La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

L'Orchestre de chambre de Paris invite les Prégardien Père et Fils

Dans une très belle captation pour la chaîne Arte Concert, l'Orchestre de chambre de Paris dirigé par son nouveau directeur musical, Lars Vogt, mêle musique, chant et danse dans un beau spectacle, "Père et Fils". On y applaudit les merveilleux ténors, Christoph et Julian Prégardien.



Au centre, Lars Vogt © DR.
Au centre, Lars Vogt © DR.
Comment faire vivre un concert sans public dans une captation pour l'écran ? Belle idée que cette production de l'Orchestre de chambre de Paris et de la Philharmonie (où l'orchestre est en résidence) que d'inviter le chorégraphe Thierry Thieû Niang à mettre en espace le concert imaginé par les Prégardien, père et fils. Une unique soirée donc consacrée à la filiation entre les arts, entre les familles d'artistes, à l'idée de transmission familiale, et mettant superbement en lumière la relation entre l'orchestre, le piano et les chanteurs secondés par les danseurs (Thierry Thieû Niang et le jeune Jonas Dô Huù).

Une soirée au programme royal de surcroît avec des œuvres orchestrales, des extraits d'opéra ou d'oratorio de Beethoven et Schubert et, pour la part du lion, des lieder de ce dernier, souvent revisités avec des transcriptions pour orchestre par les plus grands, tels Brahms, Berlioz, Liszt, Reger ou Webern. Le concert, conçu donc comme une histoire explorant le parcours fait de joies et de souffrances d'une vie, celle d'un père et de son fils, nous emmène sur une route où chaque étape (treize moments) constitue une pure épiphanie.

Christoph and Julian Prégardien © Hans Morren.
Christoph and Julian Prégardien © Hans Morren.
L'entrée en scène se fait avec l'Ouverture du "Prométhée" de Beethoven, donnée par un Orchestre de chambre de Paris dont l'homogénéité laisse un peu à désirer, avec des cuivres trop exubérants. Mais le plaisir de jouer ensemble est bien là. Un manque d'équilibre entre pupitres (plus prononcé dans la salle le 26 janvier que dans la captation) et de fondu entre les voix qui disparaîtra rapidement sous la baguette attentive de Lars Vogt.

L'idée d'hérédité du talent s'impose dès l'entrée de Julian Prégardien avec le "Prometheus" de Schubert (orchestré par Max Reger) sur un poème de Goethe. La voix large, chaude et éclatante du jeune ténor nous entraîne dans des hauteurs opératiques. Son père, Christoph, lui succède dans le "Greisengesang" fidèlement soutenu par l'orchestre. Le ténor à la crinière argentée y déploie son grand art de liedersänger, fait de subtilité, de sa capacité à colorer chaque mot, à rendre sensible une gamme presque infinie de sentiments mêlés. Un luxe d'émotions qui nous embarque pour un voyage fascinant dans les régions les plus secrètes de l'âme.

Lars Vogt, pianiste célébré, accompagnera aussi les Prégardien en solo ou en duo. Les ténors aux respirations communes, aux timbres richement mariés ont une belle présence, un vrai sens du drame, se renvoyant comme dans un miroir leurs images jumelles. Le ton de la soirée est donné : tout le spectacle se situera sur ces cimes, épousant les heurs et bonheurs d'une relation père/fils, du grand frisson de "Erlkönig" au lyrisme douloureux ("Der Wegweiser", "Der Doppelgänger") sans oublier les stations aux éclaircies radieuses ("Lied vom Wolkenmädchen").

Thierry Thieû Niang © DR.
Thierry Thieû Niang © DR.
Christoph Prégardien, diction admirable et musicalité irradiante, sait faire sentir la pesanteur du vécu, de l'abandon et de la mort ("Totengrabers Heimwehe") quand son fils, Julian, non moins habité, l'interroge fébrilement ("Mein Seele ist erschüttert") dans l'oratorio de Beethoven, "Le Chrisr au Mont des Oliviers". Tous deux sur le chemin du sublime apaisement final de "Nacht und Träume" et "Im Abendrot". Ils peuvent compter sur les danseurs pour faire vivre dans l'espace ce fécond dialogue, sous les belles lumières de Jimmy Boury.

L'Orchestre de chambre de Paris aura livré à mi-parcours une superbe Ouverture de "Coriolan", augurant du meilleur grâce à sa complicité avec le chef allemand.

Concert enregistré le 26 janvier et disponible jusqu'au 25 janvier 2022 sur la chaîne Arte Concert.

Ludwig van Beethoven (1770-1827) – Franz Schubert (1797-1828).

Christoph Prégardien, ténor, Le Père.
Julian Prégardien, ténor, Le Fils.
Thierry Thieû Niang, mise en scène et chorégraphie, Le Père.
Jonas Dô Huù, Le Fils.

Orchestre de chambre de Paris.
Lars Vogt, direction.

Christine Ducq
Lundi 1 Février 2021

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024