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Lyrique

Pour créer un opéra européen, "Kein Licht"… Prêts ? Participez !

Attention petite révolution ! Le public va entrer au cœur de la fabrication d'un spectacle en participant au financement d'un nouvel opéra commandé par l'Opéra Comique. Pour une création prévue en 2017 et sur un texte du Prix Nobel Elfriede Jelinek, le compositeur Philippe Manoury et le metteur en scène Nicolas Stemann comptent bien poser les jalons de l'opéra du XXIe siècle.



© DR.
© DR.
Vous avez jusqu'à la fin du mois de décembre 2015 pour devenir le mécène (1) d'une commande des plus intéressantes de l'Opéra Comique, "Kein Licht". Pendant la fermeture pour travaux prévue pour deux ans (jusqu'en décembre 2016), la Salle Favart initie plusieurs projets originaux pour aller à la rencontre de son public et lui donner le statut de partenaire à part entière.

Petit rappel : une recette de pâtisserie "Le Favart" à créer, une installation au milieu du chantier de la maison lyrique des artistes Christian Boltanski, Franck Krawczyk et Jean Kalman à visiter de nuit en février 2016. En ce même 21 février, un web-opéra "Les Fantômes du Comique ou l'Écureuil sacrifié" (un "thriller lyrique" !) à découvrir sur son site et, en juin pendant l'Euro de football 2016, un opéraoké sur le Champ-de-Mars.

Outre la création de "L'Affaire Fantasio" de Jacques Offenbach, mis en scène par Thomas Jolly, pour la réouverture début 2017 d'un Opéra Comique rénové, la maison d'Olivier Mantéi (2) a réuni une équipe de luxe pour un spectacle original coproduit avec quelques institutions européennes (3) et le public - appelé à participer à hauteur de 15 % du budget de la maison de la place Boieldieu.

Philippe Manoury © DR.
Philippe Manoury © DR.
Une équipe de luxe ? Jugez plutôt : pour le livret, l'écrivaine la plus intrigante de son temps, Elfriede Jelinek (4), habituée à travailler avec un des meilleurs metteurs en scène allemands, Nicolas Stemann - dont on a encore en mémoire le "Faust" à Salzbourg et Avignon. Et un compositeur, Philippe Manoury (né en 1952), pionnier du développement de la musique électronique en temps réel, lauréat d'une Victoire de la Musique classique en 2012.

Ce "Kein Licht" ("Pas de lumière") est une comédie tragique de l'auteur autrichien écrite après la catastrophe de Fukushima. Une comédie ? Philippe Manoury, lors de la conférence de presse (5), a insisté sur le mot, rappelant que Jelinek a toujours su insuffler une bonne dose de sarcasmes dans sa vision tragique du monde. Avec le jeune surdoué de la scène, Nicolas Stemann, le compositeur français compte bien réévaluer la forme de l'opéra en opérant un rapprochement inédit entre les formes théâtrales et musicales.

Créer un théâtre musical de la pensée, singspiel et opéra comique revisités, pour aboutir à une forme nouvelle encore sans nom. Nicolas Stemann (né en 1968), qui se dit volontiers metteur en scène et musicien, veut pouvoir explorer à travers des voix féminines, protagonistes de "Kein Licht", les nouvelles conditions de notre appartenance au monde après la gigantesque catastrophe. Irresponsabilité générale, faillite d'une technique censée assurer la prospérité (le nucléaire), course mortifère d'une économie déréglée, telles sont quelques-unes des questions passionnantes posées par le texte d'Elfriede Jelinek.

Elfriede Jelinek © DR.
Elfriede Jelinek © DR.
Appelé à participer au processus d'écriture, de production et de création du spectacle avec les artistes, le public-mécène est donc invité à s'investir au nom de belles valeurs comme le partage et la nécessité de faire exister une œuvre d'art qui interroge le tragique de notre temps.

Notes :
(1) Plateforme de financement participatif pour "Kein Licht" : culture-time.com
(2) Nommé directeur de l'Opéra Comique depuis juin 2015.
(3) Co-production avec le Festival de la Ruhrtriennale, les Berliner Festspiele, le Théâtre national de Zagreb, les Théâtres de la ville de Luxembourg, le Festival Musica de Strasbourg, l'IRCAM.
(4) Le public connaît Elfriede Jelinek grâce à l'adaptation brillante de son roman "La Pianiste" par le cinéaste Michael Haneke.
(5) Conférence de presse du 15 octobre 2015.


Participation et liste des contreparties (jusqu'au 31 décembre 2015) :
culture-time.com

Programmation complète :
>> opera-comique.com

Christine Ducq
Mardi 10 Novembre 2015

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Concerts | Lyrique







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"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
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Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
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Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
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"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
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"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

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