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Festivals

Festival Trente Trente "Parcours dans la ville"… Ou un autocar nommé désir

S'il est un événement que tous les aficionados de ce festival ne voudraient en aucun cas manquer, c'est le rendez-vous rituel du samedi… Du début d'après-midi à très tard en soirée, embarqués dans un autocar reliant cinq lieux de la ville, pas moins de sept performances convoquant tous les genres sont livrées à leur curiosité. Un parcours riche en découvertes multiples, auxquelles s'ajoute le plaisir pérenne de les partager collectivement.



"Uppercut/Les Filles mal gardées"

"Uppercut/Les Filles mal gardées" © Pierre Planchenault.
"Uppercut/Les Filles mal gardées" © Pierre Planchenault.
L'Atelier des Marches, lieu des créations de Jean-Luc Terrade ouvert à le partager avec des compagnies émergentes, propose deux créations (une étape de travail et une avant-première) des plus excitantes… Ce sera là (sans renier en rien la qualité d'autres qui vont suivre) nos deux coups de cœur de cette journée particulière.

"Uppercut/Les Filles mal gardées" du chorégraphe atypique Anthony Egéa explore sans tabou les conventions des arts dansés pour, sinon les faire exploser, du moins en repousser les limites. Avec sa compagnie Rêvolution (la doublement bien nommée), invité pour la cinquième fois à Trente-Trente, il revient pour présenter une étape (déjà très aboutie) de son travail en cours. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les trois jeunes femmes, prenant superbement possession de l'espace noir moiré en forme de ring design qui leur sert de champ de revendications, transcendent les limites attendues de la danse classique pour offrir un moment de grâce combative dont leur corps, en tension permanente, sort libre et magnifié.

Ce qui est palpable, c'est l'énergie intérieure qui les traverse de part en part pour, sur une musique scandée, sur les pointes ou pas, s'émanciper des limites où d'aucuns voudraient circonscrire leurs mouvements. Et lorsque, de haute lutte, elles remportent ce combat sans merci, elles investissent fièrement l'espace pour donner libre cours à leur corps créatif, se mêlant les unes aux autres, le regard planté dans le nôtre. Uppercut gagnant…

Création Danse.
Anthony Egéa/Cie Rêvolution.
Avec : Olivia Lindon, Jade Paz Bardet, Florine Pegat Toquet.

Scénographie et lumière : Florent Blanchon.

Costumes : Hervé Poeydomenge.

Décor : Atelier de construction de l'Opéra National de Bordeaux.
Durée : 30 minutes.

"Rain"

"Rain" © Pierre Planchenault.
"Rain" © Pierre Planchenault.
De Meytal Blanaru, danseuse chorégraphe israélienne établie à Bruxelles. "Rain" se vit comme un mouvement menant de l'extérieur vers l'intime. Faisant magnifiquement face au public, yeux dans les yeux, pieds fièrement campés au sol (dont la blancheur immaculée met en valeur ses jambes gainées dans un pantalon noir seyant), elle prend des poses étudiées jusqu'à laisser se dénuder un morceau d'épaule nue. Tout en elle respire la grâce des mannequins des couvertures glacées des magazines de mode.

Et puis la musique répétitive dont elle épousait le tempo, se dérègle… Ses mouvements amples et construits deviennent désarticulés jusqu'à la précipiter au sol. Sorte de poupée brisée par une violence prédatrice dont on soupçonne l'origine, elle tente - en vain - de se relever. Et lorsque, après des efforts surhumains, elle y parviendra, lorsque la musique à nouveau trouera la chape de silence qui la recouvrait, elle aura perdu sa superbe. L'œil se fera moins sûr, la posture moins altière. Le traumatisme dépassé, elle redécouvre humblement son corps. Et nous la trouvons plus admirable encore dans sa fragilité exposée.

