La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Gloria"… Cocktail artistique explosif !

Le chorégraphe José Montalvo nous emmène, avec une musique allant du baroque au moderne en passant par le jazz manouche, dans un voyage intime où, au travers du flamenco, des danses classique, contemporaine, urbaine et africaine, se mêlent des récits personnels qui alimentent chaque tableau scénique.



© Patrick Berger.
© Patrick Berger.
C'est un spectacle qui s'alimente autant d'art que de confidences, de mots dits que de propos déclaratifs, de tranches de vie montrées que d'intimité dévoilée. Les chorégraphies restent centrales autour d'un cocktail où se mêlent flamenco, hip-hop, danses africaine et classique avec, entre autres, pour celle-ci, une danseuse qui fait des levées de jambes et des demi-tours sur elle-même en tournant autour de la scène quand pour celle-là, le rythme très physique et très vif est donné par les membres inférieurs et le bassin.

Le spectacle est riche aussi musicalement avec, entre autres, Vivaldi (1678-1741) et le jazz manouche. Ces différents tempos donnent une trame artistique très variée à la représentation, la déclinant dans différentes configurations spatiales et chorégraphiques. En solo, en duo, en trio ou en groupe, chaque tableau devient une entité à part entière qui se relie aux autres au travers d'une entrée en matière toujours identique, celle d'un interprète, en avant-scène debout côté cour, micro à la bouche qui raconte un moment important ou déclencheur de sa vie.

© Patrick Berger.
© Patrick Berger.
Ces liens verbaux entre chaque artiste et le public donnent lieu à une excursion intime dans l'existence de ceux-ci. Des moments de vie s'entrelacent, au travers de parcours différents, qui ont un point commun, celui d'avoir été marqué au préalable par un rejet, une exclusion qui sont devenus une force pour chacun d'eux. Déclarations presque politiques car elles dénoncent une exclusion soit de la famille, soit de la société, soit d'un corps artistique, à cause d'un handicap avéré ou non, ou d'une différence physique.

José Montalvo utilise aussi la vidéo pour donner au public un double rapport à la représentation afin de le situer autant comme acteur que comme spectateur. Voir les artistes en vidéo permet de donner à la scène un rapport beaucoup plus direct à ce qu'ils disent en s'en sentant plus concerné. Cette mise en situation peut rendre le public spect-acteur. Même si tout n'est pas vidéo et image, celles-ci permettent de donner aussi un recul à ce qui se passe. Projetées, elles donnent une profondeur scénique avec un certain décalage visuel et, par ricochet, temporel.

© Patrick Berger.
© Patrick Berger.
Le cocktail artistique présenté est superbe, car il relie différentes chorégraphies dont la gestuelle et le tempo peuvent être antinomiques. Et pourtant ! José Montalvo considère le geste comme un élément esthétique pouvant se suffire à lui-même par ses courbes et ses trajectoires, sans que le rythme doive en donner forcément une allure absolue. C'est pourquoi, les musiques baroque et manouche, avec d'autres modernes, se prêtent avec délice et harmonie aux danses autant traditionnelles que contemporaines sous des tropiques aussi variés qu'africains et européens.

C'est gai, joyeux, vif et rapide, avec de superbes solos de flamenco accompagnés de palmas, de floreos et de taconéos, souvent extrêmement rapides. Plus loin, c'est un solo de hip-hop accompagnés de palmas pour un mariage audacieux. Encore plus loin, c'est un duo d'hommes habillés en robe qui font un mélange de contemporain et de hip-hop. Plus en avant, c'est un solo de danse africaine accompagné ensuite par un chant, le tout repris par le groupe. Ces différents moments scéniques, et ils ne sont pas les seuls, forment un kaléidoscope aux couleurs variées, vives, chaudes et rythmées. À l'inverse du verbe qui est, souvent, combatif et revendicateur, le corps devient libératoire et joyeux.

© Patrick Berger.
© Patrick Berger.
Ainsi, cette Hispanique, dévoilant ses seins accompagnés d'autres acolytes faisant de même, exprime via le flamenco son identité corporelle, avec ses rondeurs, et au préalable une entrée en matière orale animée d'une certaine révolte. Ailleurs, le verbe peut se faire plus court et raisonné, les gestuelles restent toutefois toujours multiples, variées, très expressives et selon les séquences, courbes, anguleuses ou larges.

C'est un spectacle aux mille couleurs avec de jolis tableaux dont les éléments scénographiques restent principalement la disposition des interprètes sur scène. Tout tourne autour d'eux, autant par leur verbe que par leur disposition spatiale. La joyeuseté de ceux-ci fait oublier les revendications comme si, pour, à l'inverse, paraphraser Napoléon (1769-1821), le corps gagnait au final face à l'esprit.

"Gloria"

© Patrick Berger.
© Patrick Berger.
Chorégraphie, scénographie, conception vidéo : José Montalvo.
Assistante à la chorégraphie : Joëlle Iffrig.
Avec : Karim Ahansal dit Pépito, Michael Arnaud, Rachid Aziki dit ZK Flash, Sellou Nadège Blagone, Élénore Dugué, Serge Dupont Tsakap, Fran Espinosa, Samuel Florimond dit Magnum, Elizabeth Gahl Lenotre, Rocío Garcia, Florent Gosserez dit Acrow, Rosa Herrador, Dafra Keita, Chika Nakayama, Beatriz Santiago, Denis Sithadé Ros dit Sitha.
Musiques : "Moldavian Sheperds' Dance" interprétée par Taraf De Haïdouks ; "Pasona Kolo Pasona Kolo" interprétée par Nemanja Radulovic, Double Sens, Laure Favre-Khan, Nicolas Montazaud ; "Knowing The Ropes" composée par Michael Nyman et interprétée par Nigel Barr, Motion Trio ; "Griselda : Agitata Da Due Venti" d'Antonio Vivaldi interprétée par Cecilia Bartoli ; "Say" composée et interprétée par Nils Frahm ; "Nisi Dominus, Rv 608 : Cum Dederit" d'Antonio Vivaldi interprétée par Philippe Jaroussky ; "Le Nombril" composée par Philippe Gérard et interprétée par Jeanne Moreau.
Costumes : Agnès D'At, Anne Lorenzo.
Scénographie, lumières : Didier Brun.
Son : Pipo Gomes, Clément Vallon.
Régisseur vidéo et collaboration artistique : Franck Lacourt
Collaborateurs artistiques : Sylvain Decay, Clio Gavagni, Michel Jaen Montalvo.
Chef opérateur : Daniel Crétois.
Cadreuse : Prune Brenguier.
Durée : 1 h 15.

Spectacle ayant eu lieu du 18 au 22 octobre 2022.
La Villette, Espace Chapiteaux, Paris 19e.
Dans le cadre de la programmation hors les murs du théâtre de la Ville
>> lavillette.com

© Patrick Berger.
© Patrick Berger.

Safidin Alouache
Mercredi 26 Octobre 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024