La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Trib'Une

"Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée", phénomène atmosphérico-théâtral dans lequel coulent à "flow" les mots d'Alfred de Musset

La chronique d'Isa-belle L

Il fait chaud, c'est vrai. À ce propos, si on ouvrait une fenêtre ? Non ? Une porte plutôt… Deux portes ouvertes laissent passer les courants d'air. Les courants d'air, en cette période estivale, voire limite caniculaire, sont souvent très mauvais et refilent des toux et autres angines passagères. Pour contrer cela, il y a la méthode moderne : "la clim'" ou climatisation pour les puristes du langage. Pas si moderne, puisqu'elle a été créée au début du XXe…



© Stanislas Liban.
© Stanislas Liban.
Bref ! personnellement, je reste classique et je penche pour le bon vieux courant d'air. Comme dans la Talbot de mon père en 1982. Mais ? Une question, soudain ? Y a-t-il la clim' au Lucernaire ? Peu importe ! Je suis une classico-moderne, je m'adapte à tout, même si je vous avoue n'avoir jamais encore testé le Homard de couleur bleu. Le Homard bleu, c'est le drôle de nom de la compagnie qui s'est emparée du texte d'un de mes auteurs préférés. Direction donc le Paradis, salle perchée du Lucernaire en plein cœur de Paris.

La chaleur encore, au milieu de tous ces gens puis, soudain : Niagara et son "Amour à la plage". Décidément, ils ont tout bon les deux acteurs, également metteurs en scène, ils choisissent aussi un de mes morceaux préférés. Au gré du spectacle, ce duo chic sème vent et pagaille sur le plateau et que la porte soit ouverte ou fermée, le courant d'air que tous deux envoient, remplace bien toutes les "clim's" révolutionnaires. Pinces d'humour (La séquence Guetta est géniale d'inventivité) et rythme décapant.

© Stanislas Liban.
© Stanislas Liban.
Aucune perturbation. Le texte de Musset est parfaitement transposé. La marquise - subtile Anne-Sophie Liban - est belle, et de son allure fine et élancée, elle défend sa position face à un comte - formidable Mathias Fortune Droulers - hautement méritant et super conquérant. Il lui fait la cour mais ça ne prend pas malgré un sourire ravageur et une âme d'aventurier. La marquise est une femme, une guerrière qui ne se laisse pas faire. Manquerait plus que ça !

Alors il part, revient, repart… et de vraies déclarations en faux départs, se dévoile peu à peu un amour franc et sincère qui fera fondre la belle marquise aux ongles des pieds et mains vernis, dressée sur de hauts talons, hyper sexy. Cette adaptation ultra modernisée par la forme à travers les tenues vestimentaires, les sons, le corps (grande réussite de ce spectacle) et le décor, me fait penser à un conte de fées. Un homme, une femme. Ils sont terriblement craquants et forment d'ailleurs un couple très assorti, avec du chien comme on dit !

Il y a quelque chose de palpitant, ils ont tout mais iront-ils au bout ? Le souhaite-t-elle vraiment ? Et lui ? Ce beau au bonnet orange, que cherche-t-il vraiment ? Qu'attend-il de cet amour ? Que feront-ils nos deux tourtereaux ? Pardon, nos deux magnifiques crustacés ?

© Stanislas Liban.
© Stanislas Liban.
Le vent, la pluie nous le diront sûrement. La porte se refermera… parce que trop de courants d'air provoquent des toux ou autres angines passagères et il serait bien triste que ce duo excellent prenne froid alors qu'il donne là un spectacle de haut niveau et je pèse mes mots puisqu'ils se battent les pieds dans l'eau, elle danse le "mambo" et leurs corps sont aussi présents que leur diction est fluide dans cet écrin modernisé d'une des œuvres d'Alfred de Musset.

Pas besoin de clim' au Paradis puisque la tête est dans les nuages. Le Homard bleu offre à Alfred de Musset, un très bel hommage. C'est le paradis oui ! Et à défaut d'y trouver la plage… il fera toujours rêver puisque l'amour y triomphera toujours… qu'il soit blanc ou bleu.

"Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée"

© Stanislas Liban.
© Stanislas Liban.
Texte : Alfred de Musset.
Mise en scène : Anne-Sophie Liban et Matthias Fortune Droulers.
Assistante à la mis en scène : Katia Miran.
Idée originale : Yohan Guion.
Avec en alternance : Anne-Sophie Liban/Katia Miran et Matthias Fortune Droulers/Vladimir Perrin.
Scénographie : Marion de Villechabrolle.
Lumières : Cynthia Lhopitallier.
Son : Rozenn Lièvre.
Costumes : Audrey Belin.
Compagnie Le Homard bleu.
Durée : 1 h 10.

Du 11 juillet au 19 août 2018.
Du mercredi au samedi à 21 h, dimanche à 17 h.
Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Isabelle Lauriou
Jeudi 19 Juillet 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024