La situation est complexe et, sans doute, encore plus aujourd'hui ! La pièce "Ulysse à Gaza", écrite en 2010, est une pièce née de la détresse ressentie par un Israélien devant ce cas de conscience : comment assumer moralement et intellectuellement le siège que son pays inflige à la bande de Gaza ? Le texte de Gilad Evron, auteur israélien majeur, dont la plume politique et poétique a marqué le théâtre contemporain, décédé en 2016, aurait-il été différent s'il l'avait écrit aujourd'hui ? Ose-t-on imaginer quelle serait sa détresse en cet été 2025 ?
"De cette situation dramatique, à ce siège permanent, un fou ne saurait dire s'il convient d'en rire ou d'en pleurer", disait-il. Puisse ce questionnement, en ce 59ᵉ Festival, ne pas lui parvenir jusqu'à son oreille, dans l'au-delà… Ou plutôt, si !! Puisse-t-il raisonner jusqu'à lui, à s'en crever les tympans !
"Ulysse" est le surnom donné par l'autorité militaire à ce drôle de prisonnier, incarné fort justement par Ilan Couartou, profondément humaniste, attrapé en pleine mer sur un radeau fait de bouteilles en plastique, et qui voulait forcer le blocus infligé à Gaza pour y enseigner la littérature russe en Palestine. À lui seul, il est "le siège qui enferme un million d'êtres humains, confinés dans un des lieux les plus peuplés de la Terre. La définition de "crime" est trop faible pour définir cette réalité", commente l'auteur.
"De cette situation dramatique, à ce siège permanent, un fou ne saurait dire s'il convient d'en rire ou d'en pleurer", disait-il. Puisse ce questionnement, en ce 59ᵉ Festival, ne pas lui parvenir jusqu'à son oreille, dans l'au-delà… Ou plutôt, si !! Puisse-t-il raisonner jusqu'à lui, à s'en crever les tympans !
"Ulysse" est le surnom donné par l'autorité militaire à ce drôle de prisonnier, incarné fort justement par Ilan Couartou, profondément humaniste, attrapé en pleine mer sur un radeau fait de bouteilles en plastique, et qui voulait forcer le blocus infligé à Gaza pour y enseigner la littérature russe en Palestine. À lui seul, il est "le siège qui enferme un million d'êtres humains, confinés dans un des lieux les plus peuplés de la Terre. La définition de "crime" est trop faible pour définir cette réalité", commente l'auteur.
Sur scène, successivement, quatre autres personnages : trois hommes et une femme : Maître Isakov, avocat bourgeois pragmatique et ironique, interprété par Boris Bayard, qui accepte de défendre Ulysse par curiosité intellectuelle, en grande partie, puis qui se retrouve confronté à sa propre morale. Horeh, associé d'Isakov, cynique et carriériste, qui symbolise l'opportunisme affiché du système judiciaire israélien, joué par Mattéo Gaya, le procureur-gouverneur. Michel Couartou lui-même, représentant de la Loi, rationnel et oppressant à l'extrême, et Sirota, l'épouse d'Isakov, femme fine et cultivée, mais qui reste distante tout en confrontant son mari à ses contradictions morales, interprétée par Mélisande Dorvault.
Dans un texte aux dialogues secs, courts, parfois absurdes et très justement interprétés par les quatre comédiens et la comédienne, c'est la voix de Gaza qui hurle à nos oreilles, et qui interroge surtout le Théâtre de la conscience et de l'éthique, son pouvoir de dire.
Certes, la pièce s'inscrit dans la sphère définie israélo-palestinienne, mais la force de la compagnie marseillaise Le Bar de la Poste est d'être parvenue à étendre le propos à un éventail à la fois géographique et artistique bien plus large. Elle balaye de façon juste des réflexions sur le pouvoir, la dignité humaine, la liberté, la culture. Éternel débat, s'il en est… Bien sûr, me direz-vous, le texte le fait déjà, avec justesse, mais la force du théâtre, c'est aussi de parvenir à transmettre davantage. La compagnie y est totalement parvenue.
Peut-on vivre sans culture ? Souhaiter transmettre, est-ce forcément subversif ? Lire est-ce un crime ? Autant de questions que la pièce soulève, qui sont convoquées par une scénographie sobre, mais efficace, et par le jeu très investi et complice des cinq comédiens et comédienne. "Ulysse a fait un long voyage au-delà du couchant, là où brûle l'horizon, non pour conquérir, mais pour comprendre. Il portait dans ses mains la mémoire des livres (…). Il n'a jamais posé les armes parce que d'armes, il n'en avait pas".