Danse Avant-première.
Concept, chorégraphie et performance : Meytal Blanaru.
Musique : Benjamin Sauzereau.
Dramaturgie : Olivier Hespel.
Durée : 20 minutes.

"Étude(s) de chute(s)"

"Étude(s) de chute(s)" © Pierre Planchenault.
"Étude(s) de chute(s)" © Pierre Planchenault.
Le Marché de Lerme, rotonde désormais vouée aux manifestations artistiques, accueille "Étude(s) de chute(s)", installation-performance se proposant de mettre en jeu un roman-photo (choré)graphique. Si l'investissement des trois performeurs de Trucmuche Cie est au-dessus de tout soupçon, si leur générosité est entière (offrir la fragilité de son corps nu en équilibre sur trois points d'appui métallique n'est pas mince exploit), le rendu peut déconcerter plus que provoquer l'imaginaire. Mais là encore - faut-il le rappeler - il ne s'agit que "d'un point de vue"… (le mien).

Installation Performance.
Trucmuche Cie/Michaël Allibert
Chorégraphe : Michaël Allibert.
Plasticien : Jérôme Grivel.
Interprétation : Michaël Allibert, Jérôme Grivel, Sandra Rivière.
Assistante chorégraphique : Sandra Rivière.
Son : Jacques Schaeller.
Paysage sonore : Jacques Schaeller.
Durée : 35 minutes.

"Desire's series #1"

"Desire's series #1" © Pierre Planchenault.
"Desire's series #1" © Pierre Planchenault.
La Halle des Chartrons, autre rotonde dédiée aux arts, donne lieu à une création, "Desire's series #1", dont l'originalité tant plastique qu'interprétative ne peut, à plus d'un titre, laisser de marbre. Un homme à demi-nu et au corps parfaitement sculpté apparaît assis face à un écran. Membres ligotés par des cordes solidement nouées et cheveux plantés de fleurs, lys, roses et autres végétaux, il semble accepter docilement son sort lorsque, filmé en direct, on le découvre en gros plan. Des chants baroques accompagnent le mystère vécu. Est-ce le survivant apaisé d'un lointain passé esclavagiste ? Le sourire intérieur qui éclaire son visage ne semble pas exactement de cet ordre… Ou, s'il y a soumission, elle semble ici… désirée.

C'est en effet du côté des adeptes du bondage, pratique sexuelle consistant à ligoter le ou la partenaire pour libérer les émotions érotiques, qu'il conviendrait de se tourner. Quoi qu'il en soit, ce qui ressort de la déambulation artistique - projetée en live -, c'est une jubilation à peine retenue d'une exhibition sous toutes les coutures d'un corps contraint librement montré aux voyeurs que nous sommes à l'évidence devenus. Le trouble qui en résulte aurait peut-être quelque chose "à voir" avec l'archaïque enfoui soigneusement en chacun et chacune…

Création Performance.
Sine Qua Non Art.
Chorégraphie et performance : Christophe Béranger, Jonathan Pranlas-Descours.
Collaboration art visuel, costumes : Fabio Da Motta (Brésil).
Musique : "Prélude à l'après-midi d'un faune" de Debussy, "Te deum" de Marc Antoine Charpentier, "Marche de timbales" et autres musiques.
Durée : 40 minutes.

"La coquille ou le son du gibet"

"La coquille ou le son du gibet" © Pierre Planchenault.
"La coquille ou le son du gibet" © Pierre Planchenault.
Le Performance, espace des danses, ouvre ses portes à "La coquille ou le son du gibet", concert déjanté célébrant les frasques du poète inclassable François Villon, symbole à jamais d'un esprit libre se moquant jusqu'à ce que mort s'ensuive des conventions. Mais si le poète maudit a lui-même largement contribué à entretenir le mythe de son existence dissolue, la postérité n'a fait que prolonger son vœu. L'hommage vibrant qui lui est délivré ce soir participe de cette adoration ressentie pour qui, rebelle à l'ordre établi, ne s'en laisse pas compter.

