Comme selon l’adage populaire, dans la vie (et celle de Brel en est le vivant exemple…) tout commence par une chanson, c’est "le Diable" qui ouvre le bal par la litanie rythmée des catastrophes en chaîne égrenées avec une énergie… démoniaque. Les lettres géantes de "ça va, ça va" glissent en nappes régulières du haut de la falaise, accompagnant en contrepoint nos dérèglements diaboliques. Une manière pour Anne Teresa de Keersmaeker, elle qui dans ses années d’études avait choisi Antonin Artaud comme sujet de dissertation, de faire entendre que, dans les chansons retenues, celles portant le sceau de la folie des hommes auront toute leur place.
Après une suspension du temps (qui se répétera entre chaque écoute), les notes lancinantes de "Sur la place chauffée au soleil/Une fille s'est mise à danser" s’élèvent, envoûtantes, dans l’air du soir. La chorégraphe, immobile de dos dans son costume, les pieds (ar)rimés au sol, épouse imperceptiblement les vibrations de l’air incandescent prenant possession de son corps animé par les frémissements du désir. Hymne au désir brûlant, supplice de la tentation pour les hommes rangés arrimés à leur médiocrité tranquille.
Après une suspension du temps (qui se répétera entre chaque écoute), les notes lancinantes de "Sur la place chauffée au soleil/Une fille s'est mise à danser" s’élèvent, envoûtantes, dans l’air du soir. La chorégraphe, immobile de dos dans son costume, les pieds (ar)rimés au sol, épouse imperceptiblement les vibrations de l’air incandescent prenant possession de son corps animé par les frémissements du désir. Hymne au désir brûlant, supplice de la tentation pour les hommes rangés arrimés à leur médiocrité tranquille.
"Quand on a que l’amour à s’offrir en partage" qui lui succède, explose ses notes, libérant les corps des interprètes liés par l’énergie que seul le sentiment amoureux procure… avant que "La valse à mille temps" nous entraine dans un tourbillon – digne du vent d’autan – déferlant sur le plateau nu. La vie, exaltante et exaltée par le corps du danseur décuplant l’énergie de l’orchestration musicale… Quant aux "Flamandes", ce clin d’œil adressé aux origines du chanteur belge et reçue comme une provocation par la communauté flamande, elle est dansée avec une énergie espiègle, la danseuse n’hésitant pas comme Brel ne manquait pas de le faire à grossir le trait dans des grimaces significatives, tandis que le danseur scande à tue-tête "Les fla, les fla, les flamandes".
Quand s’élèvent les premières paroles de "Ne me quitte pas… Il faut oublier… Oublier le temps des malentendus…", trouant le silence de la nuit noire qui nous enveloppe, le souffle est suspendu. Dans une chorégraphie traversée par une ligne de faille, la danseuse mise à nu par l’amour blessé, le visage du chanteur projeté sur son corps frissonnant, les yeux rivés sur les images tremblantes de Brel en concert, occupe la place de l’amant délaissé. Une émotion redoublée ensuite par les accents de "Marieke", chantée en flamand.
Quand s’élèvent les premières paroles de "Ne me quitte pas… Il faut oublier… Oublier le temps des malentendus…", trouant le silence de la nuit noire qui nous enveloppe, le souffle est suspendu. Dans une chorégraphie traversée par une ligne de faille, la danseuse mise à nu par l’amour blessé, le visage du chanteur projeté sur son corps frissonnant, les yeux rivés sur les images tremblantes de Brel en concert, occupe la place de l’amant délaissé. Une émotion redoublée ensuite par les accents de "Marieke", chantée en flamand.
Des visages et des paysages… Tandis qu’en surimpression défilent les paysages en noir et blanc du "Plat pays qui est le mien", la danseuse esquisse quelques pas légers, emportée comme dans un rêve éveillé par la poésie des vagues… "Bruxelles" puis "Les Bourgeois" lui succèdent, mettant le feu. Le danseur se lance alors dans un numéro de break dance à décoiffer les notaires, jusqu’à ce que son pantalon tombe de manière clownesque sur ses talons, montrant ravi son cul aux bourgeois… dont Brel reconnaissait humblement faire partie, la férocité dirigée aussi à son encontre.
"La Fanette" aux accents mélancoliques d’un amour noyé dans la déception et dont la charge émotionnelle submerge dans ses vagues successives, offre les ombres des danseurs projetées sur les rochers avant que "les Vieux", cristallisation du temps qui passe, ne viennent nous rappeler "la pendule d’argent qui ronronne au salon, et puis qui nous attend". Le visage déformé de Brel, projeté, et de ses mains tremblantes, trouvent leur écho dans les danseurs gagnés par les mêmes transes, elle et lui se cherchant désespérément du bout des yeux.
