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Avignon 2024

•Off 2024• "Amor à Mort" Une pièce transgressive où la noirceur de la nature humaine brille de mille feux vivifiants

Qui n'a jamais ressenti au moins une fois dans sa vie, dans un accès de colère, l'espace d'un court instant, cette envie de tuer l'être pourtant tant aimé autrefois ? Qu'est-ce qui fait qu'on bascule dans l'horreur pour se débarrasser de l'autre, souvent la moitié de nous-mêmes, au départ ?



© Claire Bruguière.
© Claire Bruguière.
"C'est un couple en quatuor qui se tue. Des gens qui s'aiment, mais qui finissent par mourir. Mais pas tous ! Donc, c'est une histoire optimiste (rires). Ce sont des histoires d'amour où tout le monde meurt. Mais quand on meurt, on se retrouve ensemble pour l'éternité, donc ce n'est pas très grave… À la fin de chaque scène, il y a toujours un des deux qui meurt. C'est une pièce sur les deux rendez-vous incontournables de la vie : l'amour et la mort. Parfois, on réussit. Parfois, ça finit mal. On vit, on aime et on meurt".

Ainsi s'exprimaient en 2022, au moment de la création de la pièce, les quatre comédiens et comédiennes, accompagnés(es) de leur metteur en scène, Elric Thomas. Et si notre critique s'arrêtait là ?

Alors, depuis, en 2024, en prévision du prochain Festival d'Avignon, les choses du champ théâtral de Nelly Bêchétoille, Didier Landucci et Elric Thomas ont-elles changé ? Leurs intentions ont-elles bifurqué vers d'autres considérations et d'autres horizons ?
Que nenni !

© Claire Bruguière.
© Claire Bruguière.
"Amor à Mort" relate toujours ce qui, incontestablement, parlera à chacun et chacune d'entre nous : la mort et l'amour. Entre les deux, la vie… What else ? Des marronniers, certes, mais abordés ici avec originalité, car il s'agit d'évoquer des scènes amoureuses qui sortent de l'ordinaire, toutes ponctuées d'un switch final jouissif qui ravit le public enthousiaste.

Au départ, il devait d'agir d'une pièce pour deux personnages avec Nelly Bêchétoille et Didier Landucci, à la fois au jeu et à l'écriture. Puis l'idée d'un quatuor a germé permettant aux deux comédiens et aux deux comédiennes d'interpréter différents rôles, tous plus truculents les uns que les autres : des passionnés et passionnées, des psychopathes, des obsédés sexuels, des infidèles. La liste pourrait être plus longue.

Un panel, en quelque sorte, de la possible "noirceur de la nature humaine quand la blessure amoureuse vécue court-circuite la raison et pousse à agir de manière impulsive et cruelle", selon Elric Thomas.

Dans une suite sans temps mort de tableaux-saynètes humoristiques, entrecoupés d'une pause musicale récurrente remarquablement interprétée et déclinée dans des versions correspondant aux tableaux, Nelly Bêchétoille, Anne Deci, Didier Landucci et Avy Marciano virevoltent littéralement.

© Claire Bruguière.
© Claire Bruguière.
La scénographie et le décor épuré, optant pour une seule grande estrade malléable et protéiforme qui projette le public vers différents lieux, subliment le jeu des quatre interprètes, tout en justesse et grand professionnalisme.

Sur "le banc de touche", lorsque pourtant le couple de comédiens ne joue pas, leurs émotions sont là malgré tout, comme si les personnages faisaient désormais partie d'eux-mêmes à part entière. Cela était très palpable lors de cette avant-première parisienne.

Ne doutons pas un seul instant qu'il en sera de même lors de ce nouveau Festival d'Avignon !
Éros et Thanatos sont ancrés au plus profond de chacun d'entre nous et c'est avec brio que la fine équipe d'"Amor à mort" a su l'évoquer. Le tout enrobé délicieusement par les lumières et ambiances sonores de Jean-Bastien Nehr et Mickaël Roche.

Aucune limite ni aucun tabou dans les scènes évoquées qui auront, à coup sûr, des effets cathartiques sur les spectateurs. Et c'est bien ainsi. C'est du théâtre, certes, c'est de la comédie, certes. Mais qu'est-ce que ceci si ce n'est pas la vie, tout simplement ? Celle qui fait que l'on dérape parfois, que nos désirs les plus odieux et nos idées destructrices viennent supplanter nos amours les plus délicieuses.

© Claire Bruguière.
© Claire Bruguière.
Il est probable que ce soit sur les planches du Bataclan, dans les années quatre-vingt et lors de ses matchs d'improvisation, qu'Elric Thomas a puisé son savoir-faire et parvienne aujourd'hui à insuffler à ses comédiens et ses comédiennes la substantifique moelle de son talent.
"Amor à mort", au Petit Chien, pour continuer à aller au théâtre, pour aimer et vivre encore. La mort attendra !

Spectacle vu le lundi 11 mars au Théâtre la Pépinière (Paris 2ème) en avant-première du Festival d'Avignon.

"Amor à Mort - Jusqu'à ce que la mort nous sépare"

© Claire Bruguière.
© Claire Bruguière.
"Amor à Mort - Jusqu'à ce que la mort nous sépare"
Théâtre musical - comédie humour noir.
Texte : Nelly Bêchétoille, Didier Landucci et Jean-Marc Michangeli
Mise en scène : Elric Thomas
Avec : Nelly Bêchétoille – Anne Decis – Didier Landucci – Avy Marciano.
Musique : Roland Catella.
Son : Mickaël Roche.
Décors : Aymeric Louis.
Lumières : Jean-Bastien Nehr et Eric Valentin.
Collaboration artistique : Ali Bougheraba.
Tout public à partir de 12 ans.
Durée 1 h 30.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 21 h 15. Relâche le mardi.
Théâtre Le Petit Chien, 76, Rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 84 51 07 48.
>> chienquifume.com

Brigitte Corrigou
Mercredi 20 Mars 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024