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Fidelio : Un opéra-conte qui porte la force de l'enchantement et la puissance de la Liberté

"Fidelio", Walpurgis Muziektheater, Tournée

Ils sont beaux tous les deux et jeunes et s'aiment. Ils défilent pour la liberté et la jeune femme ne se défile pas quand il faut sauver son homme qui est emprisonné dans une geôle infâme pour avoir manifesté. Elle se travestit en homme (ce qui est classique dans tout bon récit), se jette dans la gueule du loup et réussit son coup…



© Stef Depover.
© Stef Depover.
Elle avance par ruse et séduction, ne recule pas devant la force et la violence, déjoue les pièges que son déguisement, suscitant des désirs ambigus, entraîne. Son homme, victime de l'arbitraire, est mal en point mais vivant.

Superwoman.

Le seul opéra que Beethoven ait écrit dans la traversée de l'épopée Napoléonienne en Allemagne est transposé pour les enfants par Judith Vindevogel.

L'adaptation simplifie le récit en n'en retenant que l'essentiel ainsi que les nœuds que constituent les grands airs des sopranos et du baryton. Le livret est véritablement contemporain avec ses tics de langages. Les images sont d'actualité et la musique d'accompagnement rythmée ne rechigne pas à avoir une couleur électronisée. Le Fidélio pour enfants et leurs parents est une œuvre originale et à l'évidence atteint les petits d'hommes du vingt et unième siècle.

© Stef Depover.
© Stef Depover.
Le résultat est étonnant, ébouriffe quelque peu et emporte une adhésion immédiate car le récit est fort et le jeu, qui glisse souplement du mime au dialogue, équilibré. Ce Fidélio constitue une entrée en matière d'opéra stimulante.

Car les interprètes comédiens sont d'authentiques chanteurs d'opéra ! Ils créent de véritables caractères travaillés chacun par son grand air. Le vieux maître qu'est Beethoven prouve encore, grâce à eux, la permanence, la jeunesse et la pertinence de sa musique. Les enfants restent bouche bée devant la puissance et la grâce du chant. Ils découvrent qu'il y a tout ça dans Fidelio : le voyage initiatique de l'illusion lyrique au désenchantement, la force et de la puissance de la Liberté, la force et la puissance de l'Amour et de la Fidélité, la force et l'optimisme de la vie plus fort que la déchéance et la mort. La force de l'enchantement.

Le spectateur entend comment la musique amplifie le récit d'une histoire simple, éprouve le sentiment, toujours révolutionnaire, de la Liberté.

Tout cela finit comme il se doit en chanson par un hymne à la joie revisité et repris en chœur par le public.

"Fidelio"

© Stef Depover.
© Stef Depover.
Opéra-conte de Judith Vindevogel d'après Beethoven.
À partir de six ans.
Traduction : Lorenzo Caròla en collaboration avec Judith Vindevogel.
Création, conception, livret et mise en scène : Judith Vindevogel.
Musique : Ludwig von Beethoven.
Avec : Liesbeth Devos/Annelies Van Hifte (soprano), Astrid Stockman/Laure Campion (soprano), Ronan Debois/Kurt Gysen (baryton), Jago Moons (musicien), Saïd Boumazoughe (film).
Scénographie et lumière : Stef Depover.
Arrangements : Jago Moons.
Costumes : Caroline Wittemans (conception) et Hilde Mertens (exécution).
Masque et marionnette : Filip Peeters.
Régisseur de plateau et son : Francis Van Laere.
Décor : Francis Van Laere, Danny Havermans, Vicente Simone y Araixa, Marco Santy.
Illustration : Ingrid Godon.
Actions culturelles : Nathalie Négro (pianoandco).
Durée : 45 minutes environ.

© Stef Depover.
© Stef Depover.
Tournée
6 au 9 janvier 2016 : Opéra de Saint-Étienne, Saint-Étienne (42).
12 au 14 janvier 2016 : La Gare Franche, Marseille (13).
18 au 22 janvier 2016 : Le Trident - Scène nationale Cherbourg-Octeville, Cherbourg-Octeville (50).

10 février au 6 mars 2016 : HETPALEIS, Anvers (Belgique).
10 et 11 mars 2016 : Théâtre de la Ville, Courtrai (Belgique).
15 au 17 mars 2016 : La Ferme du Buisson - Scène nationale de Marne-la-Vallée, Noisiel (77).
30 mars au 2 avril 2016 : Le Bateau Feu, Dunkerque (59).

Jean Grapin
Lundi 4 Janvier 2016

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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Brigitte Corrigou
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© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
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Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023