L’exaltation de "Mathilde est revenue", visant à contenir l’anxiété que le retour inespéré de la femme aimée suscite, donne lieu à une série rageuse de break dance où le danseur exalte les élans qui le traversent. L’impossible de l’amour – thème récurrent chez Brel – se retrouve encore magistralement dans le personnage de Frida extraite de "Ces gens-là", où les performances théâtrales et dansées atteignent des sommets expressifs à la hauteur des portraits taillés au scalpel prenant figure dans les contorsions dansées. Frida et son amant séparés à jamais par la bêtise crasse des rustres, elle et lui dos à dos.
"Dans le port d’Amsterdam" éclate ses notes colorées des lumières rouges déversées sur le plateau, tandis que Brel en concert apparait projeté sur les rochers, salué par un tonnerre d’applaudissements enregistrés. Les marins danseurs referment leur braguette, avant que d’autres chansons n’amplifient la violence des sentiments… "Je viens rechercher mes bonbons", donnera lieu là encore à des interprétations très théâtralisées des deux danseurs se réappropriant la gestuelle débridée du Grand Jacques. "La chanson des vieux amants" fera entendre ses accents lyriques pendant que mots et lettres se déformeront comme des vagues glissant du haut de la falaise.
"La Fanette" aux accents mélancoliques d’un amour noyé dans la déception et dont la charge émotionnelle submerge dans ses vagues successives, offre les ombres des danseurs projetées sur les rochers avant que "les Vieux", cristallisation du temps qui passe, ne viennent nous rappeler "la pendule d’argent qui ronronne au salon, et puis qui nous attend". Le visage déformé de Brel, projeté, et de ses mains tremblantes, trouvent leur écho dans les danseurs gagnés par les mêmes transes, elle et lui se cherchant désespérément du bout des yeux.
L’exaltation de "Mathilde est revenue", visant à contenir l’anxiété que le retour inespéré de la femme aimée suscite, donne lieu à une série rageuse de break dance où le danseur exalte les élans qui le traversent. L’impossible de l’amour – thème récurrent chez Brel – se retrouve encore magistralement dans le personnage de Frida extraite de "Ces gens-là", où les performances théâtrales et dansées atteignent des sommets expressifs à la hauteur des portraits taillés au scalpel prenant figure dans les contorsions dansées. Frida et son amant séparés à jamais par la bêtise crasse des rustres, elle et lui dos à dos.
"Dans le port d’Amsterdam" éclate ses notes colorées des lumières rouges déversées sur le plateau, tandis que Brel en concert apparait projeté sur les rochers, salué par un tonnerre d’applaudissements enregistrés. Les marins danseurs referment leur braguette, avant que d’autres chansons n’amplifient la violence des sentiments… "Je viens rechercher mes bonbons", donnera lieu là encore à des interprétations très théâtralisées des deux danseurs se réappropriant la gestuelle débridée du Grand Jacques. "La chanson des vieux amants" fera entendre ses accents lyriques pendant que mots et lettres se déformeront comme des vagues glissant du haut de la falaise.
Mais il se fait tard… de "chrysanthème en chrysanthème nos amitiés sont en partance", "J’arrive" déverse la rage de sentir que la mort – jamais citée, toujours présente – pointe son nez à l’horizon du temps qui passe, déclenchant sur le plateau le soulèvement des danseurs claquant avec force leur veste sur le sol, elle défaisant ses cheveux, lui rageur… Expérience universelle de l’existence telle qu’elle s’éc(r)oule, "Non Jef t'es pas tout seul" donne l’opportunité aux danseurs, lui les bras en croix au sol, elle le tirant par la jambe pour le relever, de se lancer dans des figures effrénées où elle tournoie, couchée sur son épaule, comme dans un tourbillon célébrant très haut l’amitié, bôme à laquelle s’arrimer lorsque tout se dérobe autour de vous.
La pendule égrène inexorablement ses heures comptées… L’amour et la mort, liés indissolublement, jusque dans leur graphie où une seule lettre les sépare, sont exaltés dans "Les Marquises". Enfin, "Jojo" résonnera dans le noir complet. La danse est finie, seule la voix emplit l’espace où bientôt le chanteur rejoindra son ami disparu.
La pendule égrène inexorablement ses heures comptées… L’amour et la mort, liés indissolublement, jusque dans leur graphie où une seule lettre les sépare, sont exaltés dans "Les Marquises". Enfin, "Jojo" résonnera dans le noir complet. La danse est finie, seule la voix emplit l’espace où bientôt le chanteur rejoindra son ami disparu.
Que dire de cette traversée, de ce voyage au pays de Brel effectué en compagnie de deux danseurs aussi investis et libres que lui ? Si ce n’est le pur bonheur d’avoir été emporté par leur souffle dansé… Avec eux, l’amour, la vieillesse, la mort, l’amitié, la haine des existences ratatinées, le désir ardent jusqu’à se brûler les ailes, prennent corps dans des chorégraphies réglées au millimètre. La trame géométrique au sol garantissant la liberté du propos, la chorégraphie épousant ou contredisant le texte en suivant la logique de sa propre écriture, accomplit le miracle du Verbe se faisant Chair. Un miracle laïc conduisant, sous le soleil noir de Boulbon, à une épiphanie partagée.
