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Lyrique

Jonas Kaufmann, un cœur en hiver à Paris

Le grand ténor allemand fait étape à Paris le 8 avril 2014 au Théâtre des Champs-Elysées pour un récital de lieds. Il sera le Wanderer, ce voyageur au centre du cycle "Le Voyage d’hiver" de Franz Schubert, à l’occasion de la sortie de son superbe CD "Winterreise" chez Sony.



© Robert Millard/L.A. Opera.
© Robert Millard/L.A. Opera.
Faut-il encore présenter Jonas Kaufmann, le grand ténor dramatique adoubé à la fois par la critique et le public ? Pour mémoire, on l’a découvert à Paris grâce au regretté Gerard Mortier, précédent directeur de l’Opéra de Paris, dans le rôle de Florestan en 2008 (dans le "Fidelio" de Beethoven) et adoré dans le rôle éponyme du "Werther" de Massenet en 2010 au début du mandat de Nicolas Joël (avec une mémorable standing ovation - rarissime à Bastille - offerte par un auditoire quasiment en larmes !). Un rôle qu’il vient d’ailleurs de reprendre au Met à New York dans une nouvelle production dirigée par notre grand chef Alain Altinoglu.

Bref, toutes les grandes scènes s’arrachent désormais la star au charisme irrésistible. Le grand interprète bavarois à la voix d’or issu de l’école du lied fait merveille dans un large répertoire, de Wagner à Verdi, de Cilea à Mozart. Après un premier CD consacré au cycle "La Belle Meunière" de Franz Schubert, personne n’a oublié son récital dans ce même Théâtre des Champs-Elysées en 2010. Un grand moment de communion entre le chanteur et son public en totale adoration. Quatre ans après, Jonas Kaufmann et son accompagnateur fétiche au piano, Helmut Deutsch, proposent donc leur version du plus magistral des graals romantiques dans le domaine du lied, le cycle "Le Voyage d’hiver".

© Robert Millard/L.A. Opera.
© Robert Millard/L.A. Opera.
Sur des poèmes de Wilhelm Müller, Schubert a composé la plus émouvante des confessions : vingt quatre lieds qui retracent l’errance au cœur de l’hiver d’un voyageur trahi par celle qu’il aimait. Une errance dont l’étape ultime est sans doute le suicide. C’est bien l’hiver symbolique d’une âme perdue dans un monde glacé et les lieds du Wanderer disent les rêves trahis, les regrets déchirants, les élans morts-nés, la fatale inadaptation au monde. Musique et poésie témoignent ici de l’extrême sensibilité d’un compositeur mélancolique qui mourut jeune peu de temps après sans être parvenu à trouver sa place dans la Vienne du premier Romantisme.

Jonas Kaufmann parviendra-t-il au concert à retrouver ces couleurs subtiles, cette richesse de timbre, cette divine expressivité déployant trésors de ténuités comme éclats orageux dans ces méditations pudiques qu’il vient de graver sur CD ? Aucun doute là-dessus. Et si vous ratez ce récital, consolez vous : le ténor est programmé le 8 mai 2014 à l’Opéra Royal du château de Versailles pour un cycle de lieds de Gustav Mahler "Chants d’un compagnon errant". Allez, on sèche ses larmes.

Récital le mardi 8 avril 2014 à 20 h.

Théâtre des Champs-Elysées, 01 49 52 50 70.
15 avenue Montaigne 75008.
www.theatrechampselysees.fr

Franz Schubert, "Winterreise" D911.
D’après des poèmes de Wilhelm Müller.

Jonas Kaufmann, ténor.
Helmut Deutsch, piano.

Christine Ducq
Lundi 7 Avril 2014

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Concerts | Lyrique







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© Delphine Royer.
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© Philippe Hanula.
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11/03/2024
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Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

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