Aux sons électrisés de sa guitare, Hervé Rigaud et sa voix râpeuse à souhait, entraîne ses deux complices - le synthé techno troubadour Jonathan Pontier et la comédienne violoniste Élise Servières - dans un tourbillon de mots d'ancien français dont le sens peut nous échapper mais jamais la portée libertaire.

Création Musique Voix.
De : Hervé Rigaud, Jonathan Pontier et Élise Servières.
Avec : Hervé Rigaud, Jonathan Pontier et Élise Servières.
Durée : 30 minutes.

"Bibi Ha Bibi"

"Bibi Ha Bibi" © Pierre Planchenault.
"Bibi Ha Bibi" © Pierre Planchenault.
C'est au Glob Théâtre, lieu incontournable du théâtre bordelais, que s'achèvera cette odyssée artistique sous les formes de deux propositions là encore atypiques.

"Bibi Ha Bibi" aurait beaucoup plu, tant dans sa forme que dans son esprit, au dadaïste Tristan Tzara, tant cette proposition affiche un goût immodéré pour les postures détruisant les structures traditionnelles du langage. Affublés de ce qui pourrait passer pour des couches-culottes, les deux compères se jettent à corps perdu et à borborygmes haletants dans des provocations réponses mimétiques les conduisant à flirter en permanence avec une ligne régressive qu'ils transgressent à l'envi. Il y a là manifestement chez ces deux gais lurons fantasques une dérision communicative jubilatoire, à fleur de peau, ôtant définitivement tout crédit à l'esprit de sérieux et aux tristes sires qui en font profession.

Pièce musicale et chorégraphique.
Conception et interprétation : Henrique Furtado et Aloun Marchal.
Costumes : Camille Rosa en collaboration avec Rozenn Lamand.
Dramaturgie : Céline Cartillier.
Collaboration musicale : Jerzy Bielski.
Création lumière : Eduardo Abdala.
Transmission chants inuit : Marie-Pascale Dubé.
Transmission danse du ventre : Estela Ferreira.
Transmission catch : Bruno ‘Bammer' Brito.
Durée : 35 minutes.

"Drift (I)"

"Drift (I)" © Pierre Planchenault.
"Drift (I)" © Pierre Planchenault.
Ce duo est d'un tout autre genre. Il se présente comme un éloge de la lenteur, une pause poétique et esthétique. Dans un monde pris dans les glaces (métaphore), installés de dos sur ce qui pourrait apparaître une langue de banquise à la dérive, deux êtres naufragés explorent à une vitesse infiniment lente la présence de l'autre, seul viatique à leur solitude engourdie. Sur l'autre rive, éloignée d'eux, quelques lumières scintillent dans la nuit polaire avant de s'éteindre définitivement. Musiques et lumières participent grandement à l'enchantement d'un temps en suspension. Un moment rare distillant un bonheur à nul autre pareil : celui d'être.

Performance.
Chorégraphie et performance : Thomas Bîrzan et Mario Barrantes Espinoza.
Direction technique : Sylvain Formatché.
Musique : Martijn Ravesloot aka Melawati.
Création lumière : Ryoya Fudetani, accompagné par Bojana Cvejić.
Avec l'aide de : Mette Ingvartsen, Nicolina Pristaš, Pierre Rubio, Salva Sanchis.
Costumes : Heide Vanderieck.
Documentation vidéo : Federico Vladimir Strate Pezdirc.
Durée : 35 minutes.

Le "Parcours dans la ville" - 5 lieux (Atelier des Marches, Marché de Lerme, Halle des Chartrons, Le Performance, Glob Théâtre) et 7 performances - a eu lieu le samedi 25 janvier 2020 dans le cadre du Festival Trente Trente.
>> Plus d'infos sur Trente Trente

Yves Kafka
Jeudi 6 Février 2020

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

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En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024