelle, chorégraphie, Michel Fau a tout capté des femmes, des divas du monde. Entre Natacha Atlas qui aurait "gonflé", la Castafiore moins diamantée ou une Bartoli, un tantinet plus capricieuse, cet acteur endosse LE personnage féminin avec une facilité déconcertante.

© Marcel Hartmann.
© Marcel Hartmann.
Inspiration, inspiration quand tu me tiens.
La Castafiore de Marigny, comme d’autres ont nommé Michel Fau, a osé. Reprendre un tube de variétés dont j’ai récemment parlé. Emma Gattuso : veuillez m’excusez si je vous fais une infidélité. Je vais reprendre deux lignes du billet que je vous ai concocté il y a quelques semaines. Souvenez-vous, ce billet dans lequel j’écrivais :
"Quand un artiste balance d’emblée qu’écouter Zaz n’est pas bon pour la santé, je dis merci."
FAUX : Michel Fau ne balance pas sur Zaz. Il reprend à sa manière cette chanson et ça "fau" le détour. Et maintenant "une chanson qui parle de la fracture sociale" qu’il balance Michel après le premier rappel. Putain ! Ce qu’il joue bien ce génie de la comédie. Le non texte de la nouvelle vedette de la scène française permet au grand artiste de s’amuser et de délirer. Tout ce que Zaz hurle à gorge sur-déployée, le personnage incarné tout au long du récital, nous l’envoie avec délice, malice et espièglerie. Il réussit à nous faire pleurer de rire. Que dire ? C’est génial !

Bis, ter, repetita, tralala…
Et voilà que notre diva revient sous les applaudissements interminables des spectateurs qui ne veulent pas quitter le Théâtre de Marigny. N’oubliez pas qu’il pleut dehors et que le soleil, comme la robe de l’artiste, brille ici. Elle revient, avec un autre exploit dans la poche. Plutôt dans ses cordes vocales un peu fatiguées, je dois l’avouer, mais que peut-on faire quand le public en redemande, encore, et encore.
Et soudain : un silence. Mais qu’est-ce qu’il nous chantonne là Michel ? Je l’ignore. Jusqu’au refrain qui me renvoie vingt-six années en arrière. Quand je pense que j’ai acheté ce disque et que j’ai dû supplier ma mère ! Je me tais. Il faut le voir pour y croire. Il l’a fait !

Bravo, bravo… et Noir !
La pluie d’applaudissements qui a sévi ce soir au Théâtre Marigny n’a pas fait disparaître les nuages gros et gris dehors. Il faisait nuit et les gouttes résistaient encore. Bizarrement, l’humeur morose de ce mois de juin, qui s’apparente plutôt à la Toussaint, a repris quelques couleurs à la sortie du théâtre. Il aura suffi d’un spectacle pour réchauffer ma tête, mes pieds et mes mains. L’appel du parapluie était un peu fort, j’ai cédé sous la pression. Et je me suis mise à rire. Avenue des Champs-Élysées, un mardi soir, à la sortie du théâtre Marigny. J’ai assisté au récital d’un acteur décidément génial. Un récital FANtastique.

"Récital Emphatique"

© Marcel Hartmann.
© Marcel Hartmann.
Mise en scène et interprétation : Michel Fau.
Accompagnement piano : Mathieu El Fassi.
Robes : David Belugou.
Maquillages : Pascale Fau.
Coiffures : Élodie Martin.
Lumières : Daniel Eudes.

Spectacle prolongé jusqu'au 30 juin 2012.]
Du mardi au samedi à 21 h, matinée le samedi à 18 h.
Théâtre Marigny, Carré Marigny, Paris 8e, 01 53 96 70 30.
>> theatremarigny.fr

Du 14 mai au 21 juin 2014.
Du mardi au samedi à 21 h 30.
Théâtre de l'Œuvre, Paris 9e, 01 44 53 88 88.
>> theatredeloeuvre.fr

Isabelle Lauriou
Mardi 19 Juin 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | À l'affiche ter


Brèves & Com


Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023