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Concerts

Jean-Claude Casadesus et les 40 ans de l'Orchestre National de Lille… toujours la note juste

Le chef d'orchestre, fondateur il y a quarante ans de l'Orchestre National de Lille, fête également cette année ses quatre-vingts ans et ses cinquante ans de carrière. Cet humaniste passionné et intègre a en cela relevé un vrai défi : donner une identité musicale forte à la région Nord Pas-de-Calais en portant haut des valeurs sur lesquelles il n'a jamais transigé.



© Ugo Ponte/ONL.
© Ugo Ponte/ONL.
Et c'est sans surprise que le chef lillois - né à Montmartre en 1935 dans une famille d'artistes - s'est exprimé fortement ces derniers jours pour manifester toute son horreur d'une installation du Front National à la tête de la région qu'il a si bien servie au nom de sa devise de toujours : "Porter la musique partout où elle peut être reçue". C'est au nom d'une éthique solide et d'une exigence artistique irréfragable que ce percussionniste de formation, grand représentant de la tradition française de direction, s'est révélé un pionnier à divers titres depuis quarante ans.

Quand il est appelé en 1976 dans une région Nord Pas-de-Calais frappée de plein fouet par la crise - après avoir étudié la direction d'orchestre avec Pierre Dervaux et Pierre Boulez, puis dirigé au Théâtre du Châtelet, à l'Opéra Comique et à l'Opéra de Paris - tout est à construire sur "les restes moribonds d'une formation radiophonique". Tout est à créer : un orchestre, un répertoire, un public, une identité. Un pionnier ? Certes. Jean-Claude Casadesus comprend que, sur ces terres connues pour son histoire tragique, ses sacrifices mais aussi pour sa grande générosité, il faut aller à la rencontre de tous les publics et convaincre ceux qui sont les plus éloignés de la culture qu'ils ont aussi droit à la grande musique - qu'ils peuvent même aimer ce répertoire français (entre autres) dont l'ONL se fera l'ambassadeur, et de quelle noble manière.

© Ugo Ponte/ONL.
© Ugo Ponte/ONL.
Ainsi, il est le premier à emmener son orchestre (formé à l'origine de trente musiciens et qui en compte désormais cent) en mission sur les routes et surtout dans les lieux les plus improbables alors : prisons, usines, hôpitaux afin d'apporter "de l'espérance dans des océans de souffrance". Aujourd'hui, cet éternel "jeune homme" (selon le violoniste Renaud Capuçon et le pianiste Nelson Freire) de quatre-vingts ans se targue de sillonner chaque année 6 à 7 000 kilomètres par an dans la région touchant deux-cent-cinquante villes et villages et deux-cent mille auditeurs (dont quinze mille enfants). On mesure le chemin parcouru.

L'orchestre accueillera les plus grands chefs, les meilleurs solistes, initiera les résidences de jeunes compositeurs en 2001 - dont Thierry Escaich et Bruno Mantovani qui ne tarissent pas d'éloge sur l'homme et l'artiste - et s'imposera sur d'autres terres que septentrionales, à l'étranger (32 pays à ce jour) tout en enregistrant trente-cinq disques souvent primés. En tant que chef, Jean-Claude Casadesus est également l'invité des plus grandes formations internationales de Londres à Saint-Pétersbourg, de Séoul à Philadelphie, de Berlin à Montréal. Outre son incontestable art, sa légendaire et très humaine modestie - devant les œuvres, à l'écoute des musiciens, sur le sens de sa mission - lui a gagné l'estime et la reconnaissance de tous, l'amitié des stars de la musique classique comme celle du public. Autant dire que pour lui - puisque l'ONL est une autre famille -, trouver son successeur à la direction musicale ne sera pas tâche aisée - chose pourtant prévue dans le courant de l'année 2016.

© Ugo Ponte/ONL.
© Ugo Ponte/ONL.
Permettez que cet article prenne un tour plus personnel. Comment oublier les émotions magnifiques pour la jeune étudiante abonnée que j'étais, quand l'orchestre jouait dans le vieux Palais Saint-Sauveur de Lille, puis s'installait dans l'Auditorium du Nouveau Siècle construit pour lui - avec Miguel-Angel Estrella, Maria-Joao Pires, Yehudi Menuhin, Brigitte Engerer et tant d'autres. Des moments inoubliables - comme ce concert où (le pianiste) Daniel Barenboim cessa de jouer avant de reprendre du début, furieux du bruit fait par un retardataire importun - pour une soirée beethovénienne parfaite. Alors oui, du fond du cœur merci Maestro ! Et bon anniversaire !

Prochains concerts :
"Noël en fête(s) : J. Strauss Fils, J. Offenbach, F. Lehar."
Mercredi 16, lundi 21 et mardi 22 décembre 2015 à 20 h.
Auditorium du Nouveau Siècle, 03 20 12 82 40.
30, place Mendès-France, Lille (59).
>> onlille.com

Philharmonie de Paris le 20 juin 2016.

● Richard Strauss, "Ein Heldenleben" ; Albéric Magnard, "Chant funèbre" opus 9 pour orchestre.
Orchestre National de Lille.
Jean-Claude Casadesus, direction.
Label : Naxos.
Sortie : décembre 2015.

Christine Ducq
Samedi 12 Décembre 2015

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