La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Quand une marionnette énamourée impose son intimité, sa puissance et sa pudeur

"Parades nuptiales en Turakie", Théâtre Le Mouffetard, Paris

Comme on le sait, ou ne le sait pas, depuis la découverte sensationnelle de la galette vinyle de Carmen, d'un certain Georges Bizet*, la recherche avance à grand pas en Turakie. Intensive depuis que l'on a déchiffré que l'amour y est enfant de poème.



© Turak théâtre.
© Turak théâtre.
Dans son laboratoire d'éthologie comportementale, Michel Laubu consacre son énergie à la recherche des parades nuptiales en Turakie. Et face à sa marionnette immobile, stoïque, indifférente, il tente des greffes chimériques qui tombent dans le saugrenu ou l'incongru. Il rapproche les objets, recherche l'en-prise mâle et l'en-prise femelle. Des histoires de robinet et de signes avant-coureurs.

Le comédien est un bonimenteur de génie, volubile, exalté, au sabir, volapük ou pidgin des plus savoureux. Il est omnipotent et visite sans défaillir les mondes du théâtre. Du tragédien de No au répétiteur slave fatigué de ses cantatrices et chanteurs perdus dans leurs vocalises internationales et paresseuses.

La manipulation du théâtre d'objets se joue du kitsch, du grotesque et de l'insignifiant. Elle est virtuose.

Et, dans la rencontre du langage et de la chose, c'est toute la représentation qui explose. Tout peut se réduire, s'anéantir dans des jeux des mots antimagrittiens et alphonsallaisques : "Car ce cygne est un signe". Comme en un hommage à Francis Blanche et Pierre Dac.

© Turak théâtre.
© Turak théâtre.
Le public s'esclaffe, le spectateur oublie même la présence de la marionnette qui, à jardin, reste de marbre.

Jusqu'à ce que, dans l'avancée du spectacle, d'objets en objets, de manières de mains en manières de mains surgisse, sans crier gare, venue de nulle part, la Merveille. Comme en un acte de prestidigitation. La marionnette énamourée, prend le pouvoir, impose sa présence, son intimité et son silence, sa puissance et sa pudeur.

À peine révélée, un voile, et le rideau se baisse sur la découverte amoureuse.

C'est la fin de la parade. Michel Laubu a trouvé le cœur de cible, le cœur du public. Le spectateur en reste coi.

*Voir l'épisode précédent : "Une Carmen en Turakie"

"Parades nuptiales en Turakie"

© Turak théâtre.
© Turak théâtre.
Conception et interprétation : Michel Laubu.
Mise en scène : Emili Hufnagel.
Dramaturgie : Olivia Burton.
Régie plateau et lumières : Hélène Kieffer.
Musique (enregistrée) : Lamento della Ninfa de Monteverdi.
Arrangement, guitares et clarinettes basses : Laurent Vichard.
Voix : Jeanne Crousaud.
Construction, accessoires et marionnettes : Michel Laubu et Géraldine Bonneton.
Durée : 1 h.
Turak Théâtre.

Du 8 au 26 novembre 2017.
Du mercredi au samedi à 20 h, dimanche à 17 h.
Le Mouffetard - Théâtre des Arts de la Marionnette, Paris 5e, 01 84 79 44 44.
>> lemouffetard.com

Jean Grapin
Lundi 13 Novembre 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024