La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Le Fils"… la vie n'est que songe et lanterne du voisin

"Le Fils", Théâtre L’Échangeur, Bagnolet (93)

Placide et monotone. Mais pas paisible. Avec ses côtés drôles. Jon Fosse, dans "le Fils", décrit la vie de couple alors que la nuit tombe et que l'homme guette à la fenêtre. La lumière chez le voisin, la lumière des phares de l'autocar. Ils vont et viennent, réitérant des paroles anodines dans le salon. Côte à côte. Leur salon est une salle d'attente avec ses silences denses.



© Hervé Bellamy.
© Hervé Bellamy.
Dans cette histoire, le couple pense trop fort, trop haut, à oublier la solitude qui les étreint. Et leur dialogue revient sur lui-même. Leitmotivs qui les étranglent progressivement. Dans un évitement quasi superstitieux à dire l'absence du fils. Qui dirait leur isolement et le rétrécissement de leur vie, ce non-dit comme passé à l'étouffoir maladroit des mots et qui réapparaît sans cesse sans autre dérivatif que l'arrivée du voisin alcoolique et cardiaque, pessimiste et cynique. Qui médit.

Dans cette histoire, les jeunes sont partis, les vieux aussi à leur manière définitive. Le spectateur mesure dans les personnages l'épaisseur de l'à venir sans avenir.

Dans la mise en scène d'Étienne Pommeret, au réalisme minimaliste, le jeu est direct, puissant. Il met en valeur le texte et les comédiens. Dans l'opposition frontale entre le voisin vindicatif et le fils miraculeusement de retour mais crispé, dans les parents étouffés, cabrés, dans les non dits. Tout est évoqué, tout est montré.

© Hervé Bellamy.
© Hervé Bellamy.
La violence qui s'accumule et explose (derniers jaillissements de vitalité), le doute qui travaille les consciences, la peur quasi superstitieuse de la fin des histoires, l'occasion ratée (celle du retour du fils prodigue trop espérée, et avortée). Le néant qui tombe en lieu et place de la nuit.

Le spectateur est pris dans les lacs de cette histoire qui involue, qui se referme sur elle-même et que le metteur en scène conduit jusqu'au doute.

Dans cette entreprise théâtrale où chacun reste comme emmuré, le réalisme glisse dans le fantastique. Peut-être après tout que le fils n'est qu'un fantôme qui vient hanter ses parents et le voisin. Le spectateur applaudit cette prestation. Il sait que la vie n'est que songe et lanterne du voisin.

"Le Fils"

© Hervé Bellamy.
© Hervé Bellamy.
Texte : Jon Fosse.
Traduction : Terje Sinding.
Mise en scène : Étienne Pommeret.
Avec : Sharif Andoura, Sophie Rodrigues, Karim Marmet, Étienne Pommeret.
Scénographie : Jean-Pierre Larroche.
Lumière : Jean-Yves Courcoux.
Costumes : Cidalia Da Costa.
Son : Valérie Bajcsa.
Production C'est pour Bientôt.
Durée : 1 h 15.

Du 4 au 13 avril 2018.
Du lundi au samedi à 20 h 30.
Théâtre L’Échangeur, Bagnolet (93), 01 43 62 71 20.
>> lechangeur.org

Jean Grapin
Vendredi 6 Avril 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024