◙ Yves Kafka
Vu le lundi 14 juillet à la Carrière de Boulbon, Boulbon (13).
◙ Yves Kafka
Vu le lundi 14 juillet à la Carrière de Boulbon, Boulbon (13).
"Brel"
Spectacle Danse Belgique-France.
Concept, chorégraphie et danse : Anne Teresa De Keersmaeker, Solal Mariotte.
Chansons : Jacques Brel.
Lumière : Minna Tiikkainen, assistée de Marla Van Kessel.
Scénographie : Michel François.
Costumes : Aouatif Boulaich.
Dramaturgie : Wannes Gyselinck.
Direction des répétitions et assistant : Johanne Saunier, Nina Godderis.
Recherche danse : Pierre Bastin.
Recherche musicale : France Brel - Fondation Jacques Brel, Filip Jordens.
Son : Alex Fostier.
Création vidéo : Stijn Pauwels.
Montage vidéo : Lennert De Taeye.
Coordination artistique et planning : Anne Van Aerschot.
Assistant à la direction artistique : Martine Lange.
Costumes : Veerle Van den Wouwer, assistée de Chiara Mazzarolo et Els Van Buggenhout.
Habillage : Ella De Vos.
Couture : Sylvie Borremans, Lisa Fayt, Francesca Pisano.
Durée : 1 h 30.
Spectacle créé le 18 juin 2025 au Concertgebouw Brugge.
Première en France pour le Festival d’Avignon.
•Avignon In 2025•
Les 6 et 7, du 9 au 11, du 13 au 15, du 17 au 20 juillet 2025.
Représenté à 22 h.
Carrière de Boulbon, Boulbon.
Billetterie en ligne
>> festival-avignon.com
Tournée
Du 28 au 31 juillet 2025 : Akademietheater, Impulstanz, Vienne, (Autriche).
27 et 28 août 2025 : L'Intime Festival Grande Salle, Namur (Belgique).
8 et 9 novembre 2025 : Internationaal Theater Amsterdam, Amsterdam (Pays-Bas).
Du 26 au 29 novembre 2025 : De Singel, Anvers (Belgique).
10 et 11 décembre 2025 : La Comète Scène nationale, Châlons-en-Champagne (51).
19 et 20 décembre 2025 : Teatro Central, Séville (Espagne).
Du 7 au 18 janvier 2026 : Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique).
Du 31 mars au 2 avril 2026 : Viernulvier, Gand (Belgique).
5 mai 2026 : Cultuurcentrum Hasselt, Hasselt (Belgique).
Du 11 au 20 mai 2026 : Théâtre de la Ville, Paris (75).
4 juin 2026 : Leietheater, Deinze (Belgique).
Concept, chorégraphie et danse : Anne Teresa De Keersmaeker, Solal Mariotte.
Chansons : Jacques Brel.
Lumière : Minna Tiikkainen, assistée de Marla Van Kessel.
Scénographie : Michel François.
Costumes : Aouatif Boulaich.
Dramaturgie : Wannes Gyselinck.
Direction des répétitions et assistant : Johanne Saunier, Nina Godderis.
Recherche danse : Pierre Bastin.
Recherche musicale : France Brel - Fondation Jacques Brel, Filip Jordens.
Son : Alex Fostier.
Création vidéo : Stijn Pauwels.
Montage vidéo : Lennert De Taeye.
Coordination artistique et planning : Anne Van Aerschot.
Assistant à la direction artistique : Martine Lange.
Costumes : Veerle Van den Wouwer, assistée de Chiara Mazzarolo et Els Van Buggenhout.
Habillage : Ella De Vos.
Couture : Sylvie Borremans, Lisa Fayt, Francesca Pisano.
Durée : 1 h 30.
Spectacle créé le 18 juin 2025 au Concertgebouw Brugge.
Première en France pour le Festival d’Avignon.
•Avignon In 2025•
Les 6 et 7, du 9 au 11, du 13 au 15, du 17 au 20 juillet 2025.
Représenté à 22 h.
Carrière de Boulbon, Boulbon.
Billetterie en ligne
>> festival-avignon.com
Tournée
Du 28 au 31 juillet 2025 : Akademietheater, Impulstanz, Vienne, (Autriche).
27 et 28 août 2025 : L'Intime Festival Grande Salle, Namur (Belgique).
8 et 9 novembre 2025 : Internationaal Theater Amsterdam, Amsterdam (Pays-Bas).
Du 26 au 29 novembre 2025 : De Singel, Anvers (Belgique).
10 et 11 décembre 2025 : La Comète Scène nationale, Châlons-en-Champagne (51).
19 et 20 décembre 2025 : Teatro Central, Séville (Espagne).
Du 7 au 18 janvier 2026 : Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique).
Du 31 mars au 2 avril 2026 : Viernulvier, Gand (Belgique).
5 mai 2026 : Cultuurcentrum Hasselt, Hasselt (Belgique).
Du 11 au 20 mai 2026 : Théâtre de la Ville, Paris (75).
4 juin 2026 : Leietheater, Deinze (Belgique).