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Hyacinthe et Rose... "Qui peut dire où vont les fleurs du temps qui passe ?" (1)

La chronique d'Isa-belle L

"Ma grand-mère a quelque chose, que les autres femmes n'ont pas. Ma grand-mère est une rose, d'un rose qui n'existe pas. (…) Mes plus lointains souvenirs remontent jusque dans ses bras. (…) c'est malheureux mais quand j'y pense, je ne peux pas imaginer un jour la France, sans qu'elle soit là !" (2)



Il y a nos grands-mères, et les souvenirs auxquels nous ne pouvons échapper. La cueillette des fraises dont la moitié était dégommée à l'arrivée. Nos grands-pères qui, parfois, nous ont fait flipper. Avec leurs cheveux dressés sur la tête, en pleine nuit, pour venir calmer l'ardeur de petites-filles bien trop pipelettes.

Il y a des souvenirs à la pelle pour chacun d'entre nous. Et, en cette rentrée de septembre, revenir en arrière, revoir ces beaux moments où nous n'étions que des enfants… se remémorant les journées d'été dans le jardin des grands-parents, c'est revigorant. Plus encore. Enivrant.

Il y a pour cela, amateurs de fleurs, passionnés de mots et spectateurs de tous horizons, un spectacle à ne pas louper en ce début de saison. Réunissant un étonnant duo. François Morel, bêcheur de lettres en tous genres et grand conteur d'histoire, accompagné d'Antoine Sahler, jardinier de notes au sourire espiègle et au visage d'adolescent.

Il y a eu, avant, ces portraits de fleurs peints par Martin Jarrie que la plume aromatisée de François Morel accompagne dans un recueil que je vous conseille. "Hyacinthe et Rose" a démarré ici. En découle donc cette pièce à qui je dois un retour en arrière d'au moins trois décennies. Ce que j'ai vieilli !

À fleur de peau après vingt bonnes minutes de métro, je me vois placée à côté d'Helena Noguera - sœur de Lio - au sourire enjôleur. Voilà ! Qui m'a redonné du baume au cœur. Sur le plateau, peu de chose, des instruments ici et là, table et chaise de jardin et, en fond de scène, un écran où défilent dans le ciel quelques nuages… sur lequel mes yeux se posent en attendant François Morel.

Il arrive, comme une fleur, s'installe, le trac l'accompagne. Des amis à lui sont dans la salle. Des "ex" Deschiens. Troupe fidèle et géniale. Il prend tous les tons, endosse tous les rôles, qu'il soit assis ou debout. Il est à la fois, ce curé de campagne, cette mamie Rose, ce papi Hyacinthe mais surtout ce petit garçon qui raconte… et revient sur des anecdotes, des moments de vie, celle d'avant quand il était petit…

Les notes de son acolyte ponctuent ou accompagnent les scènes, émouvantes, drôles, si réalistes, si parlantes… Dans la peau de cet enfant qui a aimé tellement ses grands-parents, on s'amuse avec lui face au cousin emmerdant. On éclate de rire alors qu'il dit qu'il veut mourir. On s'émeut quand il grandit. C'est si bien écrit. Si subtil. Si réussi. Un tour de magie que ce spectacle.

En un peu plus d'une heure, le retour vers ce passé fait oublier le monde d'aujourd'hui. Cette société moderne où tout le fout le camp. Où prendre un livre et observer dans les yeux des enfants, les fleurs, les arbres, ce que la nature a de meilleur, devient si rare. Où, jouer des heures avec ses copains, sans télé, sans tablette, sans DS, sans Burger pour le goûter, semble complètement vain.

Il y a un vrai bonheur à assister à ce moment de théâtre, ici, à Paris. Comme un souffle apaisant sur la joue des spectateurs venus entendre bien plus qu'une histoire, bien plus que des souvenirs d'enfant qui retrace un bout de la vie avec ses grands-parents. Il y a surtout l'envie de se dire, à la sortie, que des souvenirs, il faut en conserver le meilleur. Qu'ils sont des cadeaux aussi, qu'il est parfois bon d'offrir. Voilà que Monsieur Morel, en virtuose de la comédie, l'a permis, donnant au passage les larmes aux yeux à de nombreux spectateurs.

- Papi, ça te rappelle quelque chose les "Deschiens" ?
- Pourquoi que ça me dirait quequ'chose dis ?
- Parce qu'ils sont rigolos, ils s'habillent un peu comme toi et ils disent des phrases qu'on comprend pas.
- Parce que tu comprends point qu'est-ce que je te dis ? c'est la bonne de l'année celle-là !


Ah ! Papi, ce que j'aimerais que tu sois encore en vie, ce spectacle tu l'aurais "bah'dame, bein applaudi".
Parole de petite !

(1) Extrait de la chanson "Que sont devenues les fleurs" ou "Where are all the flowers gone?" de Pete Seeger et Joe Hickerson. Traduite, adaptée et chantée par Francis Lemarque sous le titre "Où vont les fleurs ?", album "Mes années 50" (NDLR).
(2) "Ma grand-mère", Mickey 3D, album "La Trève" (2001).

"Hyacinthe et Rose"

Auteur : François Morel.
Avec : François Morel et Antoine Sahler (au piano et autres instruments).
Scénographie : Édouard Laug.
Lumières : Alain Paradis.
Texte édité aux Éditions Thierry Magnier.
Durée : 1 h 10.

Du 8 septembre au 11 décembre 2015.
Du mardi au samedi à 19 h et matinée le samedi à 17 h.
Théâtre de l’Atelier, Paris 18e, 01 46 06 49 24.
>> theatre-atelier.com

Isabelle Lauriou
Lundi 14 Septembre 2015

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

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© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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© Philippe Hanula.
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