La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2022

•Off 2022• Les deux faces d'un diptyque : masculin et féminin, quelle identité ?

Ce sont deux pièces écrites par Catherine Hauseux : l'un s'attache à porter les témoignages de différentes générations de femmes, l'autre donne la parole aux hommes. Les deux textes ont été basés sur des rencontres, des interviews recueillies, des histoires récoltées dans tous les milieux. De cette matière, Catherine Hauseux a façonné pour chaque spectacle une dizaine de caractères qui dessinent un panorama astucieux de l'évolution ou de la non-évolution des conditions d'existence et des libertés de chacun des deux sexes.



"Quand je serai grande…" © Leila Garfield.
"Quand je serai grande…" © Leila Garfield.
"Quand je serai grande... tu seras une femme, ma fille", le premier opus de ce diptyque, commence dans un décor presque nu. Une table, une chaise, un drap pendu sur un fil. L'autrice en personne va incarner chacune des femmes qui vont se succéder et transformer peu à peu ce décor en intérieur, bouleversant les meubles, tendant un autre fil à linge en fond de scène et y étendant une grande panière de linge blanc. L'univers quotidien d'une buanderie, lieu dévolu aux femmes dans les mentalités d'il y a encore quelques années.

Et c'est une partie de cette histoire proche, de cette évolution des rôles encore jeune et fragile, via des personnages incarnés avec fougue et couleurs, que Catherine Hauseux va nous raconter. Passant d'un rôle à l'autre, de la femme née dans les années cinquante qui n'avait pas même le droit d'avoir un compte en banque, ni de travailler sans l'accord de son mari, à la jeune fille née en 2000, la comédienne interroge non seulement la condition féminine et l'évolution des rôles sociaux, mais surtout de façon plus philosophique, ce qui échappe à cette évolution. Pourquoi reste-t-il une notion de fragilité, de douceur, de danger sur la tête des filles quand les garçons sont poussés à faire face aux aléas sans protection supplémentaire ? Quelle transmission doit encore faire une mère pour sa fille différemment de celle qu'elle donne à son fils ?

"Quand je serai un homme" © Arnaud Perrel.
"Quand je serai un homme" © Arnaud Perrel.
Seule sur scène, mais accompagnée par les différentes incarnations qu'elle réussit avec talent, Catherine Hauseux nous emporte avec grâce et légèreté dans ce panorama à la fois intérieur et extérieur des conditions des femmes et de leurs ressentis actuels. Bilan : il y a encore du boulot avant d'atteindre à vraie liberté d'être et de pensée.

Le deuxième spectacle présente justement une galerie de portraits d'hommes cette fois. Survolant également plusieurs générations, le spectacle tente de la même manière, mais à l'inverse, de cerner la manière dont les responsabilités masculines, surtout les responsabilités familiales, se partagent de plus en plus dans les couples modernes.

Suivant à peu près le même schéma que la première partie, les différents hommes, cette fois interprétés par Stéphane Daurat, montrent les avancées et les limites de ces nouveaux partages. Limites ? Oui, car dans ces témoignages, le partage des tâches et des responsabilités dans les couples se heurte souvent au jugement encore rétrograde des groupes sociaux. Nos sociétés étant encore incapables d'étiqueter comme "normal" un homme qui reste au foyer pour s'occuper des enfants tandis que la femme gagne l'argent du ménage.

Pour ce spectacle, c'est en duo avec Catherine Hauseux, et dans une forme plus proche de l'interview, que se déroulent les différents caractères d'hommes. L'envers de la pièce est également riche en interrogations et en éclairages pertinents, sincères et dynamiques sur cette nouvelle identité cherchée et donnée aux nouveaux hommes. Le bilan est qu'il y a aussi encore du boulot, mais la vision en est malgré tout positive et ludique.

Avec ce diptyque, Catherine Hauseux défriche les chemins déjà parcourus et ceux encore à dégager pour que s'établisse un vrai rapport d'égalité entre les sexes. Un voyage qui parvient à conserver le ton de la comédie sur un fond social éclairé.

"Quand je serai grande... tu seras une femme, ma fille" et "Quand je serai un homme"

"Quand je serai grande…" © Leila Garfield.
"Quand je serai grande…" © Leila Garfield.
"Quand je serai grande... tu seras une femme, ma fille"
Texte et interprétation : Catherine Hauseux.
D'après des entretiens anonymes avec des habitantes de Villeneuve-Saint-Georges.
Mise en jeu, conception et scénographie : Stéphane Daurat.
Création lumière : Jean-Luc Chanonat.
Visuel : François Kenesi et Guillaume Niquet.
Durée : 1 h 15.
Tout public à partir de 12 ans - Représentations scolaires à partir de la 4e.

•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Tous les jours impairs à 11 h 35.
Théâtre Les 3 Soleils, Salle 2, 4, rue Buffon, Avignon.
Réservations : 06 20 17 42 18.
>> les3soleils.fr

"Quand je serai un homme" © Arnaud Perrel.
"Quand je serai un homme" © Arnaud Perrel.
"Quand je serai un homme"
Texte : Catherine Hauseux.
Mise en scène : Catherine Hauseux et Stéphane Daurat.
Avec la complicité de Jérôme Ragon.
Avec : Catherine Hauseux et Stéphane Daurat.
Lumière et création vidéo : James Groguelin.
Visuel : François Kenesi.
Durée : 1 h 15.
Tout public à partir de 12 ans - Représentations scolaires à partir de la 4e.

•Avignon Off 2022•
Du 7 au 30 juillet 2022.
Tous les jours pairs à 11 h 35.
Théâtre Les 3 Soleils, Salle 2, 4, rue Buffon, Avignon.
Réservations : 06 20 17 42 18.
>> les3soleils.fr

Bruno Fougniès
Vendredi 27 Mai 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | À l'affiche ter


Brèves & Com


Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023