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Avignon 2024

•Off 2024• "Un homme qui dort" Voyage au bout du silence…

Quand la voix du dedans se dédouble pour trouver un écho féminin s'adressant – sous le régime du tutoiement – à l'antihéros de cette non-histoire, les pensées erratiques traversant cet homme au bord de la rupture fusent comme une logorrhée intarissable… Un matin apparemment en tous points semblable aux autres, "l'homme qui dort" (il ne sera jamais nommé, ce qui permettra toutes les projections) s'extrait instinctivement des obligations du monde en élisant "sa chambre à lui" comme refuge existentiel. Là, dans ce boyau de quelques mètres carré, à l'abri des obligations et servitudes (étudiant, il n'ira pas passer ses examens), il devient une sorte d'entité flottante. Une entité "parlée" de l'extérieur par un double de lui-même.



© Stef Daurat.
© Stef Daurat.
Georges Pérec (l'auteur des "Choses" et de "La disparition") n'avait pas son pareil pour inventer une écriture mimétique collant au plus près aux thèmes qui l'obsédaient. De même que l'on parle de parole performative, l'écriture ici devient à elle seule "porte-parole" de la non-activité qui s'empare du personnage. En effet, déconnecté du monde environnant vu au travers d'une indifférence tranquille, il semble flotter dans une enveloppe déréalisée, repassant en boucle les mêmes litanies.

"Tu ne bouges pas. Tu fermes les yeux. Tu ne penses à rien…. Tu ne finiras pas ta licence". La femme debout, postée à la tête du lit de fortune qui avec d'autres pauvres objets constituent son cadre de vie, commente à la deuxième personne ce qui se passe dans la tête en friche du dormeur solitaire. Tout au long de cette immersion dans le huis clos de cette mansarde sous les toits, elle s'adressera à lui – et à nous – comme un double de lui-même pourrait le faire entendre.

"La vie te fait défaut. Tu restes ici sans manger, sans bouger, sans lire. Tu ne veux qu'attendre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien". Il a suffi de si peu de chose – un texte dont il avait perdu le fil – pour que le fil de sa vie se brise, pour que ses souvenirs estompent leurs couleurs vives et que les photographies qui en portaient traces virent au blanc. L'oubli et le manque de désir, non pas la tristesse, mais l'indifférence à tout. L'ataraxie des Grecs anciens.

© Stef Daurat.
© Stef Daurat.
"Le temps passe, tu ne sais jamais l'heure. Attendre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre". La répétition du même, un temps suspendu qui bégaie jusque dans la reprise des mêmes mots. Et lorsque "l'homme qui dort", abandonnant la contemplation des fissures du plafond, s'aventure à franchir le seuil de son repaire, c'est pour marcher jusqu'à se perdre, dénombrer autant les églises que les pissotières, sortir la nuit venue pour se retrouver au comptoir d'un bar, seul devant un café, une bière, un verre de rouge ou alors, assis les jambes ballantes au-dessus de la Seine…

Aucune souffrance ou même amertume à côtoyer les bannis, parias, exclus errant comme lui dans une ville sans âme. Les vieilles à fourrure sifflant leur Marie Brizard, les solitaires qui parlent tout seuls, les milliers de monstres agglutinés aux feux rouges, rien ne semble pouvoir l'émouvoir.

Et le tic-tac des aiguilles couvert par la sonnerie qui retentit à nouveau… "Ton réveil sonne, et tu n'es pas mort. Tu n'as rien appris, sinon la solitude qui n'apprend rien". Le monde n'a pas changé, lui non plus. Un autre jour commence. Attendre Place Clichy que la pluie cesse de tomber pour… À suivre.

© Stef Daurat.
© Stef Daurat.
Dans ce décor pouvant renvoyer aux "Carnets du sous-sol" de Dostoïevski (sauf que là le protagoniste est dénué de toute velléité de révolte ou de haine envers ses semblables), la comédienne "incorpore" mimétiquement le flux psychique de son alter ego emmuré en lui-même afin de nous le donner à voir et à entendre. De même les dispositifs scénographique et dramaturgique ne font qu'un, convergeant avec bonheur pour distiller l'inquiétante étrangeté que cette dissociation du même ne manque pas de créer en nous. Littérature et théâtre, unis dans le même voyage au bout du silence… tonitruant.
◙ Yves Kafka

Vu le mercredi 3 juillet au Théâtre Transversal, scène d'Avignon.

"Un homme qui dort"

© Stef Daurat.
© Stef Daurat.
Texte : Georges Perec.
Mis en scène : Stéphane Daurat.
Conception et jeu : Richard Arselin & Véronique Boutonnet.
Scénographie : Richard Arselin.
Lumières : Mathias Bauret.
Compagnie Les Âmes Libres.
À partir de 15 ans.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 19 h 45. Relâche le mardi.
Théâtre Transversal, Salle 2, 10, rue d'Amphoux, Avignon.
Réservations : 04 90 86 17 12.
>> theatretransversal.com

Yves Kafka
Samedi 6 Juillet 2024

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

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Brigitte Corrigou
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Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

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Gil Chauveau
03/11/2024