Dans un texte aux dialogues secs, courts, parfois absurdes et très justement interprétés par les quatre comédiens et la comédienne, c'est la voix de Gaza qui hurle à nos oreilles, et qui interroge surtout le Théâtre de la conscience et de l'éthique, son pouvoir de dire.
Certes, la pièce s'inscrit dans la sphère définie israélo-palestinienne, mais la force de la compagnie marseillaise Le Bar de la Poste est d'être parvenue à étendre le propos à un éventail à la fois géographique et artistique bien plus large. Elle balaye de façon juste des réflexions sur le pouvoir, la dignité humaine, la liberté, la culture. Éternel débat, s'il en est… Bien sûr, me direz-vous, le texte le fait déjà, avec justesse, mais la force du théâtre, c'est aussi de parvenir à transmettre davantage. La compagnie y est totalement parvenue.
Peut-on vivre sans culture ? Souhaiter transmettre, est-ce forcément subversif ? Lire est-ce un crime ? Autant de questions que la pièce soulève, qui sont convoquées par une scénographie sobre, mais efficace, et par le jeu très investi et complice des cinq comédiens et comédienne. "Ulysse a fait un long voyage au-delà du couchant, là où brûle l'horizon, non pour conquérir, mais pour comprendre. Il portait dans ses mains la mémoire des livres (…). Il n'a jamais posé les armes parce que d'armes, il n'en avait pas".
Adapté pour la première fois en France par La Compagnie « Le Bar de la Poste », le texte de Gilad Evron résonne cruellement à nos oreilles, mais, porté de bien belle manière par la mise en scène de Michel Couartou, par son propre jeu investi et charismatique aussi, ainsi que par celui de ses quatre partenaires, "Ulysse à Gaza" sera à n'en point douter un des moments forts de l'Off d'Avignon cet été.
Saluons, à travers cette pièce, le parti pris et l'initiative de la directrice du Théâtre du Verbe Fou littéraire, Fabienne Govaerts, qui n'a jamais dérogé à ses engagements depuis 2007 : faire de ce joli lieu un peu isolé de la foule festivalière, un écrin du Théâtre engagé et intimiste.
"Quand on n'est pas capable de savoir ce qui va se passer, c'est un trou noir dans la conscience", prononce un des protagonistes. Un autre : "Tu m'entends, Isakov, j'ai besoin de quelqu'un qui m'aide à comprendre. Tous ces gens aux chairs collées les unes contre les autres ! Une soupe humaine sans corps ni visage…".
◙ Brigitte Corrigou
Saluons, à travers cette pièce, le parti pris et l'initiative de la directrice du Théâtre du Verbe Fou littéraire, Fabienne Govaerts, qui n'a jamais dérogé à ses engagements depuis 2007 : faire de ce joli lieu un peu isolé de la foule festivalière, un écrin du Théâtre engagé et intimiste.
"Quand on n'est pas capable de savoir ce qui va se passer, c'est un trou noir dans la conscience", prononce un des protagonistes. Un autre : "Tu m'entends, Isakov, j'ai besoin de quelqu'un qui m'aide à comprendre. Tous ces gens aux chairs collées les unes contre les autres ! Une soupe humaine sans corps ni visage…".
◙ Brigitte Corrigou
"Ulysse à Gaza"
Création 2025.
Texte : Gilad Evron (2010).
Traduction : Zohar Wexler (aux Éditions Théâtrales).
Mise en scène : Michel Couartou.
Avec : Boris Bayard, Ilan Couartou, Michel Couartou, Mélisande Dorvault et Matteo Gaya.
Lumières : Matteo Gaya.
Par la Compagnie Le Bar de la Poste.
Adulte uniquement à partir de 14 ans.
•Avignon Off 2025•
Du 4 au 15 juillet 2025.
Tous les jours à 14 h 45.
Théâtre le Verbe Fou, 95, rue des Infirmières, Avignon.
Réservation : 04 90 85 29 90.
>> Billetterie en ligne
>> leverbefou.fr
Texte : Gilad Evron (2010).
Traduction : Zohar Wexler (aux Éditions Théâtrales).
Mise en scène : Michel Couartou.
Avec : Boris Bayard, Ilan Couartou, Michel Couartou, Mélisande Dorvault et Matteo Gaya.
Lumières : Matteo Gaya.
Par la Compagnie Le Bar de la Poste.
Adulte uniquement à partir de 14 ans.
•Avignon Off 2025•
Du 4 au 15 juillet 2025.
Tous les jours à 14 h 45.
Théâtre le Verbe Fou, 95, rue des Infirmières, Avignon.
Réservation : 04 90 85 29 90.
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