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"Pinocchio" Une adaptation interactive, divertissante et rythmée du conte de Collodi

Petite création d'une heure, le "Pinocchio" proposé par Alexandre Tourneur est parfaitement adapté au jeune public (à partir de cinq ans), le texte de Collodi ayant été mis en scène dans une forme joyeuse, ludique, malicieusement interactive, appelant à la découverte de l'univers colorée et mouvementée du pantin aventureux, sur un rythme soutenu dû notamment à l'utilisation réussie de différentes techniques théâtrales dans un enchaînement sans rupture ni temps mort.



© DR.
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Dans une inspiration circassienne, les aventures de Pinocchio débutent par une narration distanciée effectuée par un M. Loyal - se présentant sous le sobriquet de M. Cerise - enjoué qui ainsi initie immédiatement les échanges avec les jeunes spectateurs pour mieux les emmener dans le monde tourmenté de ce bout de bûche polissonne, transformé en garçon de bois par le généreux Gepetto, dont la finalité espérée sera de devenir un vrai petit garçon, ce qui se révèle un chemin laborieux faisant office d'initiation tant il est semé d'embûches.

Le parti pris d'Alexandre Tourneur est clairement une présentation divertissante et rythmée du conte de Collodi mais sans occulter toutefois la cruauté et la dureté de certaines péripéties inscrites dans l'œuvre de l'auteur italien. Son adaptation a vocation à une totale interactivité, faisant choisir en préambule le prénom du pantin par le public - qui sait bien sûr ce qu'il est venu voir ! -, le faisant réagir aussi sur les promesses vite oubliées du garnement à tête de bois.

© DR.
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Cette option interactive est aussi un pédagogique prétexte à la rencontre avec l'étonnant et fabuleux univers du théâtre où sont convoquées plusieurs techniques théâtrales : magie, masques, théâtre d'ombres, marionnettes, conte, etc., et où l'imaginaire est un vecteur puissant puisant dans l’artisanat, l'ingéniosité, l'improvisation et générant des voyages imprévus, spectaculaires et ludiques pour les âmes d'enfants quel que soit leur âge.

Dans cette proposition riche de trouvailles scénographiques, d'idées de jeux et pleine d'humour, les deux comédiens (Alexandre Tourneur et Charlotte Fabre/Mathilde Puget/Amélie Gonin en alternance) revêtent tous les personnages avec conviction et enthousiasme, faisant de chaque séquence des aventures de Pinocchio des moments savoureux et dynamiques, aidé en cela par une réelle diversité des procédés et dispositifs utilisés.

Que ce soit les décors peints sur toile, mis en valeur par d'astucieux éclairages, ou le passage au théâtre d'ombres, aux fins découpages et aux formes imagées, en passant par tous les accessoires sortis d'une grande malle au trésor par monsieur Loyal, les surprises se succèdent à une cadence soutenue, ne laissant pas de répit aux jeunes spectateurs et à leurs parents. Les marionnettes, personnages complémentaires accompagnant les comédiens dans l'interprétation des nombreux rôles, sont issues de différentes techniques - plates et pleines pour l'ombre, type marotte pour Renard et Chat, articulé pour le grillon, etc. - et contribuent à la magie, au merveilleux, à la poésie de la narration.

Au final, la compagnie Élée nous propose un spectacle bien rythmé, généreux où se bousculent les images et les sons pour le plus grand bonheur du jeune public, heureux de participer à cette féérie chatoyante qui retrace les mésaventures de Pinocchio, tour à tour pendu, emprisonné, transformé en âne, mangé par un grand requin blanc… mais qui finira petit garçon… comme en auront décidé à l'unanimité les enfants !

"Pinocchio"

© DR.
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D'après Carlo Collodi.
Adaptation : Alexandre Tourneur.
Mise en scène : Alexandre Tourneur.
Avec : Alexandre Tourneur et Charlotte Fabre ou Mathilde Puget ou Amélie Gonin.
Masques : Marie Muyard
Costumes : Anne Ruault.
Illustration : Jonathan Bousmar.
Production Compagnie Élée.
Durée : 1 h.
Tout public à partir de 5 ans.

Reprise à partir du mardi 16 décembre 2020
Du 16 septembre 2020 au 3 janvier 2021.
Mercredi, samedi et dimanche à 14 h.
Du mardi au dimanche à 14 h pendant les vacances scolaires.
Relâches exceptionnelles le 25 décembre 2020 et le 1er janvier 2021.
Théâtre Le Lucernaire, Salle Rouge, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Gil Chauveau
Lundi 7 Décembre 2020

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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Brigitte Corrigou
08/09/2023